GENERALE
E/CN.4/1994/79

20 janvier 1994
FRANCAIS

Original : ARABE/ANGLAIS/CHINOIS/ FRANCAIS

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME
Cinquantième session
Point 20 de l'ordre du jour provisoire

APPLICATION DE LA DECLARATION SUR L'ELIMINATION DE TOUTES LES FORMES D'INTOLERANCE ET DE DISCRIMINATION FONDEES SUR LA RELIGION OU LA CONVICTION

Rapport présenté par M. Abdelfattah Amor, Rapporteur spécial, conformément à la résolution 1993/25 de la Commission des droits de l'homme

TABLE DES MATIERES

Paragraphes

INTRODUCTION 1 - 5

I. MANDAT ET METHODES DE TRAVAIL DU RAPPORTEUR SPECIAL 6 - 18

II. INCIDENTS SURVENUS DANS DIFFERENTS PAYS, QUI ONT RETENU L'ATTENTION DU RAPPORTEUR SPECIAL 19 - 96

Albanie 25 - 26
Algérie 27 - 28

Allemagne 29 - 30
Arabie saoudite 31 - 33
Australie 34 - 35
Bangladesh 36
Bulgarie 37 - 39
Cameroun 40
Chine 41 - 42
Cuba 43 47
Egypte 44 - 45
Espagne 46 - 47
Ethiopie 48 - 50
France 51 - 52
Grèce 53 - 54
Inde. 55 - 57
Iran (République islamique d') 58 - 59
Iraq. 60 - 61
Malaisie 62 - 63
Myanmar 64
Népal 65 - 66
Pakistan 67 - 68
République de Moldova 69 - 70
Roumanie 71 - 74
Soudan 75 - 77 118
République arabe syrienne 78
Viet Nam 79 - 83
Ex-Yougoslavie 84 - 93

III. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS 94

INTRODUCTION

1. A sa quarante-deuxième session, la Commission des droits de l'homme a décidé, par sa résolution 1986/20 du 10 mars 1986, de nommer pour un an un rapporteur spécial chargé d'examiner les incidents et les mesures gouvernementales dans toutes les parties du monde qui étaient incompatibles avec les dispositions de la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, et de recommander les mesures à prendre pour remédier aux situations ainsi créées.

2. Suite au premier rapport soumis par le Rapporteur spécial lors de la quarante-troisième session de la Commission (E/CN.4/1987/35), son mandat a été prorogé d'un an par cette dernière. A partir de 1988, le Rapporteur spécial a soumis chaque année son rapport aux diverses sessions de la Commission (E/CN.4/1988/45 et Add.1 et Corr.1; E/CN.4/1989/44; E/CN.4/1990/46; E/CN.4/1991/56; E/CN.4/1992/52; E/CN.4/1993/62 et Add.1 et Corr.1). Par ses résolutions 1988/55, 1990/27 et 1992/17, la Commission a décidé de proroger à deux reprises le mandat du Rapporteur spécial de deux ans, puis une fois encore de trois ans, jusqu'en 1995.

3. Entre-temps, M. Angelo Vidal d'Almeida Ribeiro, en charge du mandat sur l'intolérance religieuse depuis sa création, a démissionné de sa fonction en date du 18 février 1993 pour raisons de santé. Le Président de la Commission a ensuite désigné M. Abdelfattah Amor pour le remplacer.

4. Dans son rapport, le Rapporteur spécial rappelle, au chapitre premier, les termes de son mandat, l'interprétation qu'il en donne et décrit les méthodes de travail qu'il a utilisées dans l'élaboration de ce huitième rapport. Le chapitre II rend compte des activités du Rapporteur spécial pendant la période qui fait l'objet du présent rapport. Il contient les allégations transmises aux gouvernements concernés à propos de situations qui s'écarteraient des dispositions de la Déclaration, ainsi que les commentaires formulés à cet égard par les gouvernements ayant souhaité répondre. Enfin, le Rapporteur spécial soumet au chapitre III les conclusions et recommandations qu'il a tirées de son analyse des informations recueillies sur les nombreuses violations des droits définis par la Déclaration, durant la période couverte par le présent rapport, et de l'étude des mesures qui contribueraient à la lutte contre l'intolérance et la discrimination fondées sur la religion ou la conviction.

5. Afin de pouvoir présenter son rapport à temps pour la cinquantième session de la Commission des droits de l'homme, le Rapporteur spécial n'a pu inclure dans le présent rapport les communications reçues après le 31 décembre 1993. Celles-ci feront partie du rapport qu'il présentera à la Commission lors de sa cinquante et unième session, en 1995.

I. MANDAT ET METHODES DE TRAVAIL DU RAPPORTEUR SPECIAL

6. Dans ses précédents rapports, le Rapporteur spécial avait exposé certaines considérations ayant trait à l'interprétation du mandat qui lui a été confié par la Commission (E/CN.4/1988/45, par. 1 à 8; E/CN.4/1989/44, par. 14 à 18). Il avait notamment mis l'accent sur le caractère dynamique de ce mandat. Aussi avait-il estimé nécessaire, dans sa phase initiale, de poser les données du problème dont il était saisi, en s'efforçant de dégager les facteurs constituant une entrave à l'application des dispositions de la Déclaration et d'établir ensuite un inventaire des incidents et mesures incompatibles avec ces dispositions.

7. Dans une seconde phase, le Rapporteur spécial avait tenté d'identifier avec plus de précision des situations particulières, où des incompatibilités apparaissaient en rapport avec les dispositions de la Déclaration. Le Rapporteur spécial avait ainsi approché certains gouvernements, pour leur demander des éclaircissements sur des allégations concernant leurs pays. Le Rapporteur spécial avait constaté avec satisfaction que la plupart des gouvernements concernés avaient tenu à lui répondre. Il avait donc estimé que ce dialogue fructueux était des plus nécessaires et qu'il démontrait l'intérêt réel porté par ces gouvernements aux multiples questions abordées dans les allégations qui leur avaient été soumises.

8. En attendant d'effectuer une évaluation en temps opportun, l'actuel Rapporteur spécial a donc poursuivi la méthode de travail de son prédécesseur, consistant à transmettre aux gouvernements des résumés d'allégations qui lui ont été adressées et qui, prima facie, paraissent constituer des atteintes ou des entraves à l'exercice du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Le Rapporteur spécial est toutefois conscient que, dans quelques cas, en appliquant cette méthode de travail, le délai de réponse suggéré aux gouvernements ne leur a pas laissé suffisamment de temps pour entreprendre les investigations nécessaires. Il souhaiterait donc, l'an prochain, mettre au point un système de consultation des gouvernements, en liaison avec les organisations non gouvernementales, qui prenne en compte cette préoccupation légitime.

9. Parmi les allégations qu'il a transmises aux gouvernements concernés, le Rapporteur spécial a constaté que certaines d'entre elles faisaient allusion à diverses formes de harcèlement, à des arrestations et à des détentions arbitraires, à des tortures ou à des mauvais traitements, de même qu'à des atteintes à la vie dont souffrent les victimes de l'intolérance religieuse. Par ailleurs, plusieurs des informations transmises évoquaient la profanation, voire la destruction de sanctuaires ou de biens religieux, ainsi que de cimetières.

10. Cet état de choses a amené le Rapporteur spécial à poser des questions précises et concrètes à certains gouvernements, surtout lorsque les allégations qui leur étaient adressées contenaient des descriptions de cas précis d'individus persécutés pour leur religion ou leurs convictions, ou de lieux de cultes endommagés. Ces questions ont souvent été assorties de demandes de textes législatifs et d'autres textes pertinents.

11. Le Rapporteur spécial apprécie tout particulièrement les efforts accomplis par ceux des gouvernements qui ont tenté de faire la lumière sur les allégations qui leur ont été soumises, conformément au voeu exprimé par la Commission des droits de l'homme dans sa résolution 1993/47 que les gouvernements répondent "... promptement aux demandes d'informations qui leur sont adressées dans le cadre des procédures établies, de manière que les rapporteurs spéciaux chargés de questions thématiques ... puissent

s'acquitter effectivement de leur mandat". Les réponses ainsi fournies par les gouvernements constituent des outils précieux, qui permettent ensuite au Rapporteur spécial de se former une opinion autorisée sur la situation donnée d'un pays en matière de liberté religieuse.

12. En ce qui concerne les suites à donner aux allégations transmises aux gouvernements et aux réponses reçues de leur part, le Rapporteur spécial a l'intention de faire part, de façon beaucoup plus régulière et détaillée, de ses vues et observations sur certaines situations précises et d'y revenir tant que les problèmes d'intolérance religieuse et leurs manifestations l'exigeront, ou aussi longtemps que les réponses fournies par les gouvernements - ou l'absence de réponses - n'apporteraient pas les éclaircissements souhaités. Le Rapporteur spécial s'attachera en outre à étudier le problème des gouvernements qui ne fournissent pas de réponses aux allégations qui leur sont transmises.

13. Aux yeux du Rapporteur spécial, un effort particulier devrait être accompli pour aider les gouvernements qui le souhaitent à mieux percevoir les obligations qui leur incombent pour la mise en oeuvre de l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction de 1981. Il souhaiterait également déterminer avec eux les mesures de prévention qui pourraient être prises, afin d'éviter l'émergence ou l'aggravation de certaines situations d'intolérance religieuse, surtout lorsqu'elles sont de nature à déboucher sur des troubles graves, des émeutes accompagnées ou non de destructions, ou sur un conflit armé.

14. De plus, le Rapporteur spécial tient à relever l'importance qu'il accorde aux visites à accomplir in situ pour approfondir le dialogue déjà amorcé avec de nombreux gouvernements et aussi pour mieux percevoir toute la complexité des situations d'intolérance religieuse qu'il est, et sera, amené à rencontrer au cours de son mandat. Dans une correspondance du 31 août 1993, adressée aux représentants permanents de la Grèce, de l'Inde, de l'Iran (République islamique d') et du Pakistan, le Rapporteur spécial a fait part de son souhait d'effectuer une visite dans leur pays pour s'informer auprès de leurs autorités et d'autres parties concernées de diverses questions relevant de son mandat. Par lettre du 31 août 1993, le Rapporteur spécial s'est également adressé au Gouvernement du Soudan pour lui confirmer qu'il acceptait volontiers l'invitation adressée à son prédécesseur de se rendre au Soudan. Le choix des pays précités par le Rapporteur spécial a été déterminé par son souci d'étudier en détail plusieurs problèmes d'intolérance religieuse, qui lui ont été signalés, tout en veillant à maintenir un équilibre géographique adéquat.

15. Enfin le Rapporteur spécial souhaite entretenir et accroître la coopération déjà commencée avec d'autres rapporteurs spéciaux ou experts indépendants chargés de procédures spéciales voisines de son mandat, notamment en examinant plus en détail avec eux certains problèmes particuliers. Une autre formule de collaboration à explorer serait, dans le cadre de situations spécifiques, d'organiser des visites in situ conjointes à plusieurs rapporteurs spéciaux et/ou experts indépendants.

Le Rapporteur spécial est d'avis qu'une réunion annuelle groupant les rapporteurs spéciaux et les autres experts indépendants est de nature à permettre une plus grande rationalisation des procédures spéciales.

16. Durant la période passée en revue, le Rapporteur spécial s'est efforcé, comme il y était tenu par les termes de la résolution 1993/25 de la Commission, d'utiliser pleinement les renseignements crédibles et dignes de foi dont il a été saisi, en tenant compte des impératifs d'impartialité, d'indépendance et de discrétion. Pour ce faire, il a eu recours à un très large éventail de sources gouvernementales et non gouvernementales, de provenance géographique fort diversifiée et émanant d'organisations, aussi bien que d'individus. Il s'est également entretenu avec des représentants de certains gouvernements et de plusieurs organisations non gouvernementales. Le Rapporteur spécial s'est efforcé de tenir dûment compte d'informations provenant de groupes religieux et de communautés confessionnelles. Le Rapporteur spécial a utilisé de préférence les renseignements récents couvrant la période écoulée depuis la dernière session de la Commission. Néanmoins, il a parfois pris en compte et reflété des informations plus anciennes, lorsqu'il s'agissait de situations mentionnées pour la première fois ou de problèmes, dont l'origine et les manifestations remontent à plusieurs années. Les informations recueillies serviront en outre à constituer une documentation spécifique sur l'intolérance religieuse.

17. Il convient de préciser que le dialogue établi par le Rapporteur spécial avec les gouvernements ainsi que la transmission d'allégations se rapportant à leur pays n'impliquent nullement de sa part, une quelconque accusation ou un jugement de valeur, mais bien plutôt une demande d'éclaircissement en vue de trouver, avec le gouvernement intéressé, une solution à un problème qui touche à l'essence même des libertés et droits fondamentaux.

18. Le Rapporteur spécial constate que les moyens mis à contribution pour l'accomplissement de sa tâche sont particulièrement limités et, à certains égards, dérisoires. Il estime que la recherche et le traitement des données, autant que la formulation des conclusions et des recommandations, ainsi que le suivi des questions exigent un renforcement substantiel des moyens disponibles. Il regrette, par conséquent, de n'avoir pas été en mesure de traiter toutes les informations qui lui sont parvenues sur des problèmes d'intolérance religieuse dans certains Etats, et de n'avoir pu adresser à leurs gouvernements des allégations les concernant dans un laps de temps raisonnable. Il espère, grâce à de nouvelles possibilités, donner une impulsion plus grande à son mandat, de manière à être en mesure de considérer effectivement un nombre maximum de situations sur la base d'une méthode plus rationnelle et rigoureuse, permettant de dégager des conclusions encore plus pertinentes.

II. INCIDENTS SURVENUS DANS DIFFERENTS PAYS, QUI ONT RETENU L'ATTENTION DU RAPPORTEUR SPECIAL

19. Le Rapporteur spécial a adressé des demandes de renseignements précis à 27 gouvernements, conformément au paragraphe 12 de la résolution 1993/25 de la Commission des droits de l'homme, qui "encourage le Rapporteur spécial à poursuivre l'examen des incidents et des décisions gouvernementales signalés

dans toutes les régions du monde, qui sont incompatibles avec les dispositions de la Déclaration et à recommander les mesures à prendre, le cas échéant, pour y remédier".

20. Dans ces communications aux gouvernements précités, le Rapporteur spécial a notamment sollicité leurs vues et observations pour savoir s'ils avaient pris ou s'ils envisageaient de prendre, conformément au paragraphe 5 de la résolution précitée, "toutes les mesures appropriées pour combattre la haine, l'intolérance et les actes de violence, y compris ceux qui sont motivés par l'extrémisme religieux, et promouvoir la compréhension, la tolérance et le respect dans les domaines auxquels se rapporte la liberté de religion ou de conviction", compte tenu des normes internationalement reconnues en matière de liberté religieuse.

21. Parmi les communications transmises aux 27 gouvernements précités, figurent les allégations adressées aux Gouvernements de la République islamique d'Iran et du Pakistan. Celles-ci ne sont toutefois pas reflétées dans le présent rapport, puisque le Rapporteur spécial a estimé que les deux gouvernements concernés n'avaient pas bénéficié du délai minimum de deux mois qu'il considère indispensable pour entreprendre les investigations nécessaires et répondre aux allégations transmises. Si ces deux réponses devaient néanmoins parvenir au Centre pour les droits de l'homme dans le courant du mois de janvier, elles seraient alors publiées avec les allégations correspondantes en additifs au présent rapport.

22. En ce qui concerne la Chine, ce pays a également reçu en 1993 des allégations, de nature à la fois générale et détaillée, pour lesquelles le délai de réponse s'est révélé inférieur à deux mois. Le Gouvernement chinois a fourni une première réponse portant uniquement sur la partie générale des allégations qui lui ont été adressées. Il n'a pas encore répondu à la partie détaillée des allégations relative à une série de cas individuels qui requièrent des investigations plus longues. Par conséquent, ne sont donc reproduites dans le présent rapport que la partie générale des allégations transmises aux autorités chinoises et la réponse correspondante de ces dernières.

23. Au 31 décembre 1993, les gouvernements des pays ci-après avaient répondu aux allégations qui leur avaient été transmises par le Rapporteur spécial durant l'année écoulée : Albanie, Algérie, Allemagne, Arabie saoudite, Australie, Bulgarie, Chine (partie générale des allégations), Egypte, Espagne, France, Inde, Iraq, Népal, République de Moldova, Roumanie, Soudan et Viet Nam. Ce dernier pays a également répondu à une communication qui lui avait été adressée en 1992.

24. En outre, à la suite des communications spécifiques qui avaient été transmises aux gouvernements en 1992, le Rapporteur spécial a reçu à la fin de 1992, après la finalisation de son rapport à la Commission des droits de l'homme, les réponses des gouvernements des pays suivants : Ethiopie, Grèce, Malaisie et Roumanie. Ces réponses, ainsi que les allégations correspondantes, figurent dans le présent rapport.

Albanie

25. Dans une communication datée du 31 août 1993, adressée au Gouvernement albanais, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"Selon les informations reçues le 25 juin 1993, un prêtre orthodoxe grec, l'archimandrite Chrisostomos Maidonis, engagé depuis une année à la réorganisation de l'Eglise orthodoxe autocéphale d'Albanie (paroisse de Gjirokäster, au sud du pays), aurait été emmené de force de son domicile par des policiers se frayant un chemin parmi les passants assemblés sur le trottoir à l'aide de matraques, et reconduits au poste frontière de Kakavia, avant d'être expulsé. L'opération aurait été menée sans autorisation du magistrat du district.

Cet incident survient au moment où l'Eglise orthodoxe autocéphale d'Albanie procède à sa reconstitution après une longue période d'éclipse. C'est dans cette perspective qu'elle aurait ainsi fait appel notamment à quatre prêtres orthodoxes étrangers (un américain et trois grecs, dont celui qui aurait été expulsé). Nos informations indiquent que l'Eglise orthodoxe ferait l'objet de discriminations, puisque l'Eglise catholique romaine, ne comptant que la moitié des membres de la communauté orthodoxe, aurait été autorisée à engager de l'étranger une trentaine de prêtres et plus de 100 soeurs catholiques.

Lors d'un entretien avec le président Sali Berisha, en date du 9 juillet 1993, l'archevêque Anastasios Yanoulatos lui aurait fait part de ses préoccupations quant aux difficultés rencontrées par l'Eglise orthodoxe autocéphale d'Albanie pour recouvrer ses biens immobiliers. Contrairement à l'Eglise catholique, qui disposerait à présent d'un lieu de séminaire et d'une nouvelle cathédrale, et à la communauté musulmane qui aurait mis en chantier une mosquée, les autorités albanaises n'auraient entrepris aucun effort pour restituer à l'Eglise orthodoxe certains lieux de culte ou d'études comme l'Eglise de Tirana ou le monastère d'Ardenitsa, dont celle-ci a le plus urgent besoin."

26. En octobre 1993, le Gouvernement albanais a envoyé ses observations au sujet de la communication susmentionnée que lui avait transmise le Rapporteur spécial :

"Nouvelle démocratie qui s'est dégagée d'un régime dictatorial impitoyable, l'Albanie s'efforce à l'heure actuelle de soutenir les valeurs démocratiques du monde civilisé. De fait, un processus généralisé de transformation est en cours dans notre pays; il vise à l'établissement et à la consolidation de la primauté du droit et de la démocratie parlementaire, et à la mise en oeuvre d'un système de protection des droits de l'homme dans leur ensemble. Dans ce contexte, une attention toute particulière est accordée aux questions de minorités.

L'objectivité oblige à reconnaître qu'avant même la transformation démocratique en cours, alors que l'Albanie était parmi les pays dans lesquels les violations massives et flagrantes des droits de l'homme étaient notoires, elle n'exerçait aucune discrimination particulière à l'égard de ses minorités. Les droits des personnes appartenant à ces minorités étaient violés dans la même mesure que ceux des Albanais eux-mêmes.

Les membres de la minorité grecque, dont il est ici question, avaient le droit d'employer leur langue maternelle tant dans le cadre familial que dans la vie publique; ils avaient un nombre appréciable d'écoles des différents cycles, dans lesquelles l'enseignement était donné dans leur langue maternelle, et dont les enseignants étaient formés, en grec, dans une école normale ainsi qu'à la Faculté de grec de l'Université de Gjirokastra; leur identité culturelle était protégée grâce à des institutions comme les musées, les centres culturels, etc.; ils avaient leur journal, @Laiko Vima', leurs publications et leurs émissions radiophoniques (radio Gjirokastra et radio Tirana); ils étaient représentés à l'Assemblée du peuple et dans les administrations publiques. De façon générale, on peut dire sans grand risque de se tromper que le niveau de jouissance réelle des droits socio-économiques était plus élevé que dans de nombreuses autres régions de l'Albanie. Et cette situation n'était pas tant une réussite à inscrire à l'actif du régime antérieur que l'expression des relations amicales qui avaient toujours existé entre les communautés albanaises et grecques vivant dans les mêmes conditions.

D'entrée de jeu, le nouveau régime démocratique s'est attaché à élaborer et à mettre en oeuvre, pour les minorités, une politique répondant aux normes énoncées dans les documents internationaux de l'Organisation des Nations Unies (ONU), de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) et du Conseil de l'Europe, prenant en considération l'expérience positive des Etats d'Europe dans lesquels la démocratie est établie de longue date. Il convient à ce sujet de rappeler le préambule de la loi constitutionnelle fondamentale (art. 4), libellé comme suit : @La République d'Albanie reconnaît et garantit les droits de l'homme et libertés fondamentales des minorités nationales, tels qu'ils sont énoncés dans les documents internationaux'. La loi sur les droits de l'homme et libertés fondamentales adoptée le 31 mars dispose que : @Les individus appartenant à des minorités nationales jouissent, sans aucune discrimination et, sur un pied d'entière égalité devant la loi, de tous les droits de l'homme et libertés fondamentales : ils peuvent exprimer, préserver et développer en toute liberté leur identité ethnique, culturelle et religieuse, enseigner et recevoir un enseignement dans leur langue maternelle, et créer des organisations et des sociétés ayant pour but de protéger leurs intérêts et leur identité. La nationalité sera déterminée en fonction des normes internationales reconnues'.

A la suite du séjour qu'il a fait en Albanie cet été, sur l'invitation du président Berisha, M. van der Stoel, Haut Commissaire de la CSCE pour les minorités nationales, présente, dans une lettre adressée le 10 septembre à M. Alfred Serreqi, ministre albanais des affaires étrangères, quelques conclusions quant à la condition de la minorité grecque en Albanie, dont on nous permettra de citer les extraits suivants :

@... Le progrès continu dans la transition d'une dictature à un système démocratique, qui est en cours à l'heure actuelle en Albanie, est la meilleure des garanties pour les intérêts légitimes de la minorité grecque dans votre pays. Le paragraphe 30 du Document de Copenhague définit sans ambiguïté le lien existant entre un système démocratique et une protection satisfaisante des minorités, lorsqu'il dispose que les questions relatives aux minorités nationales ne peuvent être résolues de manière satisfaisante que dans un cadre politique démocratique se fondant sur l'Etat de droit...

... De nombreuses années seront nécessaires pour venir à bout des conséquences des politiques économiques désastreuses du régime communiste qui a amené votre pays jusqu'au bord de l'abîme. Cela diminuera inévitablement la possibilité de satisfaire dans les domaines de l'éducation et de la culture en particulier, un certain nombre d'exigences, que des pays plus prospères n'auraient aucune difficulté à financer. La minorité devra accepter les restrictions imposées par la grave situation économique et financière...

... Je voudrais citer un passage d'un document que l'Union démocratique de la minorité de souche grecque d'Albanie (OMONIA) a publié il y a quelque temps à peine - le 7 mai de cette année. Après avoir formulé un certain nombre d'exigences, l'OMONIA affirme : @Un fait est entièrement à l'honneur de nos populations, c'est qu'à une époque où des conflits ethniques féroces ont éclaté en Europe, dans les Balkans en particulier, conflits lourds de conséquences pour les peuples en jeu et dangereux pour la paix dans les Balkans et en Europe, nos populations ont fait preuve de leur culture et de leur maturité, elles ont su aborder les problèmes qui se posaient à elles dans un esprit de démocratie et de bonne compréhension, grâce au dialogue et à la tolérance'.

... Je me suis évidemment rendu compte que depuis l'effondrement du régime communiste en Albanie, la minorité grecque a retrouvé une certaine liberté, comme elle n'en avait pas connu pendant des décennies. Je me rends bien compte aussi que pour le Gouvernement albanais, les problèmes de minorités ne sont que l'une des nombreuses questions pressantes dont il est assailli. Je n'en suis pas moins fermement convaincu, toutefois, que la solution rapide et mutuellement satisfaisante d'un certain nombre de problèmes aigus de minorités pourrait augmenter considérablement, pour l'Albanie, les chances de surmonter les nombreuses autres difficultés auxquelles elle doit faire face...'

Par ailleurs le président du Parlement européen, M. Egon Klepsch, a dit le 21 juillet, au cours de sa visite en Albanie, à propos de la politique du Gouvernement albanais à l'égard de la minorité grecque d'Albanie : @Il ne fait pas de doute qu'elle est excellente'.

Quant au cas particulier mentionné dans la communication jointe à votre lettre, nous voudrions ajouter qu'il n'y a aucune trace d'intolérance religieuse en Albanie. Conformément au paragraphe 32 du Document de Copenhague, que le Gouvernement albanais s'est engagé à respecter à la lettre, les personnes appartenant à la minorité grecque ont le droit d'exprimer, de préserver et de développer en toute liberté leur identité ethnique, culturelle, linguistique ou religieuse. Elles ont en particulier le droit de créer et de maintenir des organisations ou associations à cet effet (par. 32.6).

L'Eglise orthodoxe autocéphale d'Albanie jouit de la même liberté que toutes les autres communautés religieuses de notre pays. Le Gouvernement albanais a affirmé à plusieurs reprises qu'il en respecterait la Constitution. Il apprécie à sa juste valeur la tâche de reconstruction accomplie par l'archevêque Anastasios Yanoulatos. Lui-même grec, celui-ci a affirmé sans ambiguïté, en public, que sa mission à la tête de l'Eglise orthodoxe autocéphale d'Albanie avait un caractère temporaire, conformément à la Constitution de cette église, et cesserait dès lors qu'un prêtre albanais serait prêt à prendre la relève.

Le Parlement albanais a adopté, depuis quelques mois déjà, une loi portant restitution des biens confisqués par l'ancien régime communiste ou indemnisation de leurs anciens propriétaires; cette loi met tous les sujets, y compris les communautés religieuses, sur le même plan et est pleinement conforme aux normes de la législation européenne.

L'archimandrite Chrysostomos Maidonis a été expulsé d'Albanie pour des raisons qui n'avaient rien à voir avec ses prétendues fonctions religieuses. S'étant mis au service de milieux chauvinistes grecs, il se livrait à des activités subversives de propagande, visant à déboucher sur l'annexion de l'Albanie méridionale par la Grèce. C'est là une chose qu'aucun gouvernement albanais, pas plus qu'un autre gouvernement, ne pouvait tolérer, car cela représentait une ingérence flagrante dans les affaires intérieures d'un pays étranger et une tentative dirigée contre son intégrité. Toutes les allégations de brutalités ou de mauvais traitements infligés par la police sont entièrement fausses."

Algérie

27. Dans une communication datée du 22 septembre 1993, adressée au Gouvernement algérien, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"Selon les informations reçues, depuis mars 1993, six écrivains algériens auraient trouvé la mort à Alger sous les coups d'extrémistes islamiques pour avoir critiqué les groupes islamiques radicaux et prôné le sécularisme. Il s'agirait de Laadi Flici, médecin et écrivain, membre du Conseil national consultatif, tué à la Casbah, le 16 mars 1993; de Tahar Djaout, fondateur et éditeur en chef d'un nouveau magazine hebdomadaire @Ruptures', abattu le 27 mai 1993, et connu pour son opposition au fondamentalisme islamique; de Mahfoud Boucebsi, écrivain, psycho-analyste et vice-président de l'Association internationale de psychiatrie pour enfants et adolescents, poignardé le 15 juin 1993, également connu pour ses écrits contre les fondamentalistes islamiques; de Mohamed Boukhobza, sociologue et écrivain, directeur par intérim de l'Institut national des études stratégiques globales, assassiné devant ses enfants, à domicile, le 22 juin 1993; de Rabah Zenati, journaliste de télévision, spécialiste des informations nationales, abattu le 3 août 1993 en face du domicile de ses parents, dans le quartier de Cherarba, pour le compte rendu qu'il aurait effectué de la @marche des démocrates' en mars dernier; enfin de Abdelhamid Benmeni, journaliste au quotidien @Algérie-Actualité', abattu à bout portant à domicile le 9 août 1993, par trois hommes masqués portant des tenues antiémeutes, dans le quartier des Eucalyptus."

28. Le 3 décembre 1993, la Mission permanente de la République algérienne démocratique et populaire auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a transmis les renseignements suivants au sujet de la communication susmentionnée que lui avait transmise le Rapporteur spécial :

"L'attachement de l'Algérie au respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales du citoyen s'est traduit par son adhésion à l'ensemble des instruments relatifs à la protection et à la promotion des droits de l'homme.

Partant de ce constat, il est naturel que la position du Gouvernement algérien à l'égard des actes de violence liés à l'extrémisme religieux ne peut se traduire que par une condamnation ferme et sans équivoque.

L'édification d'un Etat moderne et démocratique, garant de toutes les libertés, passe par l'éradication de l'extrémisme qui, sous le couvert de la religion, use de la violence, laquelle constitue la négation des droits de l'homme à commencer par le plus sacré d'entre eux, le droit à la vie.

Animée de cette conviction, l'Algérie est déterminée à poursuivre son combat contre ce phénomène et la violence qui le caractérise.

S'agissant plus particulièrement de la question relative aux assassinats d'intellectuels algériens mais aussi d'hommes de culte, il convient de préciser que ces assassinats ont été précédés par des prêches conduits par ceux qui ont détourné certains lieux de culte de leur destination et de leur vocation de tolérance et de fraternité pour entretenir la haine à l'égard des hommes de science et de savoir et parfois même d'hommes de religion qui ont prêché la tolérance en rejetant l'idéologie politique prônée par l'extrémisme religieux.

Vous trouverez ci-après une liste non exhaustive d'intellectuels, de médecins, de journalistes et d'hommes de culte qui sont tombés victimes du terrorisme.

1. Universitaires :

Abdelhafid Sanhadri : Premier intellectuel assassiné, M. Sanhadri était membre fondateur du Comité national de sauvegarde de l'Algérie (CNSA) et membre du Conseil consultatif national (CCN).

Djillali Liabés : Professeur de sociologie, progressiste moderniste, était connu pour sa double culture francophone et arabophone. Il est tout à fait significatif que son assassinat a eu lieu quelques semaines après que l'autorité politique l'ait placé à la tête d'une commission d'experts de haut niveau pour réfléchir sur les perspectives d'évolution de la société algérienne après l'an 2000.

Ahmed Hambli : Professeur de charia islamique à l'Université de Tizi-Ouzou, était connu pour sa modération dans la Daâwa islamique qu'il prônait dans les mosquées et au sein d'associations islamiques de bienfaisance. Il a été assassiné le 30 septembre 1993 à l'entrée de l'Université de Tizi-Ouzou, à sa descente de voiture, devant une foule d'étudiants.

M'hamed Boukhobza : Sociologue et Directeur de l'Institut national des études de stratégie globale, membre du Conseil consultatif national. Il a été assassiné (gorge tranchée) le 22 juin 1993, devant ses enfants qui ont été contraints par les terroristes à assister à la scène.

2. Médecins :

Mahfoud Boucebci : Psychiatre de renommée mondiale, il était connu pour son engagement, en faveur de la protection des @mères célibataires' et des @enfants naturels'. Il a été assassiné à l'arme blanche le 15 juin 1993, à l'entrée de l'hôpital Drid Hocine à Alger.

Djillali Belkhenchir : Engagé en tant que militant des droits de l'homme au sein du Comité algérien contre la torture et en tant que démocrate au sein du Comité national de sauvegarde de l'Algérie. Son assassinat, dans l'enceinte même de l'hôpital où il exerçait en tant que pédiatre, a soulevé une réprobation unanime.

Laadi Flici : Médecin, écrivain, membre du Conseil consultatif national, il a été assassiné à l'arme blanche le 24 mars 1993 dans son cabinet situé dans la Casbah d'Alger.

3. Journalistes :

La communauté journalistique algérienne a payé un lourd tribut à la violence armée liée à l'extrémisme religieux.

Depuis qu'ils sont ciblés par les terroristes, huit sont morts et deux ont échappé miraculeusement à des attentats. Aujourd'hui, aucun journaliste n'est à l'abri. Les appels au meurtre et les tentatives d'assassinat contre les hommes de presse en raison de leur engagement pour la démocratie et contre la violence de l'extrémisme religieux sont nombreux.

Il faut d'ailleurs rappeler à ce titre que deux bombes, qui n'ont heureusement fait que des dégâts matériels, ont explosé dans l'enceinte de la maison de la presse (place du 1er mai à Alger), ainsi que dans l'immeuble de la télévision (Boulevard des Martyrs à Alger).

Tahar Djaout : Journaliste, écrivain, est mort le 2 juin 1993. Il avait, le 26 mai, reçu plusieurs balles dont au moins une dans la tête. Son meurtrier l'avait attendu, le matin, au bas de son immeuble de résidence et l'a froidement abattu au moment où il s'apprêtait à rejoindre son lieu de travail.

Rabah Zenati : Journaliste de la télévision (ENTV), assassiné le 4 août 1993. Zenati a été tué devant le domicile de ses parents, dans la banlieue d'Alger.

Abdelhamid Benmeni : Cadre administratif, a été assassiné le 11 août 1993 chez lui, dans la banlieue d'Alger.

Saadeddine (Saad) Bakhatoui : Quatre hommes se sont présentés de nuit à son domicile et l'ont enlevé. Il a été retrouvé, le 13 septembre 1993, mort dans les environs de la ville qu'il habitait (Larbaa) à une trentaine de kilomètres d'Alger.

Abderrahmane Chergou : Il a été assassiné dans la cage d'escalier de son immeuble d'habitation, à Mohammadia, dans la banlieue d'Alger, le matin, à la fin du mois de septembre. Frappé de plusieurs coups de couteau, dont un lui a tranché la gorge, Chergou est mort dès son arrivée à l'hôpital de Belfort (El-Harrach), une demi-heure environ après l'attentat.

Djamel Bouhidel : Photographe, a été assassiné le 5 octobre 1993.

Mustapha Abada : Ex-directeur par intérim de la télévision, il a été abattu d'une balle dans la tête, le jeudi 14 octobre 1993.

Smail Yefsah : Journaliste à l'ENTV, a été lâchement poignardé de plusieurs coups de couteau avant d'être achevé par balles, le 18 octobre 1993, devant son domicile, situé à Bab-Ezzouar. L'horrible crime a été commis par six individus armés qui guettaient sa sortie depuis six heures du matin.

4. Hommes de culte :

Un certain nombre d'Imams, désignés par le Ministère des affaires religieuses pour officier dans les mosquées, ont été victimes d'attentats :

Mokdad Bentabri assassiné le 13 mars 1993
Ali Boukhelfa " 28 mars 1993
Abdelmajid Ramel " 9 mai 1993
Ould Saad Saoud Abdelaziz " en mai 1993
Salah Rabie " 26 juin 1993
Houari Yacoub " 1er septembre 1993
Chaouch Boudjemaa " 24 septembre 1993
Abdelkader Boudjemaa " 10 octobre 1993
Omar Arar " 13 octobre 1993"

Allemagne

29. Dans une communication datée du 14 octobre 1993, adressée au Gouvernement allemand, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"D'après les informations reçues, l'Eglise de scientologie aurait fait l'objet de diverses formes de discrimination en Allemagne, entre 1990 et 1992.

Ces discriminations auraient atteint tant la sphère professionnelle que privée des adeptes de l'Eglise de scientologie. Plusieurs personnes auraient été licenciées de leur poste par des compagnies privées d'Ulm, de Kiel, d'Hanovre et de Schwabhansen en raison de leur appartenance à l'Eglise de scientologie. Plusieurs membres auraient été obligés de renoncer à des fonctions au sein de conseils d'administration, auraient perdu des clients dans leurs commerces, ou auraient été victimes de refus de crédit dans les banques, à cause de leurs convictions religieuses. De nombreux membres de l'Eglise de scientologie auraient été victimes de diffamations, d'insultes, d'atteintes à la propriété, ainsi que d'alertes à la bombe ou même de menaces de mort.

Les faits suivants ont été communiqués au Rapporteur spécial :

- Le 20 décembre 1990, la voiture d'un scientologue demeurant à Rendsbourg, aurait été maculée de peinture rouge, alors qu'il était en train de donner une conférence sur la scientologie. Les dégâts se seraient élevés à 1 000 deutsche mark.

- Durant l'été 1991, le local du Centre d'information de l'Eglise de scientologie dans le quartier de Eppendorf, à Hambourg, aurait été mis à sac par des inconnus. Les fenêtres, les livres, des magnétoscopes ainsi qu'un ordinateur furent détruits pour une somme de 25 000 DM.

- Le 2 octobre 1991, un individu portant un uniforme militaire aurait pénétré dans les locaux de l'Eglise de scientologie de Hambourg et agressé le réceptionniste. Ce dernier aurait dû se faire soigner une blessure à l'oeil dans un hôpital. Un autre membre du personnel qui s'était porté au secours de son collègue aurait été frappé au visage et aurait eu le nez cassé.

- Le soir du 31 décembre 1991, plusieurs adolescents venant d'une maison de la communauté protestante se seraient rendus au siège de l'Eglise de scientologie pour y jeter des pétards dans le hall d'entrée. Lorsqu'un scientologue s'approcha pour voir ce qui se passait, il aurait été blessé à la tête. Un ami venu lui porter assistance aurait eu le bras cassé et reçu des coups de pied à la tête, alors qu'il se trouvait au sol. Les voitures garées devant l'Eglise furent endommagées et les fenêtres du bâtiment furent brisées par des jets de pierres.

- Le 22 février 1992, le Vice-Président de l'Eglise de scientologie de Hambourg aurait reçu la visite d'une personne lui annonçant qu'elle avait eu vent d'un projet d'assassinat sur sa personne par un tueur professionnel devant venir d'Italie. Ce visiteur aurait ajouté qu'il avait la possibilité de fournir les noms et qualités de ce tueur contre un paiement de 3 000 DM. Il demandait un versement préalable de 3 000 DM. Cependant lorsque le Vice-Président informa la police, le visiteur aurait disparu brusquement.

- Le 5 février 1993, durant une interview télévisée du porte-parole de l'Eglise de scientologie de Hambourg, à Brême, quelqu'un aurait appelé la chaîne et déclaré que celui-ci serait assassiné après l'interview. Une fois l'émission terminée, le porte-parole aurait dû être escorté par la police criminelle jusqu'à son hôtel.

L'Eglise de scientologie serait en outre victime d'actions diffamatoires dans les lieux publics, dans les universités ou lors de campagnes électorales. Selon les renseignements reçus, nombre de ces actions auraient été initiées par des @experts de sectes' opposés à l'Eglise de scientologie.

A diverses reprises, les partis politiques comme la CDU et le SPD, auraient adopté des résolutions, dont certaines au niveau parlementaire, afin de bannir l'Eglise de scientologie. Ainsi, en mars 1991, sur la base d'un questionnaire publié par le SPD, la municipalité de Hambourg aurait voté en faveur d'un boycott économique, demandé par la CDU, et dirigé contre l'Eglise de scientologie."

30. Le 21 décembre 1993, la Mission permanente de l'Allemagne auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a transmis au Rapporteur spécial les informations suivantes en réponse à l'allégation susmentionnée :

"En raison de la structure fédérale de l'Allemagne, il a fallu, pour recueillir les informations demandées, faire intervenir diverses instances à l'échelon des Länder, ce qui a entraîné un certain retard, dont nous nous excusons. Pour accélérer la transmission des observations de la République fédérale d'Allemagne, nous ne présentons ici qu'une télécopie de la traduction anglaise.

Les observations du gouvernement fédéral montrent, en gros, que la soi-disant Eglise de scientologie est une secte de jeunes qui utilise des connotations religieuses pour couvrir une stratégie commerciale qui ruine bon nombre de ses membres. Le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne espère que les observations ci-jointes répondront aux questions posées par le Rapporteur spécial et il reste à la disposition de ce dernier pour toute autre information.

La Mission permanente de l'Allemagne saisit cette occasion pour renouveler au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies (Centre pour les droits de l'homme) les assurances de sa très haute considération.

Observations de la République fédérale d'Allemagne sur l'accusation de discrimination à l'égard des membres de l'Eglise de scientologie dans la République fédérale d'Allemagne

I. La doctrine de l'Organisation de scientologie

La doctrine de la scientologie a été élaborée par un Américain, Lafayette Ronald Hubbard (1913-1986). Dans les années 30, Hubbard écrivait des ouvrages de science-fiction et, en 1950, il a publié un livre intitulé @Dianetics: The Modern Science of Mental Health', dans lequel il exposait les rudiments de sa théorie, qui est devenue plus tard la @scientologie'. Le terme @dianetics' signifie quelque chose comme @la guérison par la raison'.

La scientologie se fonde sur l'idée que le monde est condamné à une ruine absolue et que Hubbard a découvert le seul moyen de le sauver. Les scientologistes croient que l'humanité vit dans un univers @MEST' (terme hybride et acronyme de @matter, energy, space, time' (matière, énergie, espace, temps)). Selon eux, l'homme se compose d'un corps, d'un esprit et du @thetan' immortel (sorte d'âme-esprit). Le corps n'est qu'une enveloppe habitée par le thetan, qui l'abandonne après la mort. D'après l'Organisation de scientologie, l'esprit est un instrument du thetan. Il se compose de l'@esprit analytique', qui est positif, et l'@esprit réactif', qui est négatif. L'esprit analytique contient toutes les informations, les expériences et les données recueillies par un individu. La fonction de l'esprit réactif consiste à prendre la relève pendant les périodes d'inconscience et à recueillir les perceptions de l'esprit inconscient. Ces perceptions sont stockées sous forme d'@engrammes' et ne sont plus accessibles à l'esprit analytique. Selon les scientologistes, les engrammes sont la source de tous les maux humains qui ne sont pas imputables à des causes physiques et, en particulier, de toutes les maladies psychosomatiques, névroses et psychoses. Les engrammes négatifs sont censés être éliminés grâce à des interrogatoires répétés (@auditions') menés à l'aide d'un instrument de mesure électronique appelé @E-mètre', qui fonctionne comme un détecteur de mensonges. Cette méthode doit permettre à l'individu de parvenir d'abord à un état de @pureté', puis à la @liberté totale'. L'objectif est de @purifier la planète', c'est-à-dire d'établir la domination de l'organisation sur la terre entière.

II. Stratégie visant à propager la scientologie et à faire accepter ses idées

Le programme de l'Organisation de scientologie, le @pont vers la liberté totale', comporte une série de cours progressifs et de sessions de formation, que tout scientologiste doit suivre dans la mesure du possible. Chaque session de thérapie commence par un test de personnalité (le @Oxford Capacity Analysis'). C'est la méthode suivie par l'Organisation pour faire prendre conscience aux participants des soi-disant faiblesses de leur personnalité. On leur dit qu'ils pourraient faire de grandes choses s'ils réalisaient leur potentiel inné grâce à la formation scientologique. La pratique de l'@audition' est au centre du programme de l'organisation. A l'aide de questions répétées, l'examinateur et le candidat sont censés déterminer les obstacles qui empêchent ce dernier d'accéder à un état de @pureté' et, ayant ainsi pris conscience de ces obstacles, les éliminer. Un des principaux cours dispensés par l'organisation est le cours dit de communication où sont enseignées les techniques de @confirmation', et de @confrontation'. Enfin, la @purification' est destinée à immuniser les scientologistes contre les radiations nucléaires. Elle consiste à passer des périodes extrêmement longues dans un sauna, à prendre d'énormes doses de vitamines, à prendre des sels minéraux et de l'huile de table comme suppléments alimentaires et à suivre un programme d'exercices physiques. Pour commercialiser ces cours et d'autres services et promouvoir ainsi le @pont vers la liberté totale', l'Organisation de scientologie a créé de nombreuses branches, des mouvements clandestins et des groupes. Elle se considère comme une entreprise qui vend des matériaux et des services destinés à @libérer' le client. Le Bulletin of International Management No 7 du 2 février 1983 définit ainsi son objectif :

La seule raison d'être des organisations est de vendre et de fournir des matériaux et des services au public et de recruter des membres du public auxquels ces matériaux et ces services peuvent être vendus et fournis. L'objectif est de libérer totalement les clients.

Le Bulletin ajoute :

L'idée qu'une organisation existe pour toute autre raison que de vendre et fournir des matériaux et des services au public doit être rejetée.

Les services de l'organisation sont offerts à des prix élevés qui ne cessent d'augmenter. Les personnes qui ont un salaire moyen ne peuvent pas suivre le programme du @pont vers la liberté totale' sans réduire considérablement leur niveau de vie. Lorsque plusieurs membres de la même famille sont des scientologistes, le coût des cours et de la formation peut compromettre les moyens d'existence de la famille.

En même temps, l'organisation fait participer ses membres à des activités commerciales. Elle les utilise comme recruteurs et vendeurs. S'ils enrôlent un nouveau client, ils peuvent espérer obtenir des remises sur le prix des cours et de la formation.

Pour atteindre l'objectif qui consiste à @purifier la planète', les membres doivent aussi occuper des positions clefs dans le domaine social, économique et politique. L'organisation tente d'acquérir une influence dans ces domaines de plusieurs façons. Par exemple, elle a fondé ses propres sociétés pour vendre et commercialiser la scientologie. Elle opère aussi indirectement par le biais de diverses organisations apparentées et de ses membres actifs. Dans le domaine consultatif, l'organisation offre des services @thérapeutiques' tels que le programme ~Narconon' et un @test de personnalité' gratuit. Le questionnaire utilisé pour ce test comprend 200 questions et est distribué gratuitement aux passants ou directement sous forme de circulaire. Une étude a révélé que ce test donne toujours des résultats négatifs en ce qui concerne la personnalité de celui qui s'y soumet; selon l'étude, il n'a aucune valeur scientifique et sert seulement à recruter des clients pour le programme de cours de scientologie.

Les sociétés utilisent un test de personnalité à peu près identique pour le recrutement de leur personnel. Les réponses sont évaluées par une société du nom de U-Man, qui a des liens avec l'Organisation de scientologie. En outre, des bureaux de consultants offrent, en matière de gestion et conduite des affaires, des conseils qui sont orientés vers les buts de l'organisation.

Le Gouvernement allemand sait que les membres de l'organisation ont déjà réussi à contrôler et à restructurer certaines sociétés. La dépendance de ces sociétés à l'égard de l'Organisation de scientologie se manifeste notamment par leur appartenance à @WISE' (World Institute of Scientology and Enterprises). En Allemagne, plus de 70 sociétés seraient déjà membres de cette organisation.

Dans sa directive de gestion ED 1040, l'Organisation de scientologie donne les conseils suivants :

1. Trouvez une entreprise qui marche déjà très bien.

2. Contactez son chef. Offrez-lui la garantie que son entreprise lui rapportera davantage.

3. Repérez dans l'entreprise les personnes qui s'opposent à votre dessein et mettez-les à la porte.

4. Interrogez les principaux employés et montrez-leur de quoi il s'agit; ils feront démarrer le processus. Ils persuaderont les cadres subalternes et le reste du personnel de faire comme eux.

(Source Haack/Gandow : Scientology, Dianetik und andere Hubbardismen [Scientologie, dianétique et autres hubbardismes], p. 48.)

Les critiques et les anciens membres de l'Organisation de scientologie sont évidemment la cible de lettres de menaces, d'insultes et de faux soupçons. Dans certains cas, des manifestations organisées par des groupes d'action formés pour protester contre les activités de l'organisation ont apparemment été interrompues et il y a eu des dégâts matériels.

III. Statut juridique de l'Organisation de scientologie dans la République fédérale d'Allemagne

Le gouvernement fédéral estime que l'Organisation de scientologie est une secte de jeunes. En raison des dangers qu'elle peut présenter pour le développement personnel et les relations sociales des jeunes, les autorités, comme d'ailleurs le grand public, ont surveillé cette organisation de très près depuis de nombreuses années.

Les critiques de l'organisation estiment que son programme, le @pont vers la liberté totale', est en fait une façade qui recouvre une stratégie commerciale caractérisée par un effort de vente effréné combiné à une volonté impitoyable de domination. L'individu, disent-ils, est isolé de son environnement; il doit peu à peu renoncer à tout autre mode de vie pour finir par se consacrer entièrement à la scientologie et atteindre un nouveau degré de libération. Les cours donnés par l'organisation (l'@audition', le cours de communication et la @purification') sont considérés comme des procédés pseudo-scientifiques qui mettent sérieusement en danger sa santé mentale et physique. Pour bien des gens, l'appartenance à l'organisation mène à la ruine financière.

Selon la Loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne, datée du 23 mai 1949, @chacun a droit au libre développement de sa personnalité dans la mesure où il ne viole pas les droits des autres ou ne contrevient pas à l'ordre constitutionnel ou à la morale' (art. 2, par. 1 de la Loi fondamentale); @chacun a droit à la vie et à l'intégrité physique' (première phrase du paragraphe 2 de l'article 2); @chacun a le droit d'exprimer et de répandre ses opinions oralement, par écrit et sous forme d'images' (première phrase du paragraphe 1 de l'article 5). Selon la première phrase du paragraphe 3 de l'article 5 de la Loi fondamentale, @l'art et la science, la recherche et l'enseignement sont libres'. Enfin, l'article 3 interdit de manière générale toute discrimination. Son paragraphe 3 stipule que @nul ne peut être désavantagé ou favorisé à cause de [...] ses croyances ou de ses opinions religieuses ou politiques'.

En outre, l'article 4 stipule :

@1) La liberté de croyance et de conscience et la liberté de professer une religion ou une philosophie particulière (Weltanschauung) sont inviolables.

2) Le droit de pratiquer librement sa religion est garanti.

[...]'.

Les tribunaux ne se sont jamais prononcés de façon définitive sur la question de savoir si l'Organisation de scientologie est une religion ou une communauté idéologique qui, en tant que telle, aurait droit à une protection spéciale en vertu de l'article 4 de la Loi fondamentale.

Selon les décisions prises par la Cour constitutionnelle fédérale, la réponse à cette question ne dépend pas seulement de la façon dont une organisation se perçoit. L'important est de savoir si son héritage spirituel ou les manifestations extérieures de cet héritage prouvent qu'il s'agit bien d'une communauté de ce type. D'après la Cour, il importe peu que la communauté se livre à des activités économiques qui masquent ses pratiques religieuses ou son idéologie. Mais ses doctrines religieuses ou idéologiques ne doivent pas servir uniquement de prétexte à la poursuite d'objectifs économiques.

Par ailleurs, les libertés garanties à l'article 4 ne sont pas illimitées. La liberté de croyance et de convictions religieuses ou idéologiques ainsi que la liberté de pratiquer une religion en toute liberté prennent fin lorsque l'exercice de ces droits fondamentaux entre en conflit avec d'autres droits fondamentaux - par exemple, avec le droit au respect de la dignité humaine et à la liberté personnelle - définis dans les articles premier et 2. D'autre part, les communautés religieuses et idéologiques doivent aussi respecter les lois générales qui s'appliquent à tous, comme la législation pénale.

L'Etat, pour sa part, est tenu de protéger chacun des membres d'une organisation contre toute attaque verbale, physique ou autre contre sa personne, sa vie, ses biens, son honneur ou ses droits personnels. Cette obligation s'applique indépendamment de la question de savoir si une organisation est reconnue en tant que communauté idéologique ou religieuse au sens de l'article 4 de la Loi fondamentale. Dans ce conflit entre les droits de l'organisation et de ses membres et le devoir de l'Etat d'assurer la protection de tous ses citoyens, le gouvernement fédéral participe à l'examen des problèmes - d'ordre essentiellement intellectuel et politique - que posent les sectes de jeunes et les psychogroupes, en aidant l'opinion publique à prendre conscience de ces problèmes. En raison de la neutralité que lui impose la Loi fondamentale, l'Etat est tenu de faire preuve de modération et d'objectivité dans ce domaine. Toutefois, selon les décisions de la Cour constitutionnelle fédérale, l'Etat a le droit non seulement de faire connaître les faits mais d'exprimer des jugements de valeur personnels fondés sur ces faits. Et si les droits de ses citoyens sont menacés, il peut même lancer des avertissements.

Le gouvernement fédéral sait que les membres de l'Organisation de scientologie sont soumis à des tensions dans leur vie professionnelle et privée en raison de leur appartenance à cette organisation. Les méthodes employées par l'organisation pour recruter de nouveaux membres et pour essayer de @purifier la planète' sont connues du grand public dans la République fédérale d'Allemagne. Grâce aux reportages détaillés des médias, chacun sait que les membres de l'organisation sont soumis à de lourdes charges financières et risquent de subir des changements de personnalité, de même que chacun considère l'organisation comme une entreprise qui ne recherche que le profit et qui asservit et manipule ses membres à cette fin.

Le gouvernement fédéral ne pense pas que ce soit uniquement parce qu'ils appartenaient à l'Organisation de scientologie que des membres de cette organisation ont perdu leur travail ou des clients ou se sont vu refuser un crédit bancaire ou le droit d'utiliser des salles de conférences dans des hôtels pour les réunions de l'organisation. Quoi qu'il en soit, le principe de l'autonomie dans la vie privée s'applique dans la République fédérale d'Allemagne : chaque citoyen jouit de la liberté fondamentale de conclure des contrats comme il l'entend. Il peut mettre fin à un contrat existant sous réserve de certaines conditions juridiques générales. Les partis politiques sont également libres de choisir leurs propres membres. Quiconque considère qu'une mesure dirigée contre lui est discriminatoire peut porter plainte devant les tribunaux nationaux. Selon la nature juridique de l'affaire, la plainte peut être examinée par un conseil de prud'hommes, un tribunal administratif ou une juridiction ordinaire. Quiconque soupçonne qu'un délit a été commis peut s'adresser à la police ou au parquet. A la connaissance du gouvernement fédéral, rien ne permet de penser que de nombreux membres de l'Organisation de scientologie ont été victimes de diffamation, d'insultes, d'attaques contre leurs biens, d'alertes à la bombe ou même de menaces de mort. Dans la ville libre et hanséatique de Hambourg, où se serait produite la grande majorité des attaques verbales ou physiques contre des membres de l'organisation qui sont citées dans le résumé du Rapporteur spécial, les incidents en question - pour autant que les autorités nationales ont pu s'en assurer dans le peu de temps dont elles disposaient - n'ont pas été consignés dans les dossiers du Ministère de l'intérieur ni dans ceux du Ministère de la justice. Seuls les incidents du 5 septembre 1991 et du 22 février 1992 ont été signalés aux autorités compétentes. L'identité des coupables n'ayant pas pu être établie, les poursuites ont été abandonnées.

Les effets que l'appartenance à l'Organisation de scientologie a souvent sur la psyché et le cadre de vie tout entier des membres de cette organisation sont aussi une source de grande inquiétude pour les autorités. C'est dans cette optique qu'il faut considérer la requête que le Parlement de la ville libre et hanséatique de Hambourg a adressée au Sénat en mars 1992. Cette requête se lisait comme suit :

@Le Sénat est prié :

1. De ne pas louer des bâtiments publics à l'Eglise de scientologie ou aux sociétés qui lui sont apparentées;

2. De ne pas conclure avec elle de marchés immobiliers et, en cas de vente de biens immobiliers, d'exercer ses droits de préemption chaque fois qu'il y a un risque que l'Eglise de scientologie ou des sociétés apparentées ou associées se portent acquéreur;

3. D'examiner si, dans les transactions immobilières contrôlées par l'Etat, il est possible d'exercer une influence pour faire en sorte qu'aucune transaction avec l'Eglise de scientologie ou des sociétés apparentées ne soit engagée ou poursuivie;

4. D'examiner dans quelle mesure il est admissible légalement de ne pas conclure de marchés publics avec l'Eglise de scientologie ou des sociétés apparentées.'

La légalité de cette requête n'a pas encore été définitivement évaluée et le Sénat n'a pas encore pris de décision à son sujet.

Il faut noter toutefois que dans la République fédérale d'Allemagne, même les actions de l'Etat peuvent faire l'objet d'un examen judiciaire complet. Le gouvernement est en train de préparer une déclaration en réponse à l'accusation de discrimination à l'égard de l'Organisation de scientologie et de ses membres dans la République fédérale d'Allemagne. Cette déclaration, qui doit être transmise à la Sous-Commission de la Commission des droits de l'homme au titre de la résolution 1503 (XLVIII) du Conseil économique et social, sera soumise à Genève d'ici la fin de mars 1994."

Arabie saoudite

31. Dans une communication datée du 31 août 1993, adressée au Gouvernement saoudien, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"Selon les renseignements reçus, les membres de la communauté musulmane chiite d'Arabie saoudite, qui sont plus d'un million, continueraient d'être victimes de persécutions, d'arrestations arbitraires, d'emprisonnement et parfois d'exécutions en raison de leurs convictions religieuses. Les membres de la communauté feraient l'objet d'une campagne d'intimidation, de terreur et de harcèlement et seraient également victimes de mesures de répression économique et culturelle de la part des autorités.

Les étudiants chiites auraient des difficultés à s'inscrire dans les universités et leurs possibilités d'emploi seraient considérablement restreintes. Les édifices religieux chiites auraient été détruits et le @Hawza', centre traditionnel d'études religieuses chiites, aurait été fermé. La profession exercée par les membres du clergé chiite ne serait pas reconnue et ces derniers ne seraient pas autorisés à soumettre, pour l'établissement de documents d'identité, des photographies prises dans leur costume religieux traditionnel. Les tracts religieux, qui doivent être distribués conformément aux rites chiites et qui doivent être affichés publiquement selon les rites religieux, seraient interdits.

Les renseignements indiquent également que, conformément à un certain nombre de décrets religieux (fatwas) adoptés récemment, des chiites auraient été condamnés pour infidélité et non-respect de la foi musulmane. Ils seraient en outre empêchés de se marier avec d'autres musulmans, de les fréquenter et même de partager leurs repas avec eux. En outre, les publications chiites seraient toujours interdites, alors que la publication de documents dans lesquels le courant chiite est dénigré serait encouragée. De plus, des ouvrages comportant des attaques contre les chiites seraient distribués gratuitement.

Le Rapporteur spécial a été informé que, le 3 septembre 1992, M. Sadeq Abdul Karim Mal-Allah, âgé de 22 ans, membre de la communauté chiite, avait été décapité en public dans la ville d'Al-Qarif, après avoir été condamné à mort par un tribunal siégeant à huis clos, alors qu'il était revenu sur ses aveux. M. Mal-Allah, accusé d'avoir blasphémé, n'aurait eu accès à aucun service d'avocat au cours de son procès. Il aurait été arrêté à l'âge de 17 ans en 1988. Ses détenteurs lui auraient demandé de renier le chiisme, ce à quoi il se serait refusé, et il aurait été ensuite mis au secret et torturé.

Les renseignements indiquent que la loi en Arabie saoudite prévoit la flagellation, l'amputation et la décapitation des personnes reconnues coupables, notamment, d'avoir tenu des propos contre la religion. A cet égard, le Rapporteur spécial a été informé des cas d'Abdel Halek Abd-al-Galik al-Janabi, âgé de 26 ans, et de Turki al-Turki, âgé de 31 ans, tous deux appartenant à la communauté chiite, qui auraient été arrêtés en janvier 1992 et accusés de blasphème. Il est à craindre que les deux hommes soient également menacés d'être exécutés.

Selon d'autres renseignements, M. Michael Cornelius Michael, charpentier égyptien âgé de 36 ans, employé à Alsweidi, à Riyad, aurait été arrêté à son atelier le 1er octobre 1992 par un policier et trois hommes appartenant au Comité Al'amr Bilmarouf Wal'nahie anil'Munkar (Comité pour la propagation de la vertu et la prévention du vice) et conduit devant un tribunal de Riyad. M. Michael, qui serait analphabète, aurait été accusé d'avoir lu un chapitre du Coran sans invoquer opportunément le nom du Prophète Mohammed. Il a été ensuite sommé de comparaître devant le @tribunal des affaires urgentes' (Almahkamah Almousta'jilah) de Riyad, qui lui aurait demandé d'embrasser la foi musulmane, ce qu'il aurait refusé à trois reprises. M. Michael a également été interrogé sur sa foi chrétienne par le Comité pour la propagation de la vertu et la prévention du vice, par des agents des postes de police d'Alsweidi et de Shoubra, par l'Almahkamah Almousta'jilah et par l'Almahkamah Alkoubra (la Haute Cour), devant laquelle il a comparu deux fois. Le 26 octobre 1992, le juge Sheikh Hamad Almougbil aurait condamné M. Michael à sept ans d'emprisonnement et à 1 000 coups de fouets. La sentence devait être exécutée le 26 novembre 1992. M. Michael aurait été conduit tout d'abord à la prison d'Almelen, puis à la prison d'Alha'ir, toutes deux situées à Jihad."

32. Le 8 novembre 1993, la Mission permanente du Royaume d'Arabie saoudite auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a envoyé ses observations au sujet de la communication susmentionnée que lui avait transmise le Rapporteur spécial :

"Nos observations sur cette communication sont les suivantes :

Le Rapporteur spécial dont le rapport sur l'Arabie saoudite est joint à votre communication se réfère à de simples @allégations', selon ses propres termes. Nous n'accordons aucune valeur à ces @allégations'.

Le Rapporteur spécial émaille ses soi-disant rapports de ses propres interprétations erronées de la religion islamique et des pratiques islamiques, et cela d'une manière qui ne sied guère à un fonctionnaire international qui n'a pratiquement aucune qualification pour parler de la religion islamique. Ses conclusions basées sur des @allégations' sont déplorables. Quant aux chiites, comme il les appelle, ils adhèrent à leur propre conception traditionnelle de la foi islamique. C'est un mensonge que de prétendre, comme l'a fait le Rapporteur spécial, qu'on les empêche de pratiquer l'islam dans les mosquées ou à l'occasion des cérémonies religieuses ou sociales. S'il arrive que quelques Saoudiens commettent des crimes dans le pays, c'est la loi du pays qui s'applique à ces crimes. Il est inadmissible que le rapporteur, dont la tâche est purement bureaucratique, s'emploie à conférer à des criminels le statut de martyr.

Quant aux résidents étrangers en Arabie saoudite, ils sont employés de leur plein gré moyennant une rémunération plus que suffisante, et leur revenu est plusieurs fois supérieur à celui qu'ils pourraient obtenir dans leur propre pays. Si un étranger viole la loi du pays hôte, il appartient au gouvernement de faire respecter cette loi.

Les travailleurs étrangers en Arabie saoudite sont informés de la loi islamique du pays avant d'être engagés.

La Mission d'Arabie saoudite ne peut donc que déplorer les innombrables @allégations' fabriquées de toutes pièces qui lui sont transmises par le Centre pour les droits de l'homme et les multiples organisations non gouvernementales et autres organes douteux qui colportent de sinistres calomnies sur l'islam et le peuple islamique. Est-ce là une sorte de nouvelle @croisade' menée au nom du @fardeau de l'homme blanc' et qui est si familière dans l'arène politique internationale ? Nous en avons assez de ce comportement injustifié et inacceptable, qu'elle qu'en soit l'origine."

33. Le Rapporteur spécial n'entend pas se permettre de favoriser une polémique quelconque avec qui que ce soit. Il estime de son devoir de rappeler cependant :

a) Qu'il ne lui appartient ni de porter des accusations ni de se faire l'écho de qui que ce soit;

b) Qu'il entend examiner les incidents et les décisions gouvernementales qui, de son avis, seraient susceptibles de poser des problèmes de conformité ou de compatibilité avec les dispositions de la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction;

c) Qu'il lui revient, dans le cadre de la mission qui est sienne, de soumettre aux gouvernements des allégations et de leur demander de l'éclairer par leurs vues et observations;

d) Qu'il lui incombe de faire preuve, quelles que soient les attitudes ou les réactions, de patience, de pondération et de détermination, afin que s'établissent, malgré les caractères complexes ou sensibles des problèmes, des rapports de coopération et d'entraide avec l'ensemble des parties concernées, et afin que les normes internationalement établies - dont notamment celles de la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction - puissent être respectées et appliquées et bénéficient, partout, de toute la portée qui est la leur.

Australie

34. Dans une communication datée du 14 octobre 1993, adressée au Gouvernement australien, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"D'après les informations reçues, @La Famille', ayant son origine dans l'ancien mouvement @Les Enfants de Dieu', dissous en 1978, serait un Nouveau mouvement religieux (NMR), établi sur six continents et fondé sur la Bible et sur la foi en Dieu. Selon sa conviction, le monde actuel vivrait ses derniers jours avant l'instauration d'un @Nouvel ordre mondial', soumis au pouvoir impie d'un Big Brother, dont le règne ne prendra fin qu'avec le retour de Jésus sur Terre.

La communauté de @La Famille' vivrait des revenus perçus chez les membres bénéficiant de son ministère spirituel. Chaque communauté serait financièrement indépendante.

Le NMR estime qu'il serait l'objet de persécutions de la part d'associations dites anticultes, telles que l'Association de défense des familles et de l'individu (ADFI), en France, le @Culte Awareness Network' (CAN) aux Etats-Unis, ou le @Family Action Information Rescue' (Fair) en Grande-Bretagne, qui chercheraient à détruire la communauté de @La Famille'.

Le Rapporteur spécial a été informé qu'à Sydney et Melbourne, les six communautés de @La Famille' auraient fait l'objet d'interventions policières, à l'aube du 15 mai 1992. Une vingtaine de policiers, accompagnés d'une trentaine d'employés des services médico-sociaux de l'Etat, auraient été impliqués lors de chaque perquisition de domicile.

Tandis que les parents auraient été priés de ne pas opposer de résistance, environ 142 enfants, âgés de 2 à 16 ans, auraient été arrachés à leurs familles et emmenés pour subir des interrogatoires et des examens médicaux intensifs. Des chaînes de télévision, manifestement au courant, auraient filmé ces faits avant de les diffuser dans leurs éditions du soir. Après six jours de détention, incommunicado, les enfants auraient été rendus à leurs parents, faute de preuves susceptibles de justifier les accusations émises contre les membres de @La Famille', qualifiée par certains médias de @dangereuse secte'.

Tant à Sydney qu'à Melbourne, des équipes d'avocats auraient saisi la justice pour faire libérer les enfants; une enquête aurait également été demandée au Gouvernement australien par le parti de l'opposition. Le litige porterait en partie sur l'interprétation divergente donnée au statut légal accordé à l'enseignement à domicile que pratiqueraient les communautés de @La Famille' et que ne reconnaîtraient pas les services médico-sociaux de l'Etat.

En octobre 1992, un accord à l'amiable serait intervenu entre les avocats de @La Famille' et les représentants gouvernementaux de la Nouvelle-Galles du Sud pour mettre fin à la procédure judiciaire engagée. Le 31 octobre 1992, un accord aurait été signé entre les parties, suspendant pour douze mois le procès en cours. Les services médico-sociaux se seraient engagés à retirer la demande de garde des enfants au terme de ce délai. De leur côté, les membres de @La Famille' auraient accepté que leurs enfants participent trois heures par semaine à des activités sportives de plein air, en dehors du programme scolaire.

Par ailleurs, le Médiateur du Gouvernement australien aurait ordonné l'ouverture d'une enquête sur les abus de pouvoir commis par les services médico-sociaux de l'Etat, à la demande de plusieurs avocats des membres de @La Famille'."

35. Dans une correspondance du 29 novembre 1993, le Département du Procureur général de l'Etat australien a fait savoir que les autorités de son pays étaient en train d'examiner les questions soulevées par le Rapporteur spécial et qu'il ferait parvenir ses observations dès que possible au début de 1994.

Bangladesh

36. Dans une communication datée du 31 août 1993, adressée au Gouvernement du Bangladesh, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"D'après les renseignements reçus, la destruction, en décembre 1992, à Ayodhya (Inde), de la mosquée de Babri, a été suivie d'attentats contre la communauté hindoue du Bangladesh. Des milliers de personnes auraient été victimes d'agressions et parfois même tuées. Leurs biens, leurs maisons et leurs temples auraient été pillés, endommagés ou détruits, en particulier dans les régions de Dacca et de Chittagong.

Plusieurs incidents survenus en décembre 1992 ont été portés à l'attention du Rapporteur spécial. Les villages de Fatikchari et Mireswari, dans la région de Chittagong, auraient été totalement détruits par le feu. Des émeutiers auraient incendié au moins trois temples à Sunamganj et un Hindou aurait été battu à mort à Habiganj. Des émeutiers auraient incendié des temples et des maisons appartenant à des Hindous dans le nord-est du Bangladesh, ainsi que dans l'Ile de Kutubdia, au sud du pays. Deux Hindous y auraient été abattus par des individus armés à Bhola. Dans le nord-est, les musulmans auraient mis le feu à quatre temples de la ville de Sylhet. Le 7 décembre 1992, il y aurait eu un attentat visant le temple cinq fois séculaire de Dhakeswari, déjà endommagé précédemment. L'ashram Bholanath Giri de Dacca aurait été pris d'assaut et pillé. Cinq temples hindous de Chittagong, dont le Panchanan Dham et le Tulsi Dham, auraient subi de gros dégâts. Et le temple de Kaibalyadham aurait été rasé au bulldozer le 6 ou le 7 décembre 1992. Des femmes auraient été enlevées et molestées dans les colonies Baculia et Illias. On parle aussi de cas de viols. Des Hindous auraient aussi été agressés et leurs biens pillés à Noakhali. Les autorités n'auraient pris aucune mesure pour mettre un terme aux incidents. Le Rapporteur spécial a été informé que @Glani', le périodique de la communauté hindoue du Bangladesh, a été interdit de publication.

Les pratiques mentionnées ci-dessus n'auraient pas été limitées à l'année 1992. Le 8 novembre 1990, quelque 2 400 temples auraient été détruits. De plus, d'après certaines indications, la communauté hindoue du Bangladesh n'est pas la seule à avoir été touchée. Les quartiers chrétiens auraient eux aussi été attaqués, une église endommagée et un certain nombre de maisons incendiées.

Le Rapporteur spécial a par ailleurs été informé que la communauté bouddhiste du Bangladesh, et en particulier celle qui est établie dans les Monts de Chittagong, a occasionnellement été soumise à des tracasseries et mauvais traitements depuis 1980. Ses membres auraient été empêchés d'observer leurs rites religieux et de célébrer leurs jours de fête et fêtes religieuses. Des maisons auraient été incendiées à Langadu, et les victimes auraient été enterrées sans qu'aient été célébrés les rites religieux requis. Un certain nombre de logements destinés aux moines auraient aussi été détruits à cette occasion, forçant ceux-ci à rester dans le temple et les empêchant ainsi d'observer correctement la pratique du Saint Vasabasa, qui se déroule de la mi-juillet à la mi-septembre. Le 10 avril 1992, une attaque aurait été lancée contre le village de Logang, dans le district de Khagrachari (Monts de Chittagong), avec la complicité des autorités. Il y aurait eu beaucoup de personnes tuées et de maisons incendiées.

Un certain nombre de statues du Bouddha aurait été détruites au fil des ans. En 1989, on aurait brisé celle du Kalampati Bouddha Vihara (Kowkhali Upazila) et torturé des moines bouddhistes. Un certain nombre de fidèles auraient péri dans une fusillade. En 1984, trois temples bouddhistes auraient été entièrement réduits en cendres à Bhushan Chara, Gourastan et Chota Harina. En 1986, il y aurait eu trois temples bouddhistes incendiés à Kalanal, Sutakarma et Shantipur (Panchari Upazila) et sept dans le Dighinala Upazila. En 1987, le Vénérable Ratana Jyoti, prêtre principal du Mitinga Chari (Jurachari Upazila) et le Vénérable Chandra Pala Samanera, du Dhamai Para, auraient été soumis à la torture."

Bulgarie

37. Dans une communication datée du 22 septembre 1993, adressée au Gouvernement bulgare, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"Selon les informations reçues, le Gouvernement bulgare, se fondant sur une loi confessionnelle du 24 février 1949 dont l'inconstitutionnalité vient d'être prononcée par la Cour constitutionnelle, aurait proclamé l'illégitimité du Patriarche Maxim et la non-existence du Saint-Synode de l'Eglise orthodoxe bulgare au profit d'un synode concurrent, composé des Métropolites Pimen, Pankrati, Kalinik et Stefan.

Peu après leur désignation par les autorités, les membres du nouveau synode auraient occupé de force les locaux du Saint-Synode et empêché les dirigeants de l'Eglise orthodoxe bulgare d'effectuer leur travail. Suite à une tentative avortée de saisir la Cour suprême de l'affaire, le Saint-Synode se serait réuni pour condamner les membres du nouveau synode et les priver de leur rang ecclésiastique ainsi que de leurs attributs religieux.

Le 1er juin 1992, le Directeur du Département des affaires religieuses, appliquant une décision du Conseil des ministres du Gouvernement bulgare, aurait dépouillé le Saint-Synode de tous ses droits et ordonné à la banque de geler ses avoirs au profit du nouveau synode. C'est sur cette base qu'auraient été refusés les fonds nécessaires au fonctionnement du Séminaire théologique de Plovdiv pour l'année 1992-1993, de même que le versement du salaire des collaborateurs de l'Eglise orthodoxe bulgare, tant que ceux-ci ne signeraient pas une déclaration de soutien au nouveau synode désigné par le Gouvernement bulgare.

D'autres informations transmises au Rapporteur spécial feraient état d'un appel signé par plus de 4 000 protestants dans toute la Bulgarie et adressé, le 29 avril 1993, à l'Assemblée nationale pour protester contre les manifestations d'intolérance exercées à leur encontre comme à l'égard d'autres chrétiens non orthodoxes. Ces manifestations seraient non seulement tolérées par les autorités mais répercutées sur une large échelle dans le pays par la radio, la télévision et les journaux bulgares.

Toute obédience confessionnelle autre que la religion orthodoxe serait présentée par les mass media comme découlant d'une déviation des principes bibliques fondamentaux et d'une appartenance à des sectes telles que Hare Krishna, les Mormons, les Témoins de Jéhovah ou les adeptes de Moon. De ce fait, les protestants traditionnels de Bulgarie feraient l'objet d'une campagne diffamatoire, ouvrant la voie à de nouvelles formes de discrimination religieuse, d'incitation à la haine et d'oppression à l'endroit des citoyens bulgares ne partageant pas la religion dominante du pays, à savoir la foi orthodoxe.

Le 2 avril 1993, des prêtres orthodoxes, des étudiants et des enseignants du Séminaire orthodoxe d'Orient auraient arpenté les rues de Sofia en brandissant des torches et en détruisant par le feu divers symboles de la foi protestante dont ils s'étaient emparés. La veille, les autorités bulgares auraient retardé puis empêché l'entrée dans le pays d'étrangers suédois protestants venus assister à une conférence interconfessionnelle rassemblant 3 000 personnes, à Sofia. Après déploiement de troupes à l'aéroport autour de leur avion, les hôtes étrangers auraient été forcés par les autorités bulgares de réembarquer et de poursuivre leur voyage vers la Grèce.

Dans leur appel à l'Assemblée nationale, les protestants bulgares auraient souligné que deux membres du Parlement, Christopher Subev et Stephan Stephanov, prêtres en exercice de l'Eglise orthodoxe bulgare, auraient proposé l'élaboration d'une nouvelle loi sur les convictions religieuses, qui assurerait la suprématie de l'Eglise orthodoxe dans les secteurs de la culture, de la vie sociale, de l'éducation et des mass media.

Au vu de ce qui précède, les protestants bulgares estimeraient que deux articles précis de la Constitution bulgare seraient violés : l'article 37, alinéa 1, qui déclare que l'Etat devrait participer au maintien de la tolérance et du respect entre croyants appartenant à divers groupes religieux, et entre croyants et athées; l'article 39, alinéa 2, qui interdit l'usage du droit à la liberté d'expression d'une manière visant à entacher la réputation d'autrui ou à porter atteinte à la jouissance de ses droits.

Le point 1 du chapitre 9 de la Convention pour la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée par le Conseil de l'Europe et ratifiée par le Gouvernement bulgare, serait également violé selon les protestants bulgares. La Convention précise en effet que toute personne a le droit de changer sa religion ou ses convictions à titre individuel ou en compagnie d'autres personnes.

Par conséquent, les protestants bulgares protesteraient vivement contre l'introduction d'une nouvelle loi sur les convictions religieuses établissant la suprématie de la religion orthodoxe dans le pays et les empêchant de pratiquer librement leur foi."

38. Le 15 décembre 1993, la Mission permanente de la République de Bulgarie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a transmis au Rapporteur spécial les renseignements suivants concernant les allégations ci-dessus :

"En réponse aux questions qui figurent dans votre lettre, j'ai l'honneur de vous apporter un certain nombre d'éclaircissements au sujet de la décision de la Direction des cultes auprès du Conseil des ministres de la République de Bulgarie (No 92 du 25 mai 1992) qui porte approbation de la nouvelle composition du Saint-Synode de l'Eglise orthodoxe bulgare, et, ci-joints en annexe, les renseignements supplémentaires que vous désiriez sur la législation qui régit la liberté de culte et les activités des institutions religieuses dans la République de Bulgarie.

Il a été fait appel auprès de la Cour suprême de la décision de la Direction des cultes dont il est fait mention plus haut, tandis que la Cour constitutionnelle, par la décision No 5 du 11 juin 1992, s'est prononcée sur l'appel interjeté par 59 députés et par le Président de la République de Bulgarie concernant la conformité à la Constitution de la loi de 1949 relative aux cultes (annexe No 1).

En vertu de la décision de la Cour constitutionnelle (annexe No 2) un certain nombre de dispositions de la loi de 1949 relative aux cultes (art. 10, 12, 18, 20, 21, 22 et 23) ont été abrogées pour inconstitutionnalité, mais il ne s'agit pas de la loi dans son ensemble. Dans ces conditions, la procédure d'enregistrement des cultes auprès des organes du pouvoir exécutif demeure régie par les articles 6, 9 et 16 de ladite loi de 1949. C'est en vertu de ces articles que la Direction des cultes a établi que l'autorité centrale de l'Eglise orthodoxe bulgare n'avait pas été dûment enregistrée. Cette constatation n'a pas été contestée par la décision No 255 du 2 juillet 1992 de la Cour suprême de la République.

En ce qui concerne l'approbation de la nouvelle composition du Saint-Synode, la Cour suprême a estimé, par la décision No 255 du 5 novembre 1992, que la Direction des cultes avait outrepassé ses pouvoirs. Cette dernière a accepté la décision de la Cour suprême et l'a confirmée par un texte (No 82) du nouveau Directeur des cultes, M. Hristo Matanov.

Les institutions religieuses, étant en vertu de la Constitution de la République de Bulgarie (art. 13, par. 1), séparées de l'Etat, le pouvoir exécutif ne peut s'immiscer dans les affaires internes de l'Eglise orthodoxe bulgare, pas plus qu'elle ne peut prendre parti dans les querelles éventuelles. C'est au Conseil oecuménique, comme prévu par les statuts de l'Eglise orthodoxe bulgare, qu'il revient de trancher.

En ce qui concerne la protestation émanant de @plus de 4 000 protestants bulgares' qui auraient souffert de discrimination en raison de leurs convictions religieuses, il a été établi, après enquête, ce qui suit :

La majorité d'entre ces personnes n'appartiennent pas aux églises protestantes dûment enregistrées en Bulgarie. Elles représentent des organisations qui ont été enregistrées en vertu de la loi sur les personnes et la famille, en tant que fondations à but non lucratif, échappant ainsi à la loi relative aux cultes mentionnée ci-dessus, qui énonce la procédure à suivre pour l'enregistrement des cultes. Il convient de remarquer que les dirigeants des cultes protestants enregistrés se sont démarqués des groupes qui se sont manifestés et prétendent illégitimement représenter le protestantisme en Bulgarie.

La protestation des 4 000 citoyens bulgares en question a été examinée par deux commissions de l'Assemblée nationale (le Parlement), la Commission des cultes et la Commission des droits de l'homme, mais aucune décision n'a été prise.

S'il est vrai que certains médias ne distinguent pas entre secte et culte, le pouvoir exécutif n'a pas pour autant le droit d'attenter à leur liberté et à leur indépendance. Les personnes concernées par des écrits erronés ou offensants peuvent faire publier un démenti ou intenter un procès contre leurs auteurs.

Les représentants de la Direction des cultes ont souligné, lors d'apparitions publiques, qu'il fallait distinguer entre sectes et cultes. Le pouvoir exécutif de la République de Bulgarie respecte les cultes protestants.

En ce qui concerne les projets relatifs à une nouvelle loi sur les cultes, le Gouvernement bulgare estime que cette loi doit être conforme à la Constitution et aux traités internationaux auxquels la République de Bulgarie est partie."

39. En ce qui concerne la loi des cultes de 1949 figurant en annexe 1 de la réponse du Gouvernement bulgare, ne sont mentionnés dans le présent rapport que les articles se référant spécifiquement aux problèmes évoqués par les autorités bulgares, à savoir les articles 6, 9, 10, 12, 16, 18, 20, 21, 22 et 23.

"ANNEXE 1

Article 6. Le culte est reconnu et acquiert une capacité de personne morale dès la confirmation de ses statuts par le Ministre des affaires étrangères. Dès ce moment, ses sections locales acquièrent, elles aussi, la capacité de personne morale.

Le Ministre des affaires étrangères peut, en se motivant, révoquer la reconnaissance accordée lorsque les activités culturelles sont en violation avec les lois, l'ordre public ou les bonnes moeurs.

Article 9. Tout culte est responsable devant la direction de l'Etat.

Les statuts du culte établissent ses organes d'administration et de représentation ainsi que les modalités de leur désignation et élection.

Les ministres du culte qui entretiennent des rapports canoniques avec l'étranger ne peuvent pas entrer en fonctions avant qu'ils ne soient confirmés dans leur qualité par le Ministre des affaires étrangères.

Article 10. Seuls des ressortissants bulgares, personnes honnêtes et de confiance, n'étant pas déchus de leurs droits par un jugement ayant acquis la force de chose jugée, peuvent être des ministres du culte et des fonctionnaires de quelque culte que ce soit.

Article 12. Les ministres du culte ainsi que tous les autres fonctionnaires des institutions religieuses qui enfreignent les lois, l'ordre public et les bonnes moeurs ou oeuvrent contre les réglementations démocratiques de l'Etat, sans égard de leur autre responsabilité éventuelle à ce sujet, peuvent, sur la proposition du Ministre des affaires étrangères, être suspendus ou destitués. La suspension ou la destitution est rendue effective par la direction respective du culte dès qu'elle en reçoit la proposition du Ministre des affaires étrangères. Si le Ministre du culte n'est pas suspendu par la direction du culte, il le sera par voie administrative.

Article 16. Les organes de direction centrale du culte sont tenus de s'immatriculer auprès du Ministère des affaires étrangères et les organes de direction locale - auprès des conseils populaires locaux en désignant nommément tous les membres de ces organes de direction.

Article 18. Le pouvoir suprême de l'Etat et ses organes ne peuvent être mentionnés par le culte lors de différents offices, rites et cérémonies religieux qu'en termes et expressions approuvés au préalable par le Ministère des affaires étrangères.

Article 20. La création des associations et des organisations dans un but religieux et moral ainsi que la publication des éditions imprimées en vue d'une éducation religieuse sont soumises aux lois générales et aux dispositions administratives.

L'éducation et l'organisation des enfants et des jeunes sont confiées aux soins de l'Etat et restent en dehors du champ d'activité du culte et de ses ministres.

Article 21. Le culte ne peut pas créer des hôpitaux, des orphelinats et autres établissements similaires.

De tels établissements existant au moment de la loi sont placés sous le contrôle du Ministère de la santé publique ou du Ministère du travail et de l'assistance sociale et leurs biens meubles et immeubles deviennent une propriété de l'Etat. Une indemnisation équitable est attribuée aux propriétaires de ces biens qui est fixée par une commission, désignée par le Ministre des affaires étrangères et composée d'un représentant du Ministère des affaires étrangères, d'un représentant du Ministère des finances et d'un représentant du Conseil populaire dans la région où se trouvent les biens.

Les décisions de la Commission peuvent faire l'objet d'un recours devant le tribunal régional dont le jugement est définitif.

Article 22. Le culte ne peut entretenir des rapports avec des cultes, établissements, organisations ou personnalités officielles dont le siège ou le domicile sont en dehors du territoire du pays qu'avec une autorisation préalable accordée par le Ministre des affaires étrangères.

Article 23. Le culte ou ses communautés (ordres, congrégations, missions, etc.) qui ont un siège à l'étranger ne peuvent pas établir de sections en République populaire de Bulgarie (missions, ordres, établissements de bienfaisance et autres). Celles qui existent au moment de la loi sont fermées dans un délai d'un mois à compter de la date de l'entrée en vigueur de cette loi.

Conformément aux paragraphes précédents tous les biens des établissements fermés (missions, ordres, établissements de bienfaisance et autres) deviennent une propriété de l'Etat, une indemnisation équitable étant versée à leurs propriétaires. Le montant de l'indemnisation est fixé en vertu de l'article 21 de cette loi."

"ANNEXE 2

Par une demande en date du 16 avril 1992, précisée le 23 avril 1992, un groupe de 59 députés de la trente-sixième Assemblée nationale ont demandé à la Cour constitutionnelle de proclamer anticonstitutionnels les articles 12, 14, 15, 22 et 31 de la loi sur les cultes (Journal officiel No 48 de 1949, amendement au Journal officiel No 1 et No 13/1951). La demande a constitué l'affaire constitutionnelle No 10/1992 et par arrêt du 24 avril 1992 l'Assemblée nationale, le Conseil des ministres, le Saint-Synode de l'Eglise bulgare ordhodoxe, l'Administration générale du mufti, l'Eglise catholique et l'Eglise évangéliste des Cinquante jours ont été constitués parties intéressées par l'affaire.

A la demande du Président de la République du 6 mai 1992, précisée par avis du 27 mai 1992, une affaire constitutionnelle sous le No 11/1992 a été constituée. Il a été demandé à la Cour constitutionnelle de donner une interprétation obligatoire de l'article 13, alinéas 1 et 2, ainsi que de l'article 37 de la Constitution, et d'établir le caractère anticonstitutionnel de la loi sur les cultes. Dans l'affaire ont été constituées les mêmes parties en cause que celles dans l'affaire constitutionnelle No 10/1992. Du fait que l'objet de la demande sur l'affaire constitutionnelle No 10/1992 est couvert par celui de l'affaire No 11/1992, la première affaire constitutionnelle a été assimilée à la seconde pour une délibération et une décision communes, la procédure sur l'affaire constitutionnelle No 10/1992 ayant été suspendue.

Par arrêt du 4 juin 1992 la Cour constitutionnelle a estimé irrecevable la demande du groupe des députés et du Président de la République concernant la détermination de l'anticonstitutionnalité de la loi sur les cultes. Les motifs y relatifs sont exposés en détail dans la partie circonstancielle de l'arrêt adressé aux parties.

La demande du Président de la République pour l'interprétation des dispositions de l'article 13, alinéas 1 et 2, et de l'article 37 de la Constitution, a été admise par le même arrêt pour une discussion de principe.

Après la discussion des arguments et des considérations juridiques exposés dans la demande et les avis des parties en cause déposés par écrit, la Cour constitutionnelle admet ce qui suit :

La demande porte sur l'interprétation de l'article 13, alinéas 1 et 2, et l'article 37 de la Constitution. Une interprétation des textes est demandée non pas en général, mais concrètement au sujet des corrélations entre communautés et institutions religieuses, d'une part, et l'Etat, d'autre part, lors de la réalisation du droit constitutionnellement proclamé à une confession de foi libre.

I. Caractéristique du droit constitutionnel à un choix de confession de foi et de conceptions religieuses - article 37, alinéa 1 de la Constitution

Indubitablement, l'interprétation des textes doit commencer par là, parce que la définition desdits droits détermine décisivement le caractère du régime juridique assurant leur réalisation réelle.

Dans le droit constitutionnel il est généralement accepté que la liberté de conscience constitue un domaine qui, par son essence, ne connaît aucune sanction juridique. Le ralliement de l'homme à une confession de foi ou à une autre dépend de sa conviction intime sur laquelle l'Etat, même s'il le veut, n'aurait pas la possibilité d'exercer une influence matérielle.

C'est la conception de notre législateur en disant que les cultes sont libres et indépendants de l'Etat (art. 13, al. 1 et 2) que la liberté de conscience, la liberté de pensée et le choix de religion et de conceptions religieuses ou athéistiques, sont inviolables (art. 37, al. 1), que l'on n'admet aucune restriction des droits ou des privilèges fondés sur la religion (art. 6, al. 2 de la Constitution).

L'analyse des textes mentionnés ne peut que conduire à la conclusion que le droit de culte est, ainsi que la liberté de pensée et de conviction, un droit individuel fondamental absolu directement lié à la vie spirituelle intime de la personne humaine et par ce fait constitue une valeur d'ordre suprême. Cette caractéristique du droit à une religion détermine non seulement les pouvoirs possibles lors de son exercice, mais profile également tout le régime juridique régissant ce domaine.

Il est d'une importance essentielle de révéler le contenu juridique du droit au culte selon la Constitution actuelle en vigueur. Ce droit comprend les pouvoirs suivants les plus importants :

En premier lieu, c'est le droit à un choix libre de la religion.

En second lieu, c'est la possibilité d'un exercice libre de la religion : par la presse, la parole, par la création des communautés et des associations religieuses, leurs activités intérieures et extérieures, comme manifestations au sein de la société. L'article 18, paragraphe 4, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du 16 décembre 1966, ratifié par la République de Bulgarie le 20 mars 1976 (Journal officiel No 43/1976), reconnaît la liberté des parents, respectivement des curateurs, d'assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants en conformité avec leurs propres convictions.

Lors de l'interprétation des dispositions des articles 13 et 37 de la Constitution il est nécessaire d'accorder une attention particulière aux notions de @communauté religieuse' et d'@institutions religieuses', c'est-à-dire de relever la nature de l'association religieuse, autant que c'est justement avec les communautés et les institutions religieuses que l'Etat entre en certaines relations déterminées.

II. Droit d'association sur une base religieuse

Comme il a été souligné, l'un des pouvoirs fondamentaux faisant l'objet du droit au culte, c'est le droit d'association sur une base religieuse. Ce droit est formellement proclamé à l'article 12 en rapport avec l'article 13 de la Constitution et n'engendre aucun doute. Ce sont uniquement les termes @communauté religieuse' et @institution religieuse', utilisés à l'article 13, alinéa 4, qui peuvent donner lieu à certaines raisons d'hésitation ou d'interprétation contradictoire. A première vue on a l'impression de deux notions tout à fait différentes. Ainsi par exemple, en partant de l'interprétation littérale des textes, on peut affirmer que conformément à l'article 13, paragraphe 2, les institutions religieuses (et non pas les communautés religieuses) sont séparées de l'Etat, et d'autre part - conformément au paragraphe 4 - toutes les deux, c'est-à-dire les communautés religieuses et les institutions religieuses, ne peuvent pas être utilisées à des fins politiques. Cette différenciation, qui pourrait résulter de l'interprétation littérale des textes, est pourtant apparente. La communauté religieuse comprend toutes les personnes qui confessent une même conviction religieuse commune. Les institutions, ce sont les éléments de la forme et de la structure organisationnelles, par lesquelles la communauté respective réalise ses activités à l'intérieur de la communauté et à l'extérieur dans la société. L'interprétation du paragraphe 4 de l'article 13 nous oriente vers une telle compréhension - l'utilisation de la conjonction @et', et non pas @ou', ainsi que la mention à la même ligne, c'est-à-dire de manière équivalente par rapport à la disposition de la norme juridique de la communauté religieuse et des institutions religieuses. Et encore, en faisant une interprétation sémantique de l'article 13, paragraphe 2, pourrions-nous imaginer des institutions religieuses séparées de l'Etat sans une telle séparation des communautés religieuses qu'elles représentent.

Le droit d'association religieuse a quelques éléments essentiels qui le distinguent de l'association proprement dite. Ces éléments sont liés au temps, pendant lequel l'association est en vigueur, ainsi que les objectifs et les tâches qu'elle s'assigne.

L'interprétation de la Constitution en vigueur nous conduit à la conclusion que l'association sur une base religieuse est effectuée sans avoir en vue sa durée et ceci découle de la motivation psychologique intime des membres de l'association, religieuse par son caractère. Un trait caractéristique de l'association religieuse est également le fait qu'elle s'assigne des objectifs et des tâches qui sont liés à la réalisation concrète du droit au culte.

Pour pouvoir dévoiler par la voie de l'interprétation le rôle de l'Etat par rapport aux communautés et aux institutions religieuses, et en général, par rapport à la réalisation du droit constitutionnel au culte, il est nécessaire de faire ressortir préalablement la limite établie de la liberté constitutionnelle du culte, ainsi que celle du droit d'association pour exercer ce droit.

III. Limite de la liberté constitutionnelle garantie de la confession de foi

Le droit à une religion est un droit humain fondamental, absolu, personnel, inviolable, et pour ces raisons, proclamé par la Constitution. Pourtant, il n'est pas illimité au point de vue de son exercice réel. Ses limites sont strictement et explicitement établies par la Constitution. Un argument s'y rapportant pourrait être puisé également dans la disposition de l'article 57. Il est inadmissible de faire étendre ces limites, que ce soit par une loi ou par la voie de l'interprétation.

Conformément à l'article 13, paragraphe 4, les communautés et les institutions religieuses, ainsi que les convictions religieuses ne peuvent pas être utilisées à des fins politiques, et conformément à l'article 37, paragraphe 2, la liberté de conscience et celle des cultes ne peuvent pas être dirigées contre la sécurité nationale, l'ordre public, la santé publique et la morale ou contre les droits et les libertés des autres citoyens.

La Cour constitutionnelle n'entre pas en détail dans l'interprétation de chaque raison restrictive indiquée, parce qu'une telle approche outrepasse l'objet d'interprétation de l'article 13, paragraphes 1 et 2, et de l'article 37, tel qu'il apparaît dans le texte de la demande.

De telles restrictions dans cet aspect ou dans un aspect pareil existent également dans les accords internationaux et les conventions internationales, auxquels la Bulgarie est partie, comme par exemple le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

IV. Le rôle de l'Etat par rapport au droit de culte, ainsi que par rapport aux communautés et aux institutions, par lesquelles ce droit se réalise

La caractéristique du droit au culte, faite jusqu'ici, son essence juridique, ainsi que les limites constitutionnellement déterminées de sa réalisation, permet en conformité avec la Constitution de la République de Bulgarie en vigueur de faire relever par la voie de l'interprétation le rôle de l'Etat dans ce domaine : ce que l'Etat est obligé de faire, ce que l'Etat peut ou ne peut pas faire.

L'Etat, en sa qualité de sujet suprême de la souveraineté et garant des droits civils proclamés par la Constitution, est tenu d'assurer des conditions pour l'exercice libre et sans entraves à tous égards du droit individuel à une religion de chaque citoyen bulgare. Ceci résulte de l'obligation impérative adoptée dès le Préambule de la Constitution érigeant en principe suprême les droits de l'individu, sa dignité et sa sécurité (al. 3 du Préambule). Ce principe est concrétisé davantage à l'article 6, paragraphes 1 et 2, à l'article 13, paragraphe 1 et à l'article 37, paragraphe 1 de la Constitution.

L'Etat assume l'obligation de contribuer au maintien de la tolérance et du respect mutuel entre les personnes confessant différentes religions, entre les croyants et les athées - article 37, paragraphe 2 de la Constitution.

Cependant, par ses organismes et ses institutions, l'Etat ne peut pas effectuer une ingérence et administrer la vie d'organisation intérieure des communautés et des institutions religieuses. Ces activités sont régularisées par leurs statuts et les autres règlements d'organisation interne. Ceci découle de la disposition du paragraphe 1 de l'article 13 disant que les cultes sont libres (sur le plan individuel, aussi bien qu'institutionnel) et du texte explicite du paragraphe 2 de l'article 13 stipulant que les institutions religieuses sont séparées de l'Etat.

La non-ingérence de l'Etat dans les affaires intérieures des communautés et des institutions religieuses et leur manifestation sociale résulte aussi des obligations internationales adoptées par la Bulgarie suite aux clauses contenues avant tout dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En outre, l'article 9, paragraphe 2, de la Convention européenne de protection des droits de l'homme, qui est à souscrire par la République de Bulgarie en sa qualité d'adhérant au Conseil de l'Europe, déclare : @La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui'. Comme il est évident, le texte est presque entièrement repris à l'article 37, paragraphe 2, de notre Constitution.

Les droits de l'Etat de s'ingérer dans les activités des communautés et des institutions religieuses sont réduits à la prise des mesures nécessaires seulement et uniquement dans les cas où l'on est en présence des hypothèses de l'article 13, paragraphe 4, et de l'article 37, paragraphe 2, de la Constitution. Une telle appréciation est effectuée aussi lors de l'immatriculation éventuelle des communautés ou des institutions religieuses.

Des contradictions de la loi des cultes dans son aspect actuel avec les dispositions de la Constitution récemment adoptée sont indiquées expressément dans le texte de la demande du Président de la République. Ce sont, notamment, les articles 10, 12, 18, 20, 21, 22 et 23 de la loi des cultes. C'est justement pour établir cette contradiction que l'interprétation de l'article 13, paragraphes 1 et 2, et de l'article 37 de la Constitution est demandée.

La Cour constitutionnelle estime que, pour ce qui est des dispositions des articles 13 et 37 de la Constitution en tant que droit en vigueur, dans le cas c'est le paragraphe 4, alinéa 1, des Dispositions transitoires et finales qui est applicable en rapport avec l'article 5, paragraphe 2, de la Constitution. Les dispositions de la loi des cultes qui entrent en contradiction avec l'article 13 et l'article 37 de la Consittution doivent être considérées abrogées en vertu de l'effet immédiat de ces normes constitutionnelles dès le moment de l'entrée en vigueur de la Constitution. Ceci peut être constaté fortuitement par tout organe judiciaire. Ainsi, par exemple, les dispositions des articles 10, 12, 18, 20, 21, 22 et 23 de la loi des cultes contredisent directement les articles 13 et 37 de la Constitution.

Menée par les considérations exprimées ci-dessus et en vertu de l'article 149, paragraphe 1, de la Constitution et l'article 12, paragraphe 1, de la loi de la Cour constitutionnelle, à l'occasion de la demande, déposée par le Président de la République, portant sur l'interprétation de l'article 13, paragraphes 1 et 2, et de l'article 37 de la Constitution, la Cour constitutionnelle a décidé :

1. Le droit de culte est un droit, absolu, individuel, inviolable, un droit humain fondamental de chaque citoyen bulgare. Il constitue une valeur d'ordre suprême. L'existence de la société civile est inconcevable sans les garanties assurant son exercice.

2. Le droit de culte comprend les pouvoirs suivants les plus importants :

- le droit à un choix libre de culte;

- la possibilité à un exercice libre de religion - par la parole, la presse, l'association.

3. Le droit de culte ne peut être limité en aucune manière, sauf dans les cas arrêtés à l'article 13, paragraphe 4, et à l'article 37, paragraphe 2, de la Constitution, et notamment, lorsque les communautés et les institutions religieuses sont utilisées à des fins politiques ou lorsque la liberté de conscience et des cultes est dirigée contre la sécurité nationale, l'ordre public, la santé et la morale publiques ou contre les droits et les libertés des autres citoyens. Les raisons restrictives indiquées sont exhaustivement énumérées et ne peuvent pas être étendues ou complétées par la loi ou par l'interprétation. Ce ne sont que les mécanismes concrets de leur réalisation qui peuvent être déterminés par la loi.

4. Les communautés et les institutions religieuses sont séparées de l'Etat. Il est inadmissible que l'Etat effectue une ingérence et administre la vie d'organisation intérieure des communautés et des institutions religieuses, ainsi que leur manifestation sociale, à l'exception desdits cas formulés aux articles 13 (par. 4) et 37 (par. 2) de la Constitution.

5. En ce qui concerne les dispositions légales encore existantes qui contredisent les articles 13 et 37 de la Constitution, c'est le paragraphe 3 des Dispositions transitoires et finales qui est applicable en rapport à l'article 5, paragraphe 2 de la Constitution de la République de Bulgarie."

Cameroun

40. Dans une communication datée du 31 août 1993, adressée au Gouvernement camerounais, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"D'après les informations reçues, les Témoins de Jéhovah ne bénéficieraient toujours pas d'un statut légal, bien qu'ils en aient fait la demande depuis 1990."

Chine

41. Dans une communication datée du 25 novembre 1993, adressée au Gouvernement chinois, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"Selon les informations qui sont parvenues au Rapporteur spécial, les mesures prises par les autorités chinoises pour limiter et contrôler l'exercice des libertés religieuses se seraient accentuées, depuis les événements de la place de Tiananmen, en 1989. Malgré l'article 36 de la Constitution chinoise qui garantit celles-ci, chacune des cinq religions officielles reconnues en Chine, telles que le bouddhisme, le daoisme, l'islam, le catholicisme et le protestantisme, serait regroupée dans une @association patriotique', laquelle serait redevable de ses activités devant le gouvernement par l'intermédiaire du Bureau des affaires religieuses.

Les églises faisant partie de l'Association patriotique catholique ou du Mouvement protestant patriotique Three-Self seraient considérées comme étant affiliées. Mais l'Association patriotique catholique ne reconnaissant pas le Vatican, les prêtres catholiques ou les communautés qui se référeraient tout de même à Rome le feraient dans l'illégalité. Quant au Mouvement protestant patriotique, il chercherait à rassembler toutes les dénominations existantes en une, sans tenir compte des différences de doctrine ou de liturgie. D'où l'existence d'églises protestantes souterraines qui se réuniraient dans des domiciles privés.

Les autorités chinoises seraient attentives aux changements survenus dans les anciens pays socialistes d'Europe de l'Est, où l'Eglise a souvent joué le rôle de valeur-refuge et aussi de ferment vers le changement, de même qu'aux nouvelles poussées de l'islam dans les pays d'Asie centrale et aux liens existant entre la religion et le nationalisme au Tibet. Un autre facteur de préoccupation serait la récente expansion du christianisme au sein de la population chinoise, et notamment auprès des jeunes. Il y aurait aujourd'hui en Chine quelque 63 millions de protestants et environ 12 millions de catholiques.

Depuis 1992, les autorités chinoises s'efforceraient de réduire les activités religieuses autorisées et de circonscrire toutes celles qui ne rentreraient pas dans les structures existantes. Apparemment, la religion serait de plus en plus utilisée pour fomenter des troubles et compterait parmi les six forces antagonistes identifiées à l'échelon national, contre lesquelles une vaste campagne devrait être organisée, selon une récente proposition faite par le Ministre de la sécurité publique lors d'une conférence sur le même sujet à l'échelle du pays. D'autres dirigeants chinois verraient dans les progrès actuels de la religion en Chine une tentative de s'opposer à l'influence du Parti communiste chinois.

C'est dans ce contexte que devrait être examinée la non-réélection du chef de l'Eglise protestante chinoise officielle, Ding Guangxun, au huitième Congrès national du peuple, au début de 1993, alors qu'il y avait siégé depuis 1964 et occupé de hautes fonctions au Comité permanent et au Comité des affaires étrangères. Sa non-réélection serait due au fait qu'il se serait opposé, lors d'une séance du Congrès en juillet 1992, aux mesures d'oppression prises contre les églises protestantes souterraines, et à des critiques qu'il aurait émises à propos de la mise en oeuvre des politiques gouvernementales dans le domaine religieux.

Depuis 1992 également, la politique de répression exercée par les autorités chinoises contre les Eglises tant protestantes que catholiques, en marge des structures officielles, aurait pris des contours nouveaux. On assisterait à une recrudescence de condamnations par décret administratif, à un transfert de prisonniers passant de la détention judiciaire à la détention administrative, à l'usage récurrent de la torture et à la réaffirmation constante de la part des autorités de leur volonté d'en finir avec les activités religieuses dites @illégales'.

Les autorités auraient aussi modifié leur tactique de harcèlement des Eglises échappant à leur contrôle. Mises à part quelques exceptions, elles n'infligeraient plus de longues peines de prison aux fidèles qui auraient outrepassé la réglementation religieuse en vigueur. Elles ordonneraient plutôt des raids éclair contre les églises, souvent accompagnés d'actes de violence contre les fidèles, et condamneraient les personnes arrêtées à de courtes périodes de détention, associées à des menaces d'ordre physique ou psychologique.

Toute une palette de contraintes aurait été mise en place pour surveiller les personnes détenues après leur libération, les étrangers rendant visite aux églises chinoises ou les membres du clergé vaquant à leurs activités religieuses. De lourdes amendes seraient administrées aux détenus avant qu'ils ne puissent regagner leur foyer. Des mesures auraient également été prises pour déplacer contre leur gré des représentants influents des églises; les services religieux seraient interrompus par des policiers appartenant aux bureaux locaux de la sécurité publique. Des fermetures d'églises se seraient produites et des destructions d'églises auraient eu lieu. Les fidèles se seraient vu confisquer leurs maisons, y compris leurs animaux et leurs outils, de même que leurs bibles et leurs cantiques. Ils seraient en outre obligés d'assister à des cours d'éducation politique.

La religion en Chine demeurant subordonnée au Parti, toute forme d'évangélisation, de prosélytisme et de formation des prédicateurs, y compris les itinérants (dont l'activité est associée à du vagabondage) serait interdite. Ainsi, en ce qui concerne les églises protestantes souterraines, leurs dirigeants devraient en principe être approuvés par les autorités et les membres du parti, et la structure de leur église connectée à une église officielle. En empêchant ceux-ci de prêcher ailleurs que dans l'arrondissement qui leur est accordé et en insistant pour que le personnel religieux soit recruté parmi les professionnels formés au sein d'offices gouvernementaux, les autorités chercheraient ainsi à couper court aux tentatives d'expansion des églises protestantes souterraines.

En ce qui concerne plus particulièrement les catholiques, ceux-ci seraient souvent soupçonnés de s'opposer aux activités de l'Association patriotique catholique, d'ordonner des prêtres, de maintenir des contacts avec le Vatican ou avec des membres du clergé connus pour leurs liens avec celui-ci. Par ailleurs, lorsqu'ils exprimeraient leur désaccord avec la doctrine officielle du parti, notamment en ce qui concerne la pratique de l'avortement, ils seraient souvent arrêtés et condamnés à plusieurs années de travaux forcés.

Il y aurait un regain de contrôle sur la distribution des bibles et d'autres formes de littérature religieuse à laquelle les autorités locales devraient donner leur accord. Aucune exposition de ces ouvrages ne serait autorisée dans les magasins. A Guangzhou, par exemple, en avril 1992, quelque 3 000 bibles auraient été saisies par trente membres de la police de sûreté dans un appartement. Le missionnaire concerné aurait été interrogé pendant quatre heures, avant d'être relâché.

L'enseignement théologique dans les séminaires catholiques aurait été réduit pour faire place à des cours sur le marxisme, le socialisme, le patriotisme et les politiques religieuses en vigueur dans le pays. La durée de cet enseignement aurait passé de cinq ou six ans à deux ans, en principe pour pallier au manque aigu de prêtres.

Par ailleurs, au Tibet, d'après les informations transmises au Rapporteur spécial, le bouddhisme, religion pratiquée par les Tibétains depuis le VIIe siècle après J.-C. et qui imprègne tous les aspects de la culture et de la société tibétaines, continuerait de se heurter à de grandes difficultés.

Alors qu'en 1959 encore, il existait quelque 6 250 monastères et temples abritant plus de 592 500 moines et nonnes, les années qui suivirent auraient été marquées par des destructions considérables, perpétrées surtout durant la période 1955-1961 et, dans une mesure moindre, durant la Révolution culturelle. Selon certaines indications, on estimerait qu'en 1976, il ne restait plus que huit monastères et couvents en état. Des statistiques établiraient qu'au moins 100 000 moines, nonnes, réincarnés et adeptes du tantrisme auraient été torturés et parfois exécutés durant cette période, et que plus de 250 000 religieux auraient été contraints d'abandonner leur robe monastique.

Les autorités chinoises auraient depuis 1976 amorcé un processus de reconstruction de certains monastères et temples tibétains, mais qui serviraient davantage à satisfaire la curiosité des touristes qu'à permettre au clergé tibétain de poursuivre ses activités religieuses et son action d'enseignement. Pendant des siècles, les principaux monastères tibétains avaient formé des générations de novices et de moines venant de divers pays de la région, qui suivaient un enseignement dès l'âge de 18 ans jusqu'à 45 ans.

Aujourd'hui de grands monastères comme ceux de Sera, Drepung ou Gaden qui, autrefois abritaient des communautés monastiques de 5 000 à 10 000 personnes, ne seraient autorisés à recevoir que quelques centaines de moines chacun. Le rayonnement des collèges dépendant de ces monastères en souffrirait donc, de même que le niveau de formation et d'enseignement qu'ils seraient en mesure de prodiguer. Les programmes de cours devraient en outre faire place à des séances d'éducation politique. L'accès de novices, de moines ou de nonnes aux monastères et couvents serait limité aux candidats ayant un profil acceptable aux diverses autorités ou organes étatiques participant de près à la gestion administrative des monastères et couvents : Bureau des affaires religieuses, Association bouddhiste tibétaine, Bureau de la sécurité publique, et équipes d'inspection du travail.

De vives inquiétudes auraient été exprimées quant aux difficultés rencontrées pour l'enseignement du tibétain et le maintien de connaissances suffisantes dans cette langue, notamment en vue de son utilisation dans les études religieuses. Dans certaines régions du Tibet, l'enseignement du tibétain serait devenu facultatif dans les écoles, des classes n'étant organisées que lorsqu'il y aurait un nombre d'enfants suffisant d'origine tibétaine, l'apprentissage du chinois demeurant, lui, obligatoire. On estimerait qu'aujourd'hui la population d'origine chinoise demeurant au Tibet s'élèverait à quelque 7,5 millions pour une population de 6 millions de Tibétains."

42. Le 22 décembre 1993, la Mission permanente de la République populaire de Chine auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a transmis au Rapporteur spécial les renseignements suivants concernant les allégations ci-dessus :

"Comme je vous l'ai fait savoir dans ma réponse du 29 novembre 1993, les autorités chinoises compétentes ont éprouvé des difficultés à mener des enquêtes exhaustives pour fournir des réponses complètes et détaillées aux accusations avant la date limite du 31 décembre 1993 que vous avez fixée, compte tenu du nombre exceptionnellement important de questions et de personnes évoquées dans votre lettre et de la brièveté du délai imparti. Toutefois, étant donné l'esprit de coopération qui a toujours marqué les relations du Gouvernement chinois avec les mécanismes des droits de l'homme de l'ONU, et pour répondre aux demandes que vous avez formulées lors de notre conversation du 17 décembre 1993, j'ai été chargé, en attendant que soient terminées les enquêtes sur les questions et les personnes concernées, de fournir une première réponse de principe à la première partie du document d'incrimination intitulé @Aspects généraux des problèmes d'intolérance religieuse en Chine et au Tibet', en espérant que le rapport que vous présenterez à la Commission des droits de l'homme à sa cinquantième session en rendra pleinement compte. Nous vous prions également, en attendant de recevoir les réponses du Gouvernement chinois aux autres parties de ce document, de ne pas affirmer dans votre rapport que le Gouvernement chinois n'a pas encore ouvert d'enquête ni répondu aux allégations.

La première réponse de principe du Gouvernement chinois à la première partie du document d'incrimination est la suivante :

1. La liberté de conviction religieuse est garantie par les lois de l'Etat. La Constitution chinoise stipule que @Les citoyens de la République populaire de Chine jouissent de la liberté religieuse. Aucun organisme d'Etat, aucun groupement social, aucun individu ne peut contraindre un citoyen à épouser une religion ou à ne pas la pratiquer, ni adopter une attitude discriminatoire à l'égard du citoyen croyant ou du citoyen non croyant. L'Etat protège les pratiques religieuses normales'. En vertu de l'article général No 77 de la législation civile, les biens détenus légitimement par les groupes religieux sont placés sous la protection de la loi. De même, la loi électorale, la loi relative au service militaire, la loi relative à l'enseignement obligatoire et d'autres textes législatifs contiennent des dispositions précises et claires sur la protection de la liberté de conviction religieuse et l'égalité des citoyens religieux en droits. Les agents de l'Etat qui privent illégalement des citoyens de leurs droits religieux sont passibles d'enquêtes et répondent de leurs actes en vertu de l'article 147 du Code pénal.

2. De même, le Gouvernement chinois respecte et protège, systématiquement et constamment, le droit de ses citoyens à la liberté de conviction religieuse. Les citoyens chinois sont libres d'être des croyants ou des non-croyants et de choisir d'embrasser quelque foi que ce soit. Au sein d'une même religion, ils sont libres de croire en quelque secte que ce soit. Les non-croyants peuvent devenir croyants et les croyants peuvent changer à tout moment de croyance. Sur les plans politique et légal, les adeptes d'une religion et les non-croyants sont égaux et ont les mêmes droits et obligations.

3. Il existe en Chine diverses formes de religion - le bouddhisme, le taoïsme, l'islam, le catholicisme, le protestantisme et d'autres. Le bouddhisme, le taoïsme et l'islam sont largement répandus. Comme le bouddhisme et le taoïsme n'ont pas de rites d'initiation rigoureux, il est difficile d'en estimer le nombre d'adeptes, mais on compte environ 7 millions de bouddhistes tibétains et près de 1 200 000 bouddhistes palis parmi les minorités ethniques. Certaines minorités ethniques, soit un total de plus de 17 millions d'individus, professent l'islam. Selon des chiffres datant de deux ans, le catholicisme et le protestantisme ont respectivement 3,5 millions et 4,5 millions de fidèles. On compte à présent plus de 60 000 monastères, temples, mosquées, églises et autres lieux de culte. Le clergé bouddhiste, taoïste, musulman, catholique et protestant se chiffrait en tout en 1992 à près de 210 000 individus.

4. Le Gouvernement chinois comprend un Département des affaires religieuses qui est chargé d'appliquer la loi et la politique relatives à la liberté de conviction religieuse et non de s'immiscer dans les activités religieuses des différents groupes religieux. Durant la grande Révolution culturelle (1966-1976), ces lois et la politique du gouvernement en matière religieuse ont été malmenées. Depuis la Révolution culturelle, et notamment depuis l'amorce de la réforme et l'ouverture de 1979, le Gouvernement chinois a beaucoup fait, et avec un succès évident, pour appliquer la loi relative à la liberté de conviction religieuse, réactiver, améliorer et appliquer sa politique en matière de liberté religieuse et protéger le droit des citoyens à la liberté de conviction religieuse.

5. Les huit groupes religieux ci-après existent actuellement dans l'ensemble de la Chine : l'Association bouddhiste de Chine, l'Association daoïste de Chine, l'Association islamique de Chine, l'Association patriotique catholique de Chine, la Commission d'administration de l'Eglise catholique chinoise, le Collège épiscopal catholique chinois, le Comité du mouvement patriotique Three-Self des Eglises protestantes de Chine et le Conseil chrétien. En outre, on compte 164 groupes au niveau provincial et plus de 2 000 à l'échelon du pays. Tous les groupes et citoyens religieux organisent leurs activités et conduisent leurs affaires religieuses en toute indépendance et sous la protection de la Constitution et de la loi.

6. Il existe actuellement 47 collèges religieux dans l'ensemble du pays, dont le Collège bouddhiste de Chine, le Collège chinois des études classiques islamiques et le Collège taoïste de Chine. Depuis 1980, plus de 2 000 novices y ont été formés. En outre, chaque collège a envoyé plus de 100 élèves dans une douzaine de régions et pays différents. Ces établissements organisent leurs programmes selon leurs propres caractéristiques et la situation dans laquelle ils se trouvent, sans ingérence du gouvernement.

7. Le Tibet forme une partie indissociable du territoire de la Chine depuis le XIIIe siècle. Il constitue aujourd'hui une des régions autonomes du pays, et il est faux de le placer sur un pied d'égalité avec la Chine.

Le Gouvernement chinois applique dans la Région autonome du Tibet, comme dans les autres régions de Chine, une politique de liberté religieuse. La grande majorité des Tibétains sont des bouddhistes tibétains. Depuis la libération pacifique du Tibet en 1951, l'appareil tibétain applique consciencieusement, à tous les niveaux, les lois et politiques liées à la liberté de conviction religieuse, ce qui lui vaut d'être largement salué par les masses de moines et de prêtres. Pendant la Révolution culturelle, la politique de liberté religieuse a été gravement compromise au Tibet comme dans d'autres parties du pays, et les installations et sites religieux ont subi des pertes considérables. Depuis 1980, la Région autonome du Tibet a réussi à rétablir et reconstruire progressivement son appareil chargé des affaires religieuses, et a beaucoup fait pour protéger le droit des citoyens à la liberté de conviction religieuse. Au cours des dix dernières années, le Gouvernement central chinois a alloué à la Région autonome du Tibet plus de 200 millions de yuan pour lui permettre d'appliquer sa politique en matière religieuse et d'entretenir les monastères de Jokhang, Samye, Zhaibung, Sera, Gandan et Tashilhunpo, et a attribué des fonds spéciaux pour l'entretien du palais de Potala. En 1992, le Tibet comptait 1 425 monastères, 34 000 lamas et nonnes et un collège bouddhiste. Le but de la restauration des sites religieux est de satisfaire le besoin qu'éprouvent les masses de fidèles de mener des activités religieuses normales et non de drainer les touristes. Le peuple tibétain est entièrement libre de mener des activités religieuses normales sous la protection de la Constitution, de la loi et de la politique du gouvernement.

Le Gouvernement central chinois et le Gouvernement de la Région autonome du Tibet accordent la plus haute importance à la protection, à la perpétuation et au développement de la culture tibétaine traditionnelle. En 1987, le Congrès du peuple de la Région autonome du Tibet a adopté des @Dispositions concernant l'étude, l'usage et la mise en valeur de la langue tibétaine', dans lesquelles il était stipulé qu'une importance égale devait être accordée au tibétain et au chinois au Tibet, la priorité étant accordée au tibétain. A présent, aussi bien le chinois que le tibétain sont employés dans les textes de lois et de règlements, les décrets et résolutions adoptés par le Congrès du peuple du Tibet, les documents publiés par le gouvernement, les avis, les journaux et les programmes de radio et de télévision au Tibet. Les ouvrages publiés en tibétain représentent 70 % de toutes les publications. Le tibétain est la principale matière enseignée dans les écoles de chaque catégorie, à tous les niveaux.

D'après le quatrième recensement général de 1990, la Région autonome du Tibet compte 21 960 000 habitants, dont 20 960 000, soit 95,46 %, sont des Tibétains de souche. Les Chinois han et les autres nationalités représentent ensemble près de 5 % de la population.

8. La Constitution et la loi accordent aux citoyens chinois le droit à la liberté de conviction religieuse, mais les investissent également de responsabilités. La Constitution chinoise stipule clairement que @nul ne peut se servir de la religion pour troubler l'ordre social, nuire à la santé des citoyens ou entraver l'application du système d'enseignement de l'Etat'. Comme l'exige la loi, tous ceux qui se prévalent d'une religion pour mener des activités illégales ou criminelles, qu'ils soient croyants ou non-croyants, auront affaire au Gouvernement chinois. Pas un seul des croyants qui ont été traités selon la loi n'a été arrêté pour sa foi en une religion.

9. En Chine, le fonctionnement des groupes religieux est guidé par les principes de l'indépendance, de l'autonomie et de l'autogestion. Ces groupes sont hostiles à tout financement des affaires religieuses internes de la Chine et à toute ingérence dans ces affaires par quelque force étrangère que ce soit, afin de veiller à ce que les citoyens chinois jouissent réellement du droit à la liberté de conviction religieuse. Avant la fondation de la République populaire de Chine, en 1949, les Eglises catholique et protestante de Chine étaient entièrement dominées par des forces religieuses étrangères. Des dizaines de @groupes d'études' et @missions' opérant en territoire chinois se répartissaient en sphères d'influence, créant de nombreux @Etats dans l'Etat'. A cette époque, une vingtaine seulement des évêques des 143 diocèses catholiques de Chine étaient de souche chinoise et n'avaient aucun droit, signe de l'ancien ordre social, moitié féodal, moitié colonial. Depuis la fondation de la Chine nouvelle, les cercles religieux chinois se sont affranchis de l'emprise des groupes religieux étrangers et sont devenus autonomes, non dépendants et autosuffisants dans leur doctrine, une entreprise religieuse propre au peuple chinois.

Le Gouvernement chinois appuie activement l'instauration d'un commerce amical entre les personnalités et les groupes religieux au sein du pays et avec l'étranger, sous réserve du respect des principes d'indépendance, d'autonomie et d'autogestion et sur la base d'une égalité complète et du respect mutuel. Les associations religieuses chinoises ont noué et développé ces dernières années des liens d'amitié avec des cercles religieux dans plus de 70 pays et régions du monde entier, se sont maintes fois fait représenter dans des conférences et journées d'études religieuses internationales et ont participé à plusieurs organisations religieuses internationales.

Il ressort de ce qui précède que le Gouvernement chinois se conforme pleinement à la Déclaration universelle des droits de l'homme et à la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction ainsi qu'aux dispositions d'autres documents internationaux des droits de l'homme relatives à la protection de la liberté de conviction religieuse, et qu'il a honoré ses obligations. Il convient de bien noter que la première partie du document d'incrimination est dénuée de tout fondement dans les faits et qu'elle est remplie d'affirmations erronées."

Cuba

43. Dans une communication datée du 31 août 1993, adressée au Gouvernement cubain, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"Selon les informations reçues, les Témoins de Jéhovah continuent de faire l'objet de poursuites de la part du Gouvernement cubain, en dépit de certaines améliorations apportées à l'article 54 de la Constitution, qui régit les activités des institutions religieuses. De 1989 à ce jour, le domicile de 300 Témoins aurait été perquisitionné. Les Témoins seraient souvent mis à l'amende et parfois emprisonnés. Pour le seul mois de mars 1992, 40 Témoins de Jéhovah auraient été détenus, 17 mis à l'amende, tandis que 14 d'entre eux auraient eu leur domicile fouillé.

Plusieurs incidents méritent d'être signalés : en février 1992, près de la ville de Holguín, à Salida San Andres, un petit groupe de personnes avec quelques Témoins de Jéhovah lisaient la bible au moment où la police aurait fait irruption au milieu d'eux et confisqué leur littérature religieuse. D'autres incidents similaires se seraient produits les 11 et 12 octobre respectivement à Carrera Larga et à Calixto García, au nord de Cuba, et auraient conduit à l'arrestation d'une dizaine de Témoins dans la première localité. Mises à l'amende (60 000 pesos), ces personnes auraient été exposées à la foule, accusées d'appartenir à un groupe contre-révolutionnaire et molestées par des éléments incontrôlés de la foule.

Plus grave encore, le 25 octobre 1992 à Guantanamo, la maison du Frère Adriano Dela H. où se tenait une réunion avec une vingtaine de Témoins de Jéhovah, aurait été envahie par des manifestants armés pour certains de câbles électriques et de bâtons. Ils auraient tabassé les personnes présentes. Peu après, la police serait arrivée et aurait procédé à leur arrestation, tout en confisquant leurs cartes d'identité, plusieurs agendas, des enregistreurs, une machine à écrire, plusieurs bibles, ainsi que de la littérature religieuse. La police aurait ensuite procédé à des interrogatoires de Témoins avant de les relâcher. Bien que le matériel saisi ait été par la suite rendu à ses propriétaires, il n'en demeure pas moins que les Témoins de Jéhovah seraient régulièrement empêchés de s'exprimer à titre privé ou public, en dépit des assouplissements apportés à l'article 54 de la Constitution. Aucune tentative visant à améliorer le sort des Témoins de Jéhovah, depuis la mise hors-la-loi de leurs activités, n'aurait été entreprise de la part des autorités cubaines."

Egypte

44. Dans une communication datée du 28 octobre 1993, adressée au Gouvernement égyptien, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"D'après les informations qui sont parvenues au Rapporteur spécial, la situation des quelque sept millions de chrétiens d'Egypte (les coptes) continuerait de se dégrader, en dépit des dispositions de la Constitution égyptienne garantissant l'égalité des citoyens égyptiens devant la loi, sans distinction de sexe, d'origine, de langue, de religion ou de croyance, ainsi que la liberté de croyance et d'exercice du culte (respectivement articles 40 et 46 de la Constitution).

Les coptes feraient présentement l'objet d'une campagne diffamatoire au sein des mass media, contrôlés par l'Etat, et seraient mentionnés de façon négative dans les publications émanant de sources privées ou gouvernementales. Ils auraient de moins en moins accès aux multiples universités, institutions et établissements scolaires d'obédience islamique construits par l'Etat dans l'ensemble du pays.

De plus, la confiscation des terres et des biens de l'Eglise copte au profit du Ministère des biens islamiques s'accentuerait. Celle-ci serait ainsi privée de ressources essentielles pour gérer ses écoles religieuses et venir en aide aux membres défavorisés de la communauté copte. Ces difficultés s'ajouteraient aux divers obstacles que rencontre l'Eglise copte, lorsque celle-ci souhaite réparer d'anciens édifices devenus vétustes ou ayant souffert d'attaques de plus en plus fréquentes de la part de fondamentalistes musulmans. Il y aurait ainsi des centaines de demandes d'autorisation de construire ou réparer des églises en suspens, certaines ayant été enregistrées il y a plus de dix ans.

Les coptes continueraient d'être empêchés, par exemple, d'accéder à des postes gouvernementaux importants, que ce soit dans l'administration, la banque, l'armée, les services de sécurité ou le corps diplomatique. Ils seraient également entravés dans l'évolution de leur carrière académique au sein des universités. Leur représentation au Parlement qui, dans les années 40, atteignait jusqu'à 10 % de l'Assemblée représenterait aujourd'hui moins de 1 % de ses membres. Aucun copte n'occuperait l'un des 26 postes de gouverneurs de province en Egypte. Les coptes n'auraient accès à la télévision que deux fois par an, pour célébrer Noël et Pâques.

En outre, les forces de sécurité seraient intervenues à plusieurs reprises pour arrêter des musulmans récemment convertis au christianisme. Ces personnes auraient pour la plupart subi des mauvais traitements et des tortures. Les autorités considéreraient en effet la conversion d'un musulman à une autre religion comme constituant une infraction au Code pénal, dont un article interdit l'usage de la religion à des fins semant la division entre les communautés religieuses, portant atteinte à l'unité nationale ou dénigrant l'islam (article 98 F).

De son côté, l'université religieuse de Al-Azar serait devenue plus sévère à l'égard de livres sur l'islam ou mettant celui-ci en rapport avec d'autres religions. Le lauréat du prix Nobel de littérature, Nagib Mahfous, aurait dû faire publier son dernier ouvrage à Beyrouth, l'université de Al-Azar ayant estimé que certains passages de ce livre étaient défavorables à l'islam.

D'autres écrivains auraient été poursuivis pour des motifs semblables. Le Rapporteur spécial a été informé du cas d'Alaa Hamed qui aurait été condamné pour blasphème par la Cour martiale de sécurité d'Etat au Caire à huit ans de prison, en décembre 1991, avec son éditeur Mohammed Madbouli et son imprimeur Fathi Fadl, pour avoir publié un ouvrage en avril 1988, intitulé @Une distance dans l'esprit d'un homme'. Cet ouvrage raconterait l'histoire d'un homme faisant un rêve le conduisant au paradis. Au cours de son voyage, celui-ci aurait rencontré plusieurs anges et prophètes avec lesquels il aurait discouru de la réalité du message du prophète Mohammed et de l'existence du ciel et de l'enfer.

Un comité littéraire d'Al-Azar aurait condamné le livre d'Alaa Hamed, qui aurait été par la suite confisqué. L'auteur, l'éditeur et l'imprimeur, brièvement détenus en 1990, auraient été relâchés après avoir versé une caution. Depuis, ces trois personnes attendraient le résultat de l'intervention du Premier Ministre devant infirmer ou confirmer leur condamnation. Dans l'intervalle, Alaa Hamed aurait fait l'objet d'une tentative d'assassinat.

Egalement écrivain et journaliste, le Dr Farag Fouda aurait été abattu par un homme circulant en moto, le 8 juin 1992, alors qu'il sortait de son bureau, accompagné par son fils et un ami. L'auteur du crime, qui serait un dénommé Abdel-Shafi Ahmed Ramadan, arrêté ultérieurement par la police, serait le responsable d'une cellule au Caire représentant le Jamaat e Islamiyya, groupe de musulmans extrémistes déterminés à pourchasser leurs opposants. Le Dr Fouda aurait récemment écrit un article accusant des musulmans extrémistes du meurtre de chrétiens et d'un musulman dans un village, en mai 1992. Il était également connu pour ses vues critiques sur l'Etat islamique. Le 7 janvier 1993, ses ouvrages auraient été interdits, sur ordre de l'Académie de recherche islamique de l'Université Al-Azar. Lors du procès, en juin 1993, de quatre suspects qui auraient pris part à l'assassinat du Dr. Fouda, un témoin appelé à la barre aurait déclaré que quiconque tuait un apostat ne devrait pas être soumis à un jugement."

45. Le 21 décembre 1993, la Mission permanente de la République arabe d'Egypte auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a transmis au Rapporteur spécial les renseignements suivants sur les allégations ci-dessus :

Premièrement 

Principes constitutionnels et juridiques en vigueur en Egypte et en accord avec la résolution 1993/25 de la Commission des droits de l'homme

1. Les religions révélées et les croyances ont occupé une place de premier plan dans la civilisation égyptienne tout au long de l'histoire de l'Egypte. De ce fait, l'Egypte a toujours été un refuge pour les persécutés et son peuple s'est de tout temps caractérisé par sa tolérance, qualité qui est devenue un attribut de la personnalité égyptienne en général. Indépendamment de leurs croyances, les habitants originels de l'Egypte et ceux qui ont émigré par la suite dans ce pays ont fini par former, au terme d'un long brassage, le peuple égyptien qui partage le même destin, les mêmes espoirs, et les mêmes souffrances ainsi que des coutumes et des traditions qui sont aujourd'hui profondément ancrées dans sa conscience. D'où la cohésion dont a fait preuve le Mouvement national égyptien à l'époque contemporaine, durant la lutte pour l'indépendance et la liberté.

Dans cette optique, toutes les constitutions adoptées depuis 1923, y compris la Constitution de 1971 actuellement en vigueur, mettent l'accent sur l'égalité et la non-discrimination et garantissent la liberté de croyance. La Constitution de 1971 stipule notamment :

a) que tous les citoyens sont égaux, sans distinction aucune de religion ou de croyance (art. 40);

b) que l'Etat garantit la liberté de croyance et de culte (art. 46);

c) que toute atteinte à la liberté personnelle et aux libertés collectives, dont la liberté de croyance, est un crime (art. 57);

d) que ce crime est imprescriptible en droit pénal et en droit civil (art. 57);

e) que l'Etat garantit une indemnisation aux victimes d'une telle atteinte (art. 57).


2. Le Code pénal égyptien considère également comme un crime tout acte portant atteinte aux principes susmentionnés et notamment :

a) le fait d'exploiter la religion pour propager par la parole, l'écrit ou tout autre moyen, des idées extrémistes en vue de semer la division, le fait de dénigrer les religions révélées ou leurs adeptes de façon à porter atteinte à l'unité nationale et à la paix sociale;

b) le fait de détruire, de dégrader ou de profaner des édifices consacrés au culte ou autres objets vénérés par les membres d'un culte ou de troubler l'exercice d'un culte ou de l'entraver par des voies de fait ou des menaces ou encore le fait de profaner des tombeaux (Code pénal, art. 160);

c) tout outrage à l'un des cultes publiquement professés par l'impression ou la publication d'un livre reconnu comme saint en altérant avec intention le texte de ce livre de manière à en dénaturer le sens, toute imitation d'une cérémonie religieuse dans un endroit ou une réunion publics dans le but de la ridiculiser (Code pénal, art. 160).

3. L'Egypte faisant partie des nombreux pays confrontés récemment aux phénomènes mondiaux que sont le terrorisme et l'extrémisme, le législateur égyptien a dû modifier le Code pénal. Les nouvelles peines instituées pour dissuader les terroristes potentiels ont des incidences sur les cultes, les libertés et les droits civils garantis par la Constitution et les lois. De nouveaux articles ont été promulgués, qui définissent le terrorisme comme étant l'utilisation de la force, de la violence ou de la menace par une personne ou un groupe en vue de saper l'ordre public ou de mettre en danger la paix et la sécurité au sein de la société. Sont notamment visés (art. 86 et 86 bis) :

a) les actes portant préjudice à des personnes, semant parmi elles la terreur ou mettant en péril leur vie, leur liberté ou leur sécurité;

b) les dommages causés à l'environnement, aux moyens de communication et de télécommunication ainsi qu'aux immeubles et aux biens publics ou privés et l'occupation de ceux-ci par la force;

c) le fait d'empêcher les pouvoirs publics, les lieux de culte ou les établissements d'enseignement de remplir leur fonction;

d) les actes visant à entraver l'application de la Constitution, des lois ou des règlements;

e) le fait de créer, de fonder, d'organiser ou de diriger une association, une organisation, un groupe ou une bande dont l'objectif est de porter atteinte par quelque moyen que ce soit aux libertés personnelles et aux droits civils garantis par la Constitution et les lois, ou à l'unité nationale et à la paix sociale, et l'adhésion à de telles entités ou la propagande en leur faveur.

4. En application des textes que le législateur égyptien a édictés pour assurer le respect des religions et de leurs préceptes et en conformité avec les principes consacrés par la Constitution, les litiges relatifs au statut personnel, y compris ceux concernant l'héritage et la tutelle, sont jugés dans le cadre du régime civil, compte tenu des lois canoniques des différentes religions. Hormis cela, aucune des lois en vigueur en Egypte ne contient de dispositions ou de clauses stipulant que la religion ou la croyance religieuse est le fondement de la loi.

Deuxièmement

Ce qui précède constitue le cadre général dans lequel il convient d'examiner les situations évoquées dans les observations relatives à l'Egypte. Faute de tenir compte de ce cadre général, on risquerait d'examiner ces situations dans l'abstrait, d'aller à l'encontre du principe d'objectivité et de rendre le dialogue difficile. Dans cette optique, les observations relatives à l'Egypte peuvent être classées comme suit :

1. Enseignement

a) Conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, signé en 1967, et en application des articles 20 et 40 de la Constitution égyptienne, l'enseignement constitue en Egypte un droit garanti et protégé par l'Etat. Aux cycles de base, il est obligatoire et gratuit dans les écoles publiques pour tous les Egyptiens sans distinction d'origine, de religion ou de race. Il n'existait pas en Egypte d'établissements qui se cantonnent dans l'enseignement de la religion, à l'exclusion des deux qui se consacrent à l'étude des fondements et des règles de la religion et assurent la formation de prédicateurs et de membres du clergé : l'Université Al-Azhar pour les musulmans et l'Institut ecclésiastique pour les chrétiens de rite orthodoxe.

b) La prolifération actuelle, dans toutes les régions du pays, d'instituts d'enseignement religieux est la conséquence logique de l'accroissement de la population et traduit l'intérêt que portent à ces instituts les adeptes des différentes religions. Ce phénomène ne se limite pas en effet à une seule religion. C'est ainsi que sept branches de l'institut ecclésiastique ont été créées dans les différentes provinces et qu'il y a aussi trois instituts spécialisés, à savoir l'Institut du Livre saint, l'Institut des oeuvres sociales et l'Institut des Africains. Il faut ajouter à cela les écoles de catéchisme du dimanche et les facultés de théologie du Caire et d'Alexandrie.

c) Il apparaît donc que, si les établissements religieux spécialisés, tant musulmans que chrétiens, ne sont fréquentés que par ceux qui professent l'une ou l'autre de ces deux religions, c'est parce que la nature même et les objectifs de ces établissements - à savoir la formation de prédicateurs et de membres du clergé - l'exigent. La preuve en est que les établissements à vocation scientifique, comme l'Institut des études islamiques, sont ouverts à tous, à l'instar des autres établissements d'enseignement.

d) D'autre part, une éducation religieuse est dispensée dans les écoles publiques conformément à la Constitution. Les élèves, selon leur confession, suivent des cours sur l'islam ou le christianisme en tant que matières fondamentales inscrites au programme, cours qui sont sanctionnés par des examens.

2. Biens de mainmorte

Créée en vertu de la loi No 264 de 1960, la Fondation copte des biens de mainmorte est une entité indépendante dotée de la personnalité morale. Elle est administrée par un conseil que préside le patriarche orthodoxe copte et qui regroupe un certain nombre d'évêques désignés par le patriarche. La loi confère à la Fondation le pouvoir de superviser tous les biens de mainmorte de l'Eglise orthodoxe copte, à savoir les terres relevant du patriarcat, des évêchés, des monastères, des églises, des établissements d'enseignement orthodoxes et des associations bénévoles apparentées. La Fondation est également habilitée à désigner et à relever de leurs fonctions les préposés à ces biens, ses décisions étant sans appel. Adoptée en 1971, la loi No 80 portant création de la Fondation égyptienne des biens de mainmorte ne s'applique pas à la Fondation copte qui est seule responsable de la gestion et de la supervision de tous les biens de mainmorte qui relèvent d'elle. En conséquence, tout litige survenant entre les deux institutions à propos de biens est réglé par le biais des procédures juridiques et judiciaires, conformément à la loi.

3. Lieux de culte et édifices religieux

a) Conformément aux lois susmentionnées, c'est l'Etat qui garantit l'intégrité et la protection des lieux de culte, des symboles et des objets sacrés. Les peines prévues en cas d'infraction sont plus lourdes lorsqu'il s'agit d'actes terroristes.

b) Depuis 1981, 350 églises coptes ont été construites, restaurées ou agrandies.

c) D'autre part, certains monuments égyptiens devenus vétustes ou endommagés par le tremblement de terre d'octobre 1992 ont besoin d'être restaurés. Leur restauration se fait en fonction des priorités économiques du pays et dans les limites des ressources disponibles, étant entendu que tous les monuments en question sont égyptiens et font partie du patrimoine commun.

d) L'Egypte a lancé récemment une campagne mondiale pour mobiliser les fonds nécessaires à la sauvegarde de différents vestiges égyptiens, qu'ils soient pharaoniques, grecs, chrétiens ou musulmans. De nombreux Etats ont répondu favorablement à la demande égyptienne et, en accord avec eux, il est procédé actuellement à tous les travaux de restauration nécessaires, selon des normes scientifiques modernes. Cela permettra à l'Egypte, pays qui possède un tiers de tous les vestiges existant sur Terre, de conserver ses sites historiques et de tenir ses engagements au titre de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine.

4. Charges publiques

a) Conformément à la Constitution, l'Etat garantit l'égalité de chances à tous les citoyens (art. 8) et les fonctions publiques sont un droit du citoyen (art. 14). Tous les citoyens sont égaux dans les droits et les devoirs, sans distinction de race, d'origine, de langue, de religion ou de croyance (art. 40).

b) Le critère de recrutement dans la fonction publique est l'aptitude à servir les citoyens, à s'acquitter des obligations de sa charge et à défendre des intérêts légitimes. Les titulaires des postes de haut niveau et de direction dans les appareils, les services et les organismes de l'Etat sont choisis sur la base d'un critère fondamental, à savoir la compétence et l'ardeur à la tâche. Le recrutement se fait en fonction des règlements en vigueur (loi No 5 de 1992), le candidat devant passer les examens nécessaires.

c) De nombreux Egyptiens de religion chrétienne occupent dans différents domaines des postes importants. On compte parmi eux des ministres et de hauts responsables dans les ministères, les travaux publics ou les universités.

d) En outre, des Egyptiens chrétiens représentent leur pays dans le corps diplomatique et occupent des fonctions dans l'appareil judiciaire, les forces armées et la police, fonctions auxquelles ils accèdent par voie d'examens difficiles qui permettent la sélection des meilleurs éléments. De nombreux dirigeants connus pour leur compétence et leur patriotisme sont issus de leurs rangs.

e) Le fait que l'Egypte ait présenté la candidature d'un de ses citoyens de religion chrétienne au poste de secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies en est la preuve. L'Etat a appuyé cette candidature par tous les moyens disponibles. Le Secrétaire général actuel a été pendant de nombreuses années Ministre, puis Vice-Premier Ministre chargé des affaires étrangères.

f) Les membres de l'Assemblée du peuple sont élus au suffrage direct, conformément à la Constitution, les électeurs accordant leur confiance à ceux qui en sont dignes. La loi autorise le Président de la République à désigner un nombre restreint de députés, l'objectif étant d'assurer la prise en compte des intérêts des groupes sous-représentés, comme c'est le cas des femmes, dont la représentation à l'Assemblée ne correspond pas à leur poids démographique en raison de la réalité sociale en Egypte.

g) Il convient à ce propos de signaler que la loi No 40 de 1977 relative aux partis interdit, en application de la Constitution et des conventions internationales, la création de partis politiques sur une base religieuse ou raciale.

5. Liberté de croyance

Comme indiqué plus haut, l'Etat garantit à tous les citoyens, en vertu de la Constitution, la liberté de croyance et de culte. Par ailleurs, les lois égyptiennes n'interdisent pas la conversion à une autre religion; en revanche, elles considèrent comme un crime l'exploitation de la religion à des fins de sédition ou le fait de dénigrer les religions révélées. Naturellement, la conversion d'une personne à une autre religion a, par-delà les considérations personnelles, des implications pour les libertés d'autrui qui soulèvent des questions de statut personnel (famille, mariage, divorce). Ces implications varient selon le droit canonique de chaque religion mais les membres d'une confession ont le droit de saisir la justice de tout litige en la matière.

6. Moyens d'information et de diffusion

a) Conformément à l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel l'Egypte est partie depuis 1967 et en application des dispositions de la Constitution, la liberté d'opinion et la liberté d'expression, que ce soit par la parole, l'écrit ou tout autre moyen, sont garanties. En outre, la Constitution garantit et protège la liberté de la recherche scientifique et de la création littéraire, artistique et culturelle ainsi que la liberté de la presse, de l'impression et de la diffusion dans les limites de la loi. Toutefois, ces libertés sont toutes régies par les règlements établis par l'Etat conformément aux lois et aux dispositions du Code pénal qui - pour faire respecter le caractère sacré des croyances et préserver l'unité nationale - considèrent comme un crime le fait de dénigrer les religions ou ceux qui les professent ou de troubler la pratique d'un culte.

b) Conformément à la modification apportée à la Constitution en 1980, la presse est considérée comme un pouvoir jouissant des droits et des immunités indispensables à l'accomplissement de sa mission de contrôle et d'information dans le cadre du climat démocratique que connaît le pays.

c) Institution d'enseignement religieux, Al-Azhar n'est pas habilitée à censurer les oeuvres publiées. Elle est toutefois consultée au sujet des écrits sur l'islam, le but étant d'assurer la conformité de ceux-ci avec les lois, en d'autres termes de veiller à ce qu'ils ne contiennent aucune atteinte à la religion contraire à la loi. C'est à cette fin que les autorités judiciaires demandent l'avis d'Al-Azhar. L'Eglise joue le même rôle en ce qui concerne le christianisme.

d) Les ulémas d'Al-Azhar ou autres n'ont aucune prérogative en la matière. Leur rôle se limite à donner des conseils et des directives et ils ne sont donc pas habilités à émettre des recommandations ayant force obligatoire. A cet égard, le témoignage du cheikh Mohammed Al-Ghazali, dans l'affaire relative à l'assassinat de Faraj Foda, constitue seulement un avis personnel, qui n'engageait que son auteur. Il faut donc le replacer dans son contexte : il s'est agi là d'une réponse à des questions posées par les avocats des accusés et l'opinion émise n'entraînait aucune obligation pour le tribunal. La justice, au demeurant, a effectivement condamné l'accusé et transféré la sentence au mufti de la République avant que la condamnation à mort ne soit rendue publique. Cela montre que le tribunal n'a pas retenu les observations personnelles faites par le cheikh Al-Ghazali dans son témoignage.

Espagne

46. Dans une communication datée du 11 octobre 1993, adressée au Gouvernement espagnol, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"D'après les informations reçues, 'La Famille', ayant son origine dans l'ancien mouvement 'Les Enfants de Dieu', dissous en 1978, serait le Nouveau mouvement religieux (NMR), établi sur six continents et fondé sur la Bible et sur la foi en Dieu. Selon sa conviction, le monde actuel vivrait ses derniers jours avant l'instauration d'un 'Nouvel ordre mondial', soumis au pouvoir impie d'un Big Brother, dont le règne ne prendra fin qu'avec le retour de Jésus sur Terre. La mission du NMR consisterait à mettre en pratique les préceptes de la Bible et à diffuser l'Evangile.

La communauté de 'La Famille' vivrait des revenus perçus chez les membres bénéficiant de son ministère spirituel. Chaque communauté serait financièrement indépendante.

Le NMR estime qu'il serait l'objet de persécutions de la part d'associations dites anticultes, telles que l'Association de défense des familles et de l'individu (ADFI) en France, le 'Cult Awareness Network' (CAN) aux Etats-Unis, ou le 'Family Action Information Rescue' (FAIR) en Grande-Bretagne, qui chercheraient à détruire la communauté de 'La Famille'.

Le Rapporteur spécial a été informé qu'à Barcelone, en juillet 1990, lors d'un raid, la police et des assistants sociaux auraient fait irruption dans une résidence de 'La Famille', à la suite de plaintes portées contre la communauté par des représentants d'associations anticultes. Vingt-deux enfants auraient été emmenés et détenus dans des centres de l'assistance publique pendant plus d'une année. Durant cette période, ces enfants auraient été négligés ou maltraités par les assistants sociaux. A la libération des enfants, les autorités catalanes auraient exigé de leurs parents qu'ils envoient ceux-ci à l'école publique et que chaque famille de la communauté s'engage à demeurer dans sa résidence personnelle.

Lors de la dernière audience du procès intenté contre les membres de 'La Famille', en date du 21 mai 1992, le juge aurait acquitté les accusés et leur aurait restitué la garde de leur enfants, en soulignant que le mouvement religieux de 'La Famille' avait été délibérément attaqué en cette affaire. L'opinion du magistrat aurait été reprise par le journal 'La Vanguardia', qui aurait affirmé que l'intervention de la police catalane avait été une erreur".

47. Le 5 novembre 1993, le Gouvernement du Royaume d'Espagne a envoyé ses observations au sujet de la communication susmentionnée que lui avait transmise le Rapporteur spécial :

"Le 11 octobre 1993, le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme chargé d'étudier la question de l'intolérance religieuse a transmis au Gouvernement du Royaume d'Espagne, par l'intermédiaire de son Ambassadeur et Représentant permanent à Genève, des observations sur les informations reçues à propos de certains faits survenus en 1990 à Barcelone qui touchaient certains membres du Nouveau mouvement religieux (NMR) 'La Famille', émanation du mouvement dissous connu sous le nom de 'Les enfants de Dieu'."

Dans le délai fixé, qui se termine le 15 de ce mois, le Gouvernement du Royaume d'Espagne a l'honneur de communiquer au Rapporteur spécial les informations suivantes :

"I

LA LIBERTE RELIGIEUSE EN ESPAGNE

La liberté religieuse dans le Royaume d'Espagne est garantie de manière claire et catégorique :

1. Article 16 de la Constitution espagnole :

'1. La liberté idéologique, religieuse et de culte des individus et des communautés est garantie, sans autres limitations, quant à ses manifestations, que celles qui sont nécessaires au maintien de l'ordre public protégé par la loi.

2. Nul ne peut être obligé à déclarer son idéologie, sa religion ou ses croyances.

3. Aucune confession n'a le caractère de religion d'Etat. Les pouvoirs publics tiennent compte des croyances religieuses de la société espagnole et entretiennent de ce fait des relations de coopération avec l'Eglise catholique et les autres confessions.'

2. Loi fondamentale (Ley orgánica) No 7/1980 du 5 juillet 1980 sur la liberté religieuse.

Le texte de cette loi constitue le document 1, ci-joint.

II

INTERDICTION DE LA DISCRIMINATION FONDEE SUR LA RELIGION OU LES CONVICTIONS

L'ordre juridique du Royaume d'Espagne consacre comme droit et liberté fondamentale l'égalité devant la loi.

L'article 14 de la Constitution espagnole dispose ce qui suit : 'Les Espagnols sont égaux devant la loi et ne peuvent faire l'objet d'aucune discrimination pour des raisons de naissance, de race, de sexe, de religion, d'opinion ou pour n'importe quelle autre condition ou circonstance personnelle ou sociale'.

En ce qui concerne les étrangers, on trouvera dans le document 2 ci-joint le texte de la loi organique No 7/1985 du 1er juillet 1985 sur les droits et libertés des étrangers en Espagne, qui développe l'article 13 de la Constitution.

Allant dans le même sens, l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, devenue partie intégrante de l'ordre juridique espagnol conformément à l'article 96.1 de la Constitution, dispose ce qui suit : 'La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation'.

En vertu de l'article 10.2 de la Constitution espagnole, 'les normes relatives aux droits fondamentaux et aux libertés que reconnaît la Constitution sont interprétées conformément à la Déclaration universelle des droits de l'homme et aux traités et accords internationaux portant sur les mêmes matières, ratifiés par l'Espagne'.

Sur le même sujet, il faut citer le Pacte international relatif aux droits civils et politiques - et en particulier ses articles 18 et 26 - qui vient compléter la Déclaration universelle des droits de l'homme.

On rappellera que le Royaume d'Espagne a adhéré, par un instrument daté du 17 janvier 1985, au Protocole facultatif se rapportant au Pacte susmentionné.

Il faut bien évidemment procéder à l'interprétation prescrite à l'article 10.2 de la Constitution en tenant compte de la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, que l'Assemblée générale des Nations Unies a adoptée le 25 novembre 1981 (résolution 36/55).

III

LE NOUVEAU MOUVEMENT RELIGIEUX (NMR) 'LA FAMILLE'

Le mouvement 'La Famille', émanation de l'ancien mouvement appelé 'Les enfants de Dieu', est connu en Espagne sous les noms de 'Niños de Dios' ('Les petits enfants de Dieu'), 'Familia Misionera' ('Famille missionnaire') et 'Familias del Amor' ('Famille d'amour').

Ce nouveau mouvement religieux (comme l'organisation en question, nous utiliserons cette expression au lieu d'autres termes communément utilisés tels que 'secte', 'cult' en anglais ou 'jungendreligionen' en allemand, etc.) n'a pas demandé à être enregistré dans le Royaume d'Espagne en tant qu'Eglise, confession ou communauté religieuse et ne jouit donc pas de la personnalité juridique en tant qu'entité religieuse. Cette affirmation est confirmée par l'attestation ci-jointe du Ministère de la justice (document No 3).

Il n'est pas non plus établi que ce NMR se soit constitué officiellement en association en vertu de la liberté d'association garantie par l'article 22 de la Constitution espagnole.

On peut donc affirmer ce qui suit :

Premièrement, on ne peut parler des activités du Nouveau mouvement religieux La Famille en tant que tel parce que, juridiquement, il n'existe pas officiellement en tant que groupe, association, confession, Eglise ou communauté religieuse.

Deuxièmement, la seule question qui se pose est de savoir si les membres dudit NMR ont été victimes dans le Royaume d'Espagne d'un traitement discriminatoire fondé sur la religion ou la conviction.

IV

LES INFORMATIONS RECUES

1. 'Le NMR estime qu'il est l'objet de persécutions de la part d'associations dites anticultes, telles que l''Association de défense des familles et de l'individu' (ADFI) en France, 'Cult Awareness Network' (CAN) aux Etats-Unis ou 'Family Action Information Rescue' (FAIR) en Grande-Bretagne, qui chercheraient à détruire la communauté de 'La Famille'.'

Cette information ne concerne pas le Royaume d'Espagne puisqu'aucune observation n'y est formulée à son sujet.

2. Les événements survenus à Barcelone

a) Début des procédures

Le Procureur des mineurs (Fiscal de menores) près le tribunal supérieur de justice (Tribunal superior de justicia) de Catalogne charge la police autonome d'ouvrir une enquête sur la situation de détresse dans laquelle les enfants intégrés au groupe considéré pourraient se trouver (document No 4).

Cette démarche du Procureur est fondée sur les articles 2 et 3 du Statut (Estatuto orgánico) du ministère public (Ministerio fiscal) :

'Article 2 :

1. Le ministère public, doté d'une autonomie fonctionnelle et intégré dans le pouvoir judiciaire, exerce sa mission par l'intermédiaire d'organes qui lui sont propres conformément aux principes d'unité de la procédure et de subordination hiérarchique et doit en toute circonstance respecter les principes de légalité et d'impartialité.

2. L'appellation 'ministère public' lui est exclusivement réservée.

CHAPITRE II - Attributions du ministère public

Article 3 - Pour l'exécution des tâches définies à l'article premier, le ministère public doit :

1. Veiller à ce que la fonction juridictionnelle soit exercée efficacement conformément à la loi et dans les délais et conditions fixés par celle-ci, en engageant, le cas échéant, les actions, recours et procédures pertinents.

2. Exercer toute fonction qui lui incombe en vertu de la loi pour défendre l'indépendance des juges et des tribunaux.

3. Veiller au respect des institutions constitutionnelles, des droits fondamentaux et des libertés publiques par tout acte de procédure que peut exiger leur défense.

4. Exercer l'action publique et l'action civile à la suite de délits et de fautes ou s'opposer aux actions intentées par d'autres, s'il y a lieu.

5. Intervenir dans la procédure pénale en pressant l'autorité judiciaire d'adopter les mesures conservatoires qui s'imposent et d'effectuer les démarches visant à éclaircir les faits. Il peut à cet égard ordonner à la police judiciaire d'entreprendre toute autre démarche qu'il estime opportune.

6. Participer, pour défendre la légalité et l'intérêt public ou social, aux procédures relatives à l'état civil et aux autres procédures prévues par la loi.

7. Assumer - ou, le cas échéant, promouvoir - la représentation et la défense, en justice et ailleurs, de ceux qui, faute de capacité pour agir ou de représentation juridique, ne peuvent agir par eux-mêmes, encourager l'établissement des organismes de tutelle prévus par les lois civiles, et être membre des autres organismes de tutelle qui ont pour objet de protéger et de défendre les mineurs et les déshérités.

8. Maintenir l'intégrité de la juridiction et de la compétence des juges et tribunaux en tranchant les questions de conflits de juridiction et, le cas échéant, les questions de compétence pertinentes et intervenir dans les affaires que d'autres autorités sont appelées à régler.

9. Veiller au respect des décisions judiciaires qui touchent l'intérêt public et social.

10. Présenter un recours en amparo constitutionnel dans les cas et selon les modalités prévus dans la loi organique se rapportant à la Cour constitutionnelle (No 13575).

11. Intervenir dans les procédures dont la Cour constitutionnelle a à connaître pour défendre la légalité, selon les modalités prévues par la loi.

12. Intervenir dans les procédures judiciaires d'amparo.

13. Défendre également la légalité dans les procédures de contentieux administratif dans lesquelles son intervention est requise.

14. Promouvoir ou, le cas échéant, fournir l'assistance judiciaire internationale prévue dans les lois et traités et conventions internationaux.

15. Exercer les autres fonctions que l'ordre juridique lui attribue.'

b) Lors d'un raid, la police et des assistants sociaux auraient fait irruption dans une résidence de 'La Famille'.

Le Royaume d'Espagne est un Etat de droit et l'inviolabilité du domicile est garantie et protégée par l'ordre juridique en vertu de l'article 18.2 de la Constitution : 'Le domicile est inviolable. On ne pourra y entrer ou y perquisitionner sans le consentement de celui qui y habite ou sans décision judiciaire, hormis en cas de flagrant délit'.

C'est pourquoi, à la demande de la police et par des décisions judiciaires motivées, les 7 et 8 juillet 1990, les tribunaux compétents ont autorisé la police à pénétrer dans deux habitations et à y perquisitionner (documents Nos 5 et 6).

L'objectif principal de l'opération étant précisément de protéger les mineurs qui s'y trouvaient face à des activités présumées délictueuses, la présence des assistants sociaux est jugée tout à fait pertinente.

c) Vingt-deux enfants auraient été emmenés et détenus dans des centres de l'assistance publique pendant plus d'une année.

La police du Royaume d'Espagne ne détient des mineurs dans aucun centre.

C'est l'autorité judiciaire qui, au vu des circonstances dans lesquelles vivaient ces mineurs, a ordonné leur admission dans le centre d'accueil dépendant de la Direction générale des soins à l'enfance de la Generalitat de Catalogne (document No 7).

Le chef du service chargé des centres relevant de ladite Direction générale a enregistré l'admission des mineurs 'sur décision judiciaire'. Dans le procès-verbal, on fait remarquer que 'le mineur connu sous le nom de Jordi a été rendu à sa mère après avoir reçu les soins adéquats parce que l'on a estimé que c'était préférable pour son alimentation' (document No 8).

A aucun moment les mineurs n'ont été détenus, laissés sans soins ni maltraités.

Pendant leur séjour dans le centre d'accueil et de protection, les mineurs ont pu suivre à nouveau un enseignement agréé et ont fait l'objet d'un suivi social, psychique et médical, ce dont ils manquaient auparavant.

Le 24 janvier 1991, le juge de première instance No 19 de Barcelone, a pris une décision motivée en vertu de laquelle les mineurs étaient maintenus sous le régime du placement provisoire et a adopté les mesures nécessaires à cet effet (document No 9).

Tout ceci est conforme aux articles 55 et 56 de la loi No 11/85 du 13 juin 1985 sur la protection des mineurs et aux articles 90 et 91 du décret No 162/86 du 9 mai 1986 de la Generalitat de Catalogne (documents Nos 10 et 11).

Le tribunal (Juzgado) ayant rejeté la déclaration de situation de détresse contestée, un recours a été engagé devant le tribunal provincial (Audiencia provincial) de Barcelone qui, dans une décision motivée, a fait droit au recours et déclaré nulles et non avenues les mesures prises par le tribunal (document No 12).

Quant à l'exigence de scolarisation des mineurs, c'est une conséquence du droit à l'éducation et à l'enseignement de base obligatoire et gratuit proclamé et garanti à l'article 27 de la Constitution :

'1. Chacun a droit à l'éducation. La liberté d'enseignement est reconnue.

2. L'éducation aura pour objet le plein épanouissement de la personnalité humaine, dans le respect des principes démocratiques de vie en commun et des droits et libertés fondamentales.

3. Les pouvoirs publics garantissent le droit des parents à ce que leurs enfants reçoivent la formation religieuse et morale en accord avec leurs propres convictions.

4. L'enseignement de base (enseñanza general básica) est obligatoire et gratuit.

5. Les pouvoirs publics garantissent le droit de chacun à l'éducation, par une programmation générale de l'enseignement, avec la participation effective de tous les secteurs concernés et la création de centres d'enseignement.

6. La liberté de créer des centres d'enseignement, dans le respect des principes constitutionnels, est reconnue aux personnes physiques et juridiques.

7. Les professeurs, les parents et, s'il y a lieu, les élèves participeront au contrôle et à la gestion de tous les centres soutenus par l'Administration avec des fonds publics, dans les conditions déterminées par la loi.

8. Les pouvoirs publics inspecteront et homologueront le système éducatif pour garantir le respect des lois.

9. Les pouvoirs publics aideront les centres d'enseignement qui répondent aux conditions établies par la loi.

10. L'autonomie des universités est reconnue, dans les conditions établies par la loi.'

d) Prononcé du jugement

Le 29 juin 1993, le tribunal provincial de Barcelone, dans un jugement long et motivé, a acquitté les prévenus des délits (association illicite, création d'un centre d'enseignement illégal, préjudices psychiques et escroquerie) dont ils étaient accusés et déclaré nulles et non avenues les mesures conservatoires adoptées (document No 13).

V

CONCLUSION

Il ressort de ce qui précède :

a) Que le ministère public a ordonné, conformément à son devoir de protection des mineurs en situation de détresse, l'ouverture d'une enquête en vue de vérifier si certains mineurs se trouvaient effectivement dans une telle situation.

b) Que l'autorité judiciaire, au vu des résultats de l'enquête, a autorisé l'accès et la perquisition au domicile des personnes intéressées.

c) Que l'autorité judiciaire compétente a prononcé provisoirement la déclaration de situation de détresse des mineurs et arrêté des mesures en conséquence, tout ceci dans l'intérêt des mineurs.

d) Qu'à la suite d'un recours, l'instance judiciaire supérieure a décidé d'annuler la déclaration et les mesures antérieures.

e) Que le ministère public, défenseur de la légalité, a jugé pertinent de mettre officiellement en accusation diverses personnes pour la commission de plusieurs délits.

f) Que le tribunal compétent a prononcé un jugement long et motivé par lequel il a acquitté les prévenus.

Il résulte de tout ceci :

Premièrement, que l'Espagne n'a nullement manqué à l'obligation de respecter la liberté religieuse proclamée à l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans d'autres normes citées précédemment dans la mesure où le NMR La Famille n'a pas demandé à être considéré comme une Eglise, une confession ou une communauté religieuse;

Deuxièmement, qu'il ne s'est pratiqué dans le Royaume d'Espagne aucune discrimination fondée sur la religion ou la conviction à l'encontre des prévenus au cours de la procédure suivie par le tribunal provincial de Barcelone;

Troisièmement, que les événements survenus ont été la manifestation du devoir de protection des mineurs que le ministère public et certaines autorités judiciaires ont jugé nécessaire d'exercer à la suite du comportement des prévenus en engageant la procédure pertinente, qui offrait toutes les garanties exigibles.

La procédure s'est soldée par la décision d'acquittement prise par le tribunal provincial de Barcelone, décision contre laquelle le ministère public peut faire appel devant la Cour suprême (Tribunal supremo).

Personne n'a exercé de discrimination à l'encontre des prévenus en raison de leurs idées religieuses ou de leurs convictions. Mais la non-scolarisation des enfants explique la préoccupation légitime du ministère public, défenseur de la légalité, et l'engagement de la procédure adéquate pour déterminer si les activités des prévenus avaient un caractère délictueux. Dans son jugement, le tribunal a traité largement de la question et décidé d'acquitter les prévenus.

Comme le dit bien le tribunal, il ne juge ni ne peut juger les 'croyances', si ce n'est dans le cas où les communautés fermées, dogmatiques et disciplinées qu'elles engendrent ont un caractère nocif.

Le droit et la liberté fondamentale touchant l'égalité et l'interdiction catégorique de toute discrimination fondée sur les idées religieuses ou les convictions ont été respectés dans le Royaume d'Espagne."

Ethiopie

48. Dans une communication adressée le 19 octobre 1992 au Gouvernement éthiopien, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes (E/CN.4/1993/62, par. 29) :

"Selon les informations reçues, des citoyens éthiopiens amharas de religion orthodoxe ont été victimes d'actes de persécution dans la région d'Arba Gugu et un grand nombre d'entre eux ont été sommairement exécutés. Parmi les victimes, il y aurait des enfants, des personnes âgées et des femmes enceintes dont les corps auraient été brûlés ou jetés dans des ravins. Selon les sources d'information, le représentant de district de l'Organisation démocratique du peuple oromo (OPDO), M. Dima Gurmesa, serait l'un des instigateurs des actes de persécution commis à l'encontre des Amharas. Bien que le Ministre des affaires intérieures ait été informé oralement et par écrit de ces violations des droits de l'homme, le gouvernement de transition n'aurait pris, jusqu'ici, aucune mesure à ce sujet. Les événements particuliers suivants ont été portés à la connaissance du Rapporteur spécial :

Le 4 juin 1992, 50 femmes, enfants et personnes âgées du village d'Abule auraient cherché refuge dans la cour de l'église lorsque le village a été attaqué par les forces armées de l'OPDO. Un groupe spécial de nomades oromos les auraient encerclés et auraient tranché la gorge à chacun d'entre eux. L'église aurait ensuite été brûlée avec les prêtres, et le village d'Abule aurait été entièrement rasé. Dans le village voisin d'Ashe, également peuplé de chrétiens, les hommes auraient été castrés et massacrés tandis que des foetus étaient prélevés sur des mères qui avaient été tuées. Des violations semblables des droits de l'homme auraient également été commises le 4 juin dans les villages d'Abomsa, d'Abesa, de Serbio Addis Alem, de Wakentra, de Messo et d'Endele Beyu.

Le Rapporteur spécial a été informé que les églises suivantes situées dans le district d'Arba Gugu avaient été brûlées avec les manuscrits anciens et les reliques qu'elles contenaient :

Canton de Guna

- St. George d'Andrea
- St. Gabriel de Teram
- St. Gabriel de Meso

Canton de Jeju

- St. George d'Abuli
- Egziharab d'Abesa
- Medhane Alem d'Abshire

Les prêtres des églises susmentionnées qui ont réussi à échapper aux attaques contre les chrétiens ont dit que celles-ci étaient menées par des forces bien organisées.

Le Rapporteur spécial a également été informé de la disparition des dignitaires de l'Eglise dont les noms suivent :

- Abuna Markorios, patriarche de l'Eglise orthodoxe éthiopienne,

- Abuna Markos, patriarche auxiliaire de l'Eglise orthodoxe éthiopienne.

Les deux ecclésiastiques, qui résidaient au palais patriarcal à Addis-Abeba, auraient été relevés de leurs fonctions religieuses par le gouvernement le 12 juillet 1992. Bien qu'il ait été allégué que le patriarche était par la suite allé dans un monastère au lac Tana, les efforts déployés par des membres de l'Eglise pour localiser les deux dignitaires auraient été vains."

49. Le 7 avril 1993, le Ministère de l'intérieur du Gouvernement provisoire éthiopien a transmis au Rapporteur spécial les renseignements suivants sur les allégations ci-dessus :

"1. L'ancien patriarche de l'Eglise orthodoxe éthiopienne, Abuna Markarios, a été aperçu alors qu'il se dirigeait en voiture vers le sud du pays et il est passé au Kenya en abandonnant sa voiture à Moyale (une petite ville située à la frontière kényenne).

2. L'ancien patriarche auxiliaire de l'Eglise orthodoxe éthiopienne, Abuna Markos, est aussi passé au Kenya de la même manière.

Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir inclure ces renseignements dans le rapport qui doit être présenté à la Commission des droits de l'homme."

50. Le Rapporteur spécial, tout en remerciant le Gouvernement éthiopien pour les informations qu'il a bien voulu lui transmettre, souhaiterait recevoir ses vues et observations sur le reste des allégations jointes à la communication du 19 octobre 1992 afin qu'une opinion d'ensemble puisse être établie et que les recommandations et conclusions tiennent compte de l'ensemble des éléments figurant dans les allégations.

France

51. Dans une communication datée du 30 septembre 1993, adressée au Gouvernement français, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"D'après les informations reçues, 'La Famille', ayant son origine dans l'ancien mouvement 'Les Enfants de Dieu', dissous en 1978, serait un Nouveau mouvement religieux (NMR), établi sur six continents et fondé sur la Bible et sur la foi en Dieu. Selon sa conviction, le monde actuel vivrait ses derniers jours avant l'instauration d'un 'Nouvel ordre mondial', soumis au pouvoir impie d'un Big Brother, dont le règne ne prendra fin qu'avec le retour de Jésus sur Terre. La mission du NMR consisterait à mettre en pratique les préceptes de la Bible et à diffuser l'Evangile.

La communauté de 'La Famille' vivrait des revenus perçus chez les membres bénéficiant de son ministère spirituel. Chaque communauté serait financièrement indépendante.

Ce mouvement religieux estime qu'il serait l'objet de persécutions de la part d'associations dites anticultes, telles que l'Association de défense des familles et de l'individu (ADFI) en France, le 'Cult Awareness Network' (CAN) aux Etats-Unis, ou le 'Family Action Information Rescue' (FAIR) en Grande-Bretagne, qui chercheraient à détruire la communauté de 'La Famille'.

Le Rapporteur spécial a été informé qu'en France, quelque 200 gendarmes, en tenue de campagne et solidement armés, auraient participé à plusieurs raids contre diverses communautés de 'La Famille', notamment à Lyon et à Aix-en-Provence, en date du 9 juin 1993 et à l'aube, et auraient procédé à de nombreuses arrestations.

A Condrieu (Lyon), ces événements auraient particulièrement visé : M. Vincent Coppola, Mlles Madgaléna Coppola et Amor Coppola; Mme Maria Leclerc, M. Richard Leclerc, M. David De Brocke, Mme Denise De Brocke Michaud, ainsi que M. William Mac Niel et Mme Mac Niel. Aux Eguilles (Aix-en-Provence), auraient été arrêtés M. J.M. de la Presa Mayol, Mme Beverey Ann Pothiers de la Presa, M. Christian Zambrelli, M. Christian Milon, Mme Julie Milon, Mmes Monique Groenevegen et Monique Verger, M. Christophe Verger, M. Emilio Pequera Guanis, Mme Deborah Gough, ainsi que Mme Béatrice Dubocquet.

Les témoignages recueillis feraient état de violences policières et de manque de respect à l'égard des membres adultes de 'La Famille', arrêtés dans la majorité des cas sans mandat et avec brutalité. Ceux-ci auraient été mis en garde à vue pendant 48 heures et interrogés. Certains d'entre eux auraient ensuite passé trois jours en prison dans l'attente d'être inculpés, pour être finalement relâchés, faute de preuves.

Quant aux quelque 90 enfants qui auraient été impliqués dans ces événements et dont l'âge varierait de quelques mois à 18 ans, ils auraient été tenus à l'écart des adultes et emmenés par la police sans le consentement de leurs parents. Ils auraient été ensuite placés dans des établissements dépendants de la Direction de l'intervention sanitaire et sociale et privés de tout contact avec leurs parents. Bien que les enfants de la région lyonnaise aient été rendus à leurs parents au bout d'une semaine, ceux d'Aix-en-Provence seraient en revanche toujours détenus. Durant leur détention, certains enfants auraient subi des examens médicaux et psychiatriques pour déterminer dans quelle mesure ils auraient été l'objet de mauvais traitements ou d'abus sexuels de la part des membres de 'La Famille'. Mais dans aucun des cas examinés, les accusations émises contre les adeptes de 'La Famille' n'auraient pu être vérifiées.

Par ailleurs, le Rapporteur spécial a été informé que d'autres arrestations auraient été effectuées, en date du 10 février 1993, en divers lieux de France à l'encontre de membres de l'Eglise chrétienne de la Bible, d'obédience protestante, et affiliée pour un temps dans le passé à la branche française de l'Eglise baptiste.

Les personnes concernées seraient les suivantes  David et Esther Antoine, ainsi que leurs enfants, à Dissay (Vallée de la Loire); Michel et Sylvie Bahjejian ainsi que leur enfant, Nathanael; Michelle Dick; Georges et Delia Mihaies, ainsi que leurs enfants Bianca, Flavins et Octavius, tous domiciliés à Prévessin (est de la France).

Après interrogatoire, la plupart des adultes et des jeunes au-dessus de 18 ans auraient été relâchés. En revanche, les enfants auraient été interrogés par la police durant une dizaine d'heures au moins et placés ensuite dans des centres de rééducation, sans possibilité de contacter leurs parents. Malgré leurs efforts, ceux-ci à ce jour n'auraient pas revu leurs enfants, toujours détenus, et n'auraient reçu aucune assurance que leurs envois de lettres ou de paquets seraient arrivés à destination.

D'après certains renseignements, l'action gouvernementale à l'encontre des personnes précitées aurait été entreprise suite à des pressions exercées par d'anciens membres déçus de l'Eglise chrétienne de la Bible et des membres de l'Association de défense des familles et de l'individu (ADFI). Il est précisé que l'ADFI serait une puissante organisation dotée d'unités de 'déprogrammation', attachées à la conversion de personnes appartenant à d'autres religions ou sectes. En mars 1992, l'ADFI aurait publié un ouvrage de 400 pages de Bernard Fillaire, intitulé 'Le grand décervelage. Enquête pour combattre les sectes', énumérant une liste de quelque 200 organisations désignées comme telles. Parmi elles, figureraient les Assemblées de Dieu, la Compagnie internationale des hommes d'affaires rassemblés autour de l'Evangile, l'Opus Dei, ainsi que d'autres groupes catholiques, la Fondation T.L. Osborn, l'Eglise de scientologie et l'Eglise de l'unification."

52. Le 8 décembre 1993, le Gouvernement français a envoyé ses observations au sujet de la communication susmentionnée que lui avait transmise le Rapporteur spécial :

"Le Gouvernement français souhaite porter à votre connaissance les informations et observations suivantes sur les allégations qui lui sont parvenues au sujet de deux affaires judiciaires ayant concerné en 1993 les mouvements religieux de 'La Famille' et 'L'Eglise chrétienne de la Bible'.

Il regrette que les informations vous aient été communiquées de manière erronée et tendancieuse et souhaiterait que le document annexé à votre lettre ne soit pas diffusé comme document des Nations Unies. Ou alors, il conviendrait de distinguer plus clairement les allégations émanant des mouvements qui ont saisi les Nations Unies.

1. S'agissant de l'affaire concernant l'association 'La Famille', ce texte laisse tout d'abord supposer que la gendarmerie aurait agi en dehors des procédures légales ('sans mandat'). Ceci est parfaitement inexact.

En effet, les arrestations dont se plaint l'association 'La Famille' ont eu lieu à la suite d'ouvertures d'informations concernant l'incitation de mineurs à la débauche dans les ressorts des cours d'appel d'Aix-en-Provence, Lyon, Metz, Paris et Reims. Des commissions rogatoires ont donc été confiées par les magistrats instructeurs aux gendarmes et c'est sous le contrôle de ces magistrats que toutes les opérations se sont déroulées. Il est donc faux de dire que les gendarmes ont agi en dehors des procédures régulières, et tendancieux d'évoquer des 'raids' menés par des gendarmes 'en tenue de campagne et solidement armés'.

En ce qui concerne les conditions dans lesquelles se sont déroulées ces opérations et notamment la durée de la garde à vue, il paraît utile de préciser que la procédure française prévoyait une durée maximale de 48 heures de garde à vue avant la présentation à l'autorité judiciaire. Le fait que celle-ci ait pu durer 48 heures n'est donc pas critiquable - ni le fait qu'ait été exécuté l'ordre de séparer les enfants des parents, leur placement pendant les investigations résultant d'une décision judiciaire. Il est en revanche inexact que des personnes soient restées incarcérées à l'issue de la période de garde à vue en l'absence de décision judiciaire.

S'agissant des allégations de brutalité policière, les expertises médicales ordonnées par les magistrats n'ont permis d'établir l'existence d'aucun mauvais traitement.

De même, il est indispensable de souligner le fait que le terme 'détention' utilisé à l'égard des enfants est impropre et relève d'une terminologie carcérale qui n'a pas lieu d'être en la circonstance. Si, à un moment de la procédure, les enfants ont été placés par le juge des enfants dans le cadre d'une procédure visant à les protéger, ils n'ont jamais été détenus.

En tout état de cause, la situation actuelle peut être présentée de la façon suivante : les instructions sont toujours pendantes, des commissions rogatoires sont en cours, dont le contenu reste soumis au secret de l'instruction. Plusieurs membres de l'association ont été placés sous contrôle judiciaire, mais tous se trouvent actuellement en liberté. Tous les mineurs dont le placement avait été ordonné par les juges des enfants ont été rendus à leurs parents.

2. S'agissant des arrestations, le 10 février 1993, de membres de 'l'Eglise chrétienne de la Bible', elles ont eu lieu en exécution d'une commission rogatoire. Les personnes arrêtées ont toutes été libérées au plus tard le 12 mars. Les enfants mineurs ont été placés dans des établissements de l'action sociale. Selon la Fédération protestante de France 'les problèmes que les personnes de ce groupe ont pu avoir avec la justice ne relèvent en aucune manière d'une quelconque persécution religieuse, mais du droit commun' (déclaration en date du 29 juillet 1993).

Le Gouvernement français ne peut enfin qu'encourager le Rapporteur spécial à prendre contact avec les associations qui sont à l'origine des procédures judiciaires et qui sont accusées par 'La Famille' de 'persécuter' ce mouvement."

Grèce

53. Dans une communication adressée le 9 octobre 1992 au Gouvernement grec (E/CN.4/1993/62, par. 32), le Rapporteur spécial a transmis les observations suivantes :

"Selon les renseignements reçus, des membres des Témoins de Jéhovah ont continué à être emprisonnés pour refus d'accomplir le service militaire. Les cas suivants ont été portés à l'attention du Rapporteur spécial et résumés comme suit :

M. Anastasios (Tasos) Georgiadis, ministre du culte dont l'inscription a été confirmée par les préfectures de Larissa et de Karditsa, a vu sa demande d'exemption de service militaire pour raisons religieuses rejetée le 17 septembre 1991. Le bureau de recrutement de Serres a fait valoir que le saint-synode de l'Eglise grecque l'avait informé que la foi des Témoins de Jéhovah n'était pas reconnue comme étant une religion car ses pratiques étaient contraires à deux articles de la Constitution grecque : l'article 13.1 qui interdit les rites religieux portant atteinte à l'ordre public ou aux principes moraux ainsi que le prosélytisme; et l'article 4.5 qui exige de chaque citoyen grec valide qu'il contribue à la défense de la mère patrie. Le 20 janvier 1992, M. Georgiadis a été arrêté au camp militaire de Nafplion après avoir refusé de mettre un uniforme militaire et a été transféré, le 29 janvier, à la prison militaire d'Avlona. Le 17 mars, le tribunal militaire d'Athènes l'a reconnu comme ministre du culte d'une religion connue et l'a acquitté. Il a été libéré le jour suivant. Cependant, en dépit de cette décision, la section de recrutement du quartier général de la défense nationale aurait continué à refuser de reconnaître le statut de ministre du culte de M. Georgiadis qui a été emprisonné pour la deuxième fois le 4 avril au camp militaire de Nafplion. Le 8 mai 1992, le tribunal militaire d'Athènes a acquitté M. Georgiadis pour la deuxième fois et ordonné qu'il soit relâché, tout en déclarant que c'était au bureau de recrutement de décider de lui délivrer ou non un certificat le libérant de l'obligation militaire. Le bureau de recrutement a de nouveau refusé d'obtempérer et M. Georgiadis a été emprisonné pour la troisième fois le 22 mai. Son cas a été examiné par le Conseil d'Etat le 16 juin, mais aucune décision n'a encore été prise et aucune date n'a été fixée pour son jugement. M. Georgiadis est le quatrième ministre du culte des Témoins de Jéhovah dont la demande d'exemption de service militaire a été rejetée par les autorités militaires depuis l'entrée en vigueur de la loi No 1763/1988 et malgré les trois décisions rendues par le Conseil d'Etat qui soulignait que le système de croyances des Témoins de Jéhovah était une religion reconnue et qui demandait la libération immédiate de trois ministres du culte : décision No 3601/90 concernant la libération de M. Daniel Kokkalis, décision No 1354/91 concernant la libération de M. Timothy Kouloubas et décision No 1355/91 concernant la libération de M. Dimitrios Tsirlis.

Selon les informations reçues, 415 objecteurs de conscience appartenant aux Témoins de Jéhovah sont actuellement emprisonnés en Grèce. Ils auraient été condamnés à des peines de prison de quatre ans qui pourraient être ramenées à trois ans environ s'ils travaillent. En outre, les Témoins de Jéhovah détenus dans les prisons militaires n'auraient toujours pas le droit de recevoir la visite de leurs chefs religieux, contrairement aux prisonniers appartenant à l'Eglise orthodoxe grecque.

Les cas suivants de condamnation de Témoins de Jéhovah pour prosélytisme ont également été portés à l'attention du Rapporteur spécial :

Le 29 mars 1989, le tribunal de Florina aurait condamné quatre femmes appartenant aux Témoins de Jéhovah à cinq mois d'emprisonnement, à une amende de 500 000 drachmes et à six mois de résidence surveillée, considérant qu'elles étaient 'coupables d'actes de prosélytisme auprès de membres d'une autre religion en faveur de leur propre religion'. La peine de prison a ensuite été commuée. Il s'agit de Alexandra Despoti, mère de famille âgée de 30 ans, Eleni Didaskalou, ouvrière couturière âgée de 23 ans; Eugenia Theodoridou, ouvrière âgée de 21 ans et Elena Batodaki, ouvrière âgée de 22 ans. Les quatre femmes auraient fait du porte-à-porte à Florina, le 26 juillet 1988, pour vendre les revues 'Watchtower' ('La Tour de garde') et 'Awake' ('Réveillez-vous') et échangé des idées sur leurs croyances avec les habitants de la ville. Une plainte aurait été déposée contre elles par un prêtre orthodoxe, Evripides Taskas (63 ans). Le 27 novembre 1991, la cour d'appel de Thessalonique devait prononcer son jugement définitif concernant les accusées, mais le procès aurait été reporté en raison d'une grève du personnel judiciaire.

Selon les informations reçues, le 15 novembre 1992, la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg devait entendre un appel déposé par M. Minos Kokkinakis, homme d'affaires à la retraite de 80 ans passés qui fait partie des Témoins de Jéhovah. Le 2 mars 1986, lui-même et sa femme ont été arrêtés par la police qui les avait surpris en train de lire des passages de la Bible et de parler de pacifisme dans des termes bibliques avec leurs amis. M. Kokkinakis a fait appel du jugement rendu par le tribunal d'instance de Lasithi, qui le condamnait à une amende de 10 000 drachmes et à une peine d'emprisonnement de quatre mois pour prosélytisme. M. Kokkinakis a déjà purgé sept peines de prison au cours des 50 dernières années et a été exilé quatre fois loin de chez lui, en Crète. Il a purgé sa plus longue peine, 18 mois, dans les années 40 pour objection de conscience au service militaire, tandis que les autres peines ont été infligées pour prosélytisme.

Le cas de la congrégation des Témoins de Jéhovah de Gazi, à Héraklion (Crète), a été exposé dans les termes suivants : en 1983, la congrégation avait demandé un permis pour transformer une propriété louée en un lieu de prière et de culte. Il était clairement stipulé, dans le contrat de trois ans qui avait été établi entre le propriétaire et les locataires, que la propriété serait utilisée à des fins religieuses. Le bureau local de l'Eglise orthodoxe avait été informé du contrat et le prêtre avait déposé une plainte contre les locataires, Titos Manousakis, Konstantinos Makridakis, Kyriakos Baxevanis et Vasilios Hatzakis, faisant valoir qu'ils n'avaient pas obtenu un permis qui est délivré par les autorités locales de l'Eglise orthodoxe et par le Ministère de l'éducation nationale et des affaires religieuses. Les accusés ont été acquittés par le tribunal de première instance, puis par le tribunal d'instance, après un appel interjeté par le ministère public. Ils ont donc recommencé à utiliser leur lieu de prière et de culte et ont placé un écriteau à l'entrée indiquant son identité religieuse. Cependant, le prêtre orthodoxe a prétendu que la pose de cet écriteau équivalait à du prosélytisme. Suite à un deuxième appel interjeté par le chef du parquet du tribunal d'instance, les accusés ont été condamnés le 15 février 1990 à une peine de prison de trois mois et à une amende de 30 000 drachmes. Le 19 mars 1991, la Cour suprême (Areopagos) a rejeté la demande de pourvoi en cassation qui avait été présentée par M. Manousakis et a condamné les accusés à verser 18 000 drachmes pour les frais de tribunaux.

S'agissant d'un cas dont il a déjà été question dans son précédent rapport (E/CN.4/1992/52), le Rapporteur spécial a été informé que le tribunal d'instance d'Alexandroupolis avait acquitté les chefs de la congrégation des Témoins de Jéhovah qui étaient accusés d'utilisation illégale du temple et ordonné la levée des scellés apposés sur ce local le 2 juillet 1991. Le temple de la congrégation des Témoins de Jéhovah à Alexandroupolis avait été fermé et mis sous scellés en 1990, ses membres n'ayant pas obtenu un permis d'activités qui est délivré par le Ministère de l'éducation nationale et des affaires religieuses. Le ministère public, qui avait engagé les poursuites, a fait appel de la décision avant la levée des scellés. L'évêque orthodoxe aurait exercé de fortes pressions sur les autorités locales pour les dissuader de reconnaître officiellement le lieu de culte des Témoins de Jéhovah.

De 1983 à 1991, 2 172 Témoins de Jéhovah auraient été arrêtés pour prosélytisme. En 1991, 211 personnes ont été arrêtées, 28 affaires ont été portées devant les tribunaux et 8 ont été renvoyées. Dans trois cas, les personnes ont été acquittées et dans un autre, plusieurs personnes ont été condamnées.

Selon des informations supplémentaires qui ont été reçues, quatre officiers de l'armée, évangélistes, purgeraient une peine de prison de quatre ans pour prosélytisme, peine qui a été prononcée par un tribunal militaire à Volos, au centre de la Grèce.

Par ailleurs, les lois en vigueur sur l'éducation rendraient difficile la nomination de professeurs non orthodoxes en Grèce, dans n'importe quel type d'école. Le Rapporteur spécial a notamment été informé des cas suivants de plusieurs personnes appartenant aux Témoins de Jéhovah à qui l'on refusait de délivrer des permis d'enseigner.

En octobre 1991, Mme Valiki Pilaftsoglou avait demandé un permis pour enseigner le français et la biologie dans un établissement d'enseignement libre. Elle a été priée de remplir un formulaire dans lequel elle devait indiquer sa religion et a commencé à travailler avant d'obtenir le permis. Entre-temps, les autorités locales chargées de l'éducation avaient demandé au Ministère de l'éducation nationale et des affaires religieuses s'il pouvait délivrer un permis d'enseigner à un professeur qui n'était pas de religion orthodoxe. Quelques mois plus tard, l'affaire était toujours en suspens.

M. Theofilos Tzenos, professeur d'anglais, avait postulé un emploi dans un établissement d'enseignement libre, mais le Ministère de l'éducation nationale et des affaires religieuses avait refusé de lui délivrer un permis d'enseigner car il n'était pas de religion orthodoxe.

En septembre 1991, Mme Anastasia Nomidis a obtenu un certificat d'aptitudes linguistiques en anglais délivré par l'Université du Michigan. Elle a demandé et obtenu le 'certificat de qualification pour enseigner' qui est délivré par le Ministère de l'éducation. Elle a ensuite rempli deux formulaires de demande pour obtenir un permis d'enseigner et créer un centre d'enseignement. Plusieurs mois plus tard, le Ministère a répondu verbalement qu'il ne lui délivrerait pas un permis d'enseigner pour des raisons religieuses. Cependant, selon les informations reçues, des enseignants non orthodoxes avaient été autorisés à enseigner dans des écoles publiques dans les années 80, même s'ils étaient parfois confrontés à des difficultés.

Le 20 mai 1992, cinq moines de l'Eglise extérieure, le frère Oleg Shvetzoff, le père Mitrophan, le moine Nicholas Shevelckinsky, le hiéromoine Ioannikios Abernethy et l'archimandrite Seraphim Bobich, abbé de Saint-Elias de Skete sur le mont Athos, ont été expulsés par la force de leur monastère. L'évêque Athanasios, représentant du patriarcat oecuménique, serait venu au monastère de Saint- Elias de Skete avec des représentants du monastère de Pantocratos, et des policiers grecs armés qui, sous la menace de leurs armes, ont forcé les moines à quitter sur-le-champ le monastère de Saint-Elias. Aucun document signé par une autorité quelle qu'elle soit n'a été présenté pour justifier l'expulsion. Les autorités grecques auraient confisqué les passeports des moines (tous citoyens américains) et leurs cartes d'identité grecques et les auraient menacés de les arrêter. Le 25 mai, le père Ioannikios aurait appelé le Gouverneur civil de Thessalonique, M. Constantine Papoulidis, qui lui aurait répondu qu'il n'était pas compétent et n'avait aucune autorité en la matière et que le père Ioannikios devrait adresser une pétition au gouvernement monastique, la communauté sacrée d'Athos."

54. Le 12 février 1993, la Mission permanente de la Grèce auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a transmis au Rapporteur spécial les renseignements suivants sur les allégations ci-dessus :

"Je vous serais très obligé de bien vouloir faire parvenir à M. Ribeiro la réponse et les observations ci-après :

- Affaire Anastassios Georgiadis.

M. A. Georgiadis est sorti de prison le 27 juillet 1992. Quatre jours plus tard, il a été libéré du service militaire par l'armée, en exécution de la décision No 484/92 du Conseil d'Etat validant la demande d'annulation présentée par lui à l'encontre de l'acte par lequel l'administration avait rejeté sa demande d'exemption de l'obligation militaire fondée sur le motif qu'il était ministre du culte des Témoins de Jéhovah.

- Affaires Florina, Heraklion et Lassithi.

a) Dans les affaires Florina et Heraklion, des poursuites ont été entreprises par le Procureur, à la suite de plaintes déposées par deux prêtres.

b) Dans l'affaire Lassithi, la procédure a été mise en route à la suite d'une plainte.

c) Il a été fait appel des deux premières décisions de condamnation. Rien n'indique qu'un appel ait été formé contre la troisième.

d) Toutes ces affaires sont liées au droit, pour chacun, de s'opposer, par des moyens légaux, à des actions répressives de ses concitoyens dirigées contre sa propre conscience religieuse.

- Des renseignements concernant d'autres affaires (comme celle du mont Athos) seront communiqués en temps utile."

Inde

55. Dans une communication datée du 10 novembre 1993, adressée au Gouvernement indien, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"Selon les informations reçues, l'attaque de la mosquée de Babri à Ayodhya, et sa destruction le 6 décembre 1992 par des milliers d'hindous se seraient soldées par la mort de plusieurs centaines de manifestants musulmans aux alentours de la mosquée et le pillage de 200 maisons habitées par des musulmans. Ceux-ci auraient subi les tirs de la troupe qui s'efforçait de les disperser. Ces événements auraient eu un grand retentissement dans plusieurs régions du pays et provoqué de graves troubles intercommunautaires entre hindous et musulmans durant lesquels plus de 1 200 personnes auraient péri ou auraient été abattues par la police. La majorité des victimes semblait appartenir à la communauté musulmane. A Bombay où au moins 200 personnes seraient mortes, selon des témoignages, la police serait intervenue aux côtés des hindous et aurait tiré sur les manifestants musulmans.

Lieu chargé d'histoire et vénéré par les musulmans d'Inde depuis plusieurs siècles, la mosquée de Babri aurait fait l'objet depuis cinquante ans de longues procédures judiciaires, qui visaient à départager les revendications respectives des musulmans et des hindous sur ce site. Les seconds chercheraient à construire un temple à l'emplacement présumé de la naissance du dieu hindou Ram, en dépit d'un décret récent de la Cour suprême, interdisant toute construction en ce lieu, que le gouvernement d'Uttar Pradesh ayant le soutien du Bharatiya Janata Party (Mouvement nationaliste hindou) s'était engagé à respecter. Selon les informations reçues, les autorités indiennes n'auraient pas perçu de manière adéquate les événements qui se seraient déroulés durant les jours précédant l'attaque de la mosquée de Babri et n'auraient pris aucune mesure pour assurer la protection de ce lieu.

A la suite de ces événements, les relations entre hindous et musulmans se seraient détériorées dans plusieurs régions de l'Inde. Par exemple, au Cachemire, Etat qui abrite une majorité de musulmans, les persécutions des fondamentalistes musulmans contre la minorité hindoue, notamment contre les représentants des Kashmiri Pandits, auraient augmenté. Près de 250 000 personnes auraient dû fuir leurs foyers depuis 1990 et chercher refuge dans des camps de fortune au nord de l'Inde. Leurs maisons désertées auraient subi des jets de pierres ou des coups de mortier de la part d'extrémistes musulmans. Une enquête publiée par 'India Today', le 28 février 1993, aurait indiqué qu'une cinquantaine de temples hindous auraient été endommagés, dont deux à 90 %, à savoir ceux de Shailputri et de Bhairon Nath, à Baramulla, mais que la plupart d'entre eux avaient pu être rapidement réparés en l'espace de quelques jours, contrairement à certaines opinions parues dans la presse.

Une information toute récente ferait état du siège mené contre le Hazratbal Shrine musulman de Srinagar, depuis le 16 octobre 1993, par plus de 10 000 hommes des forces armées et paramilitaires indiennes. Celles-ci auraient commis des actes de vandalisme dans le principal lieu de prière de cet ensemble vénéré, composé d'une mosquée, d'une librairie et d'une école d'enseignement religieux, qui abriterait notamment la chevelure du Prophète Mahomet. Attaqué déjà à deux reprises, ce lieu de pèlerinage aurait subi, en février 1992, les assauts des troupes indiennes qui auraient profané les lieux et bouté le feu à la bibliothèque. Des exemplaires du Coran et quelque 16 000 livres auraient été ainsi ravagés.

Suite à l'assaut donné par les forces de l'ordre au temple d'Amritsar (Etat du Pendjab), en 1984, le conflit latent qui y prévaudrait aurait non seulement amené les autorités indiennes à poursuivre les sikhs responsables d'actes terroristes, mais aussi à commettre des actes de persécution contre de nombreux sikhs innocents. Ceux-ci auraient été victimes de détention arbitraire, d'interrogatoires sous la torture ou d'exécutions sommaires et de disparitions. Certaines informations laisseraient entendre que quelque 40 à 50 000 sikhs, hommes, femmes et enfants auraient été victimes des forces armées indiennes.

Depuis que le Pendjab a été placé en 1987 sous l'administration directe de New Delhi, nombreux seraient les sikhs à demander qu'un amendement soit introduit dans la Constitution indienne reconnaissant la religion sikh comme étant distincte de l'hindouisme. En effet, l'article 25 de la Constitution stipulerait que la référence à l'hindouisme devrait être interprétée comme englobant les personnes de foi sikh, jain ou bouddhiste. Depuis de longues années, le Gouvernement indien serait constamment intervenu dans les affaires religieuses des sikhs gérées par le Shromani Gurdawwara Parbhandhik Committee jusqu'à la conclusion de l'accord, en 1959, entre les autorités indiennes et les sikhs, à savoir le Pacte Nehru-Tara Singh. Les sikhs considéreraient que cet accord aurait été rompu au moment de l'intervention des autorités au temple d'Amritsar.

Dans l'Etat d'Uttar Pradesh, le Vishawa Hindu Parishad (Alliance hindoue universelle) aurait depuis peu l'intention, avec l'appui tacite des autorités, de reconvertir à l'hindouisme quelque 8 000 personnes appartenant à deux communautés musulmanes proches par leur mode de vie pastoral de la caste des Yadav. Après une intense propagande centrée sur les héros des grandes épopées hindoues, on demanderait aux futurs convertis de signer une pétition dans laquelle ils déclareraient renoncer à l'islam. Ils seraient ensuite admis dans leur nouvelle communauté religieuse au cours d'une cérémonie d'initiation et recevraient parfois une certaine somme d'argent ou un lopin de terre.

Le 11 novembre 1992, environ deux mille chrétiens de toutes confessions auraient manifesté dans les rues de Ahmednagar, dans l'Etat du Maharashtra, afin de protester contre la campagne menée par l''Armée de Shiva' pour reconvertir des centaines de chrétiens à l'hindouisme. Les représentants de cette armée seraient, selon certaines informations, responsables en partie des troubles qui seraient survenus à Bombay à partir du 5 janvier 1993. Plus de 600 personnes auraient trouvé la mort et plusieurs dizaines de milliers de musulmans auraient quitté la ville pour fuir la violence.

Dans l'Etat d'Orissa, six personnes travaillant pour la mission protestante 'Opération Mobilisation', au début de novembre 1992, et menant une activité d'évangélisation dans la ville Bisham-Cuttack, auraient été attaquées par des membres d'une organisation hindoue orthodoxe. Sévèrement battues, elles auraient dû se faire soigner à l'hôpital."

56. Le 17 décembre 1993, la Mission permanente de l'Inde auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a envoyé ses observations au sujet de la communication susmentionnée que lui avait transmise le Rapporteur spécial :

"1. Les allégations contenues dans la communication en question ne concordent pas avec la réalité car les us et coutumes, la Constitution et les institutions de l'Inde garantissent pleinement les droits des minorités. Et c'est dénaturer les faits que d'affirmer que les minorités en Inde sont persécutées. Non seulement l'égalité et le respect absolus des personnes de toutes religions sont consacrés par notre Constitution et assurés par nos institutions démocratiques, mais ils sont également la marque de notre identité. De tout temps, la culture et les traditions de l'Inde, la pensée et l'orientation politique du pays ont guidé la nation sur la voie de la tolérance et érigé en principe l'unité dans la diversité. Aussi l'Inde est-elle la patrie de nombre de groupes linguistiques et religieux différents. L'Inde, berceau de quatre grandes religions principales, s'enorgueillit de compter parmi ses citoyens des fidèles de presque tous les grands cultes, y compris les sectes et sous-sectes qui s'y rattachent. Les musulmans, qui n'étaient que 35 millions à l'indépendance, sont plus de 120 millions aujourd'hui et, par dizaines de millions, d'autres minorités professent d'autres religions.

2. Notre Constitution laïque veille à ce que tous les citoyens soient égaux, quelle que soit leur religion, en les mettant à l'abri de toute forme de discrimination fondée sur la religion, la race, la caste, le sexe et le lieu de naissance, y compris en matière d'emploi ou d'accès à la fonction publique. La Constitution indienne a été expressément conçue pour favoriser la tolérance et donner la liberté de culte à des confessions ou à des personnes différentes. En vertu de la Constitution indienne, toute personne a le droit de professer, de pratiquer et même de propager librement sa religion. L'Etat indien est laïc mais les minorités peuvent créer et conduire leurs propres institutions à des fins religieuses, caritatives et éducatives. Quelle que soit leur appartenance, les citoyens qui résident sur le territoire indien ont le droit de conserver la culture, la langue et l'écriture qui leur sont propres. Les préceptes collectifs et individuels, ainsi que les convictions inhérentes à différentes religions, sont garantis et protégés avec une latitude qu'on ne trouve guère dans d'autres constitutions laïques. Dans la démocratie parlementaire, c'est le pouvoir judiciaire, indépendant, qui veille au respect des droits énoncés dans la Constitution. Le droit à un recours consacré dans la Constitution fonde le droit fondamental à la liberté religieuse. Si une injustice est à déplorer, la presse libre et le peuple, qui n'est pas sectaire, apportent leur contrepoids : ce sont eux les plus sévères censeurs de toutes les formes d'intolérance et d'injustice.

3. Outre les dispositions constitutionnelles, le gouvernement a renforcé la protection de différentes confessions en instaurant, par une loi que le Parlement a votée en 1992, une Commission nationale pour les minorités. Cette commission suit l'évolution des minorités qui relèvent de l'Union et des Etats, et veille au respect des garanties constitutionnelles et de la législation de l'Union et de chaque Etat; elle examine également des plaintes spécifiques concernant les atteintes aux droits et garanties dont jouissent les minorités et en saisit les autorités compétentes. Outre ces activités de contrôle, la Commission assume de nombreuses fonctions de recommandation. En tant qu'organisme de contrôle, elle a toutes les attributions d'un tribunal civil, dont celles de citer des témoins à comparaître, de recueillir des preuves et d'exiger la communication de documents publics. Les recommandations de la Commission sont présentées au Parlement ou à la législature de l'Etat, selon les cas; un mémorandum les accompagne, où sont exposées les mesures à prendre par les gouvernements concernés. Dans plusieurs Etats de l'Union, sont en place des tribunaux spéciaux qui connaissent d'affaires communautaires susceptibles d'être jugées selon une procédure accélérée. Par ailleurs, le gouvernement central apporte une assistance financière aux organisations bénévoles dont l'activité vise à détendre le climat intercommunautaire. Une Fondation nationale pour l'harmonie intercommunautaire, ayant à sa tête le Ministre de l'intérieur et dont le Conseil exécutif comprend les Ministres du développement des ressources humaines et du bien-être social, a été récemment créée. Elle s'emploie à renforcer l'unité des différentes communautés et dispense des soins, sur le plan physique et psychologique, aux victimes de troubles intercommunautaires, aux enfants en particulier.

4. Ce sont les faits qui parlent avant tout. L'Inde est fière de ses minorités, qui participent à la vie de la nation sous tous ses aspects et l'enrichissent. Sur neuf Présidents de la République, trois étaient issus de communautés minoritaires. Onze des quelque 60 ministres du gouvernement actuel sont d'origine minoritaire; il en est de même pour plusieurs officiers supérieurs de la marine, de l'armée de l'air et de l'armée de terre.

5. En dépit des efforts du gouvernement, des dispositions explicites de la Constitution et du fait que notre peuple est dans une large mesure d'obédience laïque, il se produit à l'occasion des incidents où s'affrontent des communautés. Toutefois, nous avons constaté à maintes reprises que, chaque fois qu'éclataient des violences de ce type, l'immense majorité des gens de bon sens les condamnait et les réprouvait. C'est bien ce qui s'est produit lors des événements qui ont suivi la destruction du Babri masjid, à Ayodhya.

6. Les rapports ayant trait à ces événements et dont vous avez été saisi, ne distinguent malheureusement pas les incidents qui échappent au contrôle d'un gouvernement de ceux dont un gouvernement lui-même a été l'instigateur et le complice. Les observations qui figurent, en annexe de votre lettre, dans le résumé des informations sur l'Inde ne concordent pas avec les faits et appellent des remarques détaillées. Les faits, c'est qu'une mosquée, qui depuis des décennies ne servait pas au culte musulman, a été détruite par une foule déchaînée. Vous le savez, la question de Babri masjid est d'une extrême complexité du point de vue émotionnel, sentimental, historique, archéologique et religieux. D'aucuns pensent qu'un temple, à l'origine consacré à Rama, qui représentait son lieu de naissance et se trouvait à l'emplacement du Babri masjid, a été détruit au XVIe siècle par l'empereur mogol Babar pour édifier une mosquée sur le site. D'autres soutiennent qu'il n'existait pas de temple à cet endroit et que, de ce fait, il n'y a rien eu à démolir pour construire le Babri masjid. Au fil des ans, cette question est devenue de plus en plus épineuse. Il convient également de noter que les constructions destinées au culte hindou qui se trouvent dans la cour extérieure de la structure qui fait l'objet du litige y sont depuis 1885 et que les hindous peuvent s'y recueillir depuis 1950, les musulmans n'ayant pas pratiqué leur culte dans la mosquée depuis des décennies.

7. C'est fausser gravement les faits que d'affirmer que le Gouvernement indien s'est fait, par son indifférence, le complice de la démolition du Babri masjid. Au contraire, soucieux de régler pacifiquement le différend, le Gouvernement indien a tenu de longues négociations avec toutes les parties en conflit et s'est montré prêt à accepter une solution négociée ou à renvoyer l'affaire devant les tribunaux pour que ceux-ci se prononcent. Toutefois, le 6 septembre, avant que l'affaire n'ait pu être tranchée, le parti d'opposition Bhartiya Janata décidait de procéder à des travaux de caractère religieux à proximité de la mosquée. Le gouvernement central a demandé au gouvernement local, auquel il incombe, en vertu de notre système fédéral, de faire respecter l'ordre public, de protéger ce lieu sacré qu'est la mosquée, ce à quoi le gouvernement local s'est engagé à maintes reprises. Par ailleurs, le gouvernement central a fourni des effectifs paramilitaires considérables au gouvernement local. Toutefois, en intervenant, au regard des assurances répétées qu'avait données le gouvernement local, le gouvernement central aurait enfreint les principes de notre régime fédéral et il aurait pu être accusé de vouloir déstabiliser le gouvernement local et de violer la Constitution.

8. Les autorités nationales supérieures ont immédiatement condamné l'incident dans les termes les plus énergiques et d'importantes mesures correctives ont rapidement été prises, dans le droit fil de la politique laïque indienne et dans le respect et la tolérance manifestés de tout temps à l'égard de toutes les religions, convictions et pratiques. Le 6 décembre 1992, jour même de l'attaque du Babri masjid à Ramjanambhoomi, le Gouvernement de l'Etat a été dissous. Le 7 décembre 1992, il a été décidé d'interdire les organisations communautaires, d'entamer des poursuites pour les délits liés à la destruction de la mosquée et d'établir les responsabilités de diverses instances. Le gouvernement a décidé d'acquérir toute la zone en litige et qui faisait l'objet d'un procès devant la Haute Cour d'Allahabad. Cette zone, excepté celle où se trouve l'édifice en litige, serait mise à la disposition de deux institutions créées pour construire un temple et une mosquée et pour aménager la zone. Conformément à ces décisions, une ordonnance a été publiée, ordonnance qui est devenue une loi du Parlement le 3 avril 1993.

9. Les émeutes qui ont suivi, dans certaines parties de l'Inde, la regrettable destruction du Babri masjid mentionnée en annexe ne sont pas la règle. Engendrées par des tensions intercommunautaires, elles ont été attisées de l'étranger, en paroles et en actes, par des éléments antisociaux obéissant à leurs propres intérêts. Toutefois, prétendre qu'une communauté en particulier a été persécutée est manifestement inexact. Tous les Indiens, quelle que soit leur religion, en ont pâti. Des enquêtes judiciaires approfondies ont été menées et des mesures d'aide et de réinsertion prises. Il en a coûté 10 millions de roupies. Ces mesures s'inscrivent dans la tradition laïque du régime indien, qui se distingue par son respect et sa tolérance à l'égard de toutes les religions, croyances et pratiques. Comme l'a fait observer le Premier Ministre de l'Inde, la diversité du pays donne parfois lieu à des agissements regrettables. La vigueur intrinsèque des traditions et des institutions de l'Inde, ainsi que la sagesse innée du peuple, y mettent cependant bon ordre.

10. Il est donc erroné de poser que, à la suite de ces événements, les relations entre hindous et musulmans se sont dégradées dans plusieurs parties du pays, et le gouvernement est déterminé à rester fidèle à l'identité culturelle multiple et pluraliste de l'Inde. Bien sûr, les institutions que nous avons conçues pour soutenir notre société pluraliste, multiethnique, multireligieuse, multilinguistique et laïque, visent par-dessus tout à consolider une démocratie moderne. Toutefois, vous conviendrez également qu'une démocratie pluraliste ne s'exerce pas dans le néant. Dans toute société, l'évolution sociale et économique nourrit ses propres tensions. Or certains éléments qui prêchent la discorde donnent à ces tensions un caractère ethnique, religieux et sécessionniste et tentent d'imposer leurs vues par la force plutôt que par la voie démocratique. La démocratie pluraliste, fondée sur le respect de la loi, voit son équilibre fragile de plus en plus menacé par le terrorisme, phénomène que la Conférence mondiale sur les droits de l'homme a reconnu comme une violation des droits de l'homme. L'attachement de l'Inde à la démocratie, la composition laïque de notre pays et son intégrité territoriale sont battus en brèche par la violence terroriste, et ce d'autant plus que ceux-là mêmes qui abandonnent la voie démocratique sont aidés par des forces soumises à l'ingérence étrangère.

11. Au Pendjab et au Jammu-et-Cachemire, nous avons été confrontés à un extrémisme et à un terrorisme d'une férocité sans précédent. Vous vous êtes déclaré préoccupé des rapports que vous avez reçus sur la situation des minorités dans ces deux Etats indiens. En fait, au Pendjab, la communauté sikh jouit depuis toujours d'une liberté totale et mène une vie plus prospère que d'autres. Pas plus au Pendjab que dans une autre partie de l'Inde, les sikhs ne font l'objet de mesures discriminatoires ou de mauvais traitements. Dans cet état, les fauteurs de troubles ont été des terroristes religieux qui, influencés de l'étranger, ont tenté à des fins politiques de creuser le fossé entre les sikhs et les autres communautés. Au fil des ans, il est tombé sous les balles et les bombes des terroristes autant de sikhs que d'hindous et les terroristes ne sont pas arrivés à leurs fins. Ce sont l'attitude bienveillante, patiente et persuasive du gouvernement ainsi que le peuple de plus en plus rebuté par les assassinats, les pillages et les actes barbares de l'extrémisme religieux, qui ont fini par restaurer au Pendjab l'harmonie et le processus politique dans son ensemble.

12. Au Cachemire, l'extrémisme religieux systématique des éléments terroristes a entraîné l'exode de 250 000 membres d'autres communautés religieuses qui ont quitté la vallée du Cachemire pour d'autres parties de l'Inde. Gratuites et aveugles, les atrocités perpétrées par les extrémistes n'ont épargné personne. L'incident survenu à Hazratbal, dont vous faites mention, a été le point culminant d'une vague de tensions mûries au-delà des frontières par les activistes et leurs mentors et destinées à attiser les passions entre communautés. Cette année, de la mi-septembre à fin novembre, on a tenté d'incendier ou on a occupé pas moins de sept des plus importants sites religieux de la vallée du Cachemire.

13. Ainsi, contrairement aux allégations qui figurent en annexe de votre lettre, le gouvernement, apprenant que l'on conspirait la profanation du site sacré d'Hazratbal et de la relique sacrée du Prophète, a bouclé la zone du lieu saint et demandé aux activistes de se rendre et de laisser sortir de leur plein gré les fidèles, dont des femmes et des enfants qui, retenus en otage par les extrémistes, se trouvaient dans la mosquée. Les forces de sécurité dont l'objectif essentiel était de protéger le lieu sacré, ont su, par de patientes tractations, dissuader des activistes de s'exposer à un combat armé. Pendant le siège, qui a duré un mois, les forces de sécurité, face aux provocations continuelles et aux exigences déraisonnables des activistes et face à leurs partisans qui, en dehors de l'enceinte, cherchaient à créer l'affrontement en les mettant à cran, ont fait montre d'un sang-froid exemplaire.

14. Malgré l'intransigeance des activistes, le Gouvernement indien n'a pas cédé aux provocations et a cherché par tous les moyens une solution pacifique à la situation à Hazratbal. Tout au long de la crise, c'est la transparence qui a primé. La solidité des institutions démocratiques indiennes et la détermination du gouvernement à protéger les droits fondamentaux de ses citoyens se sont avérées lorsque ce dernier a suivi les directives de la Haute Cour et de la Cour suprême de l'Etat en apportant une aide alimentaire et humanitaire aux personnes se trouvant dans le site sacré. La solution pacifique de la crise, malgré de graves provocations, montre combien le gouvernement entend respecter les sentiments du peuple et préserver le caractère sacré de ce lieu. Voilà une attitude bien différente de celle qu'on a pu constater dans des situations similaires, dans d'autres pays où on a vite eu recours à la force pour expulser les activistes des lieux sacrés qu'ils occupaient.

15. Concernant la prétendue conversion forcée de chrétiens à l'hindouisme, vous savez probablement que la religion hindoue ne fait pas de prosélytisme. Preuve de la tolérance du régime laïc indien, les autres religions et croyances sont autorisées à faire oeuvre de prosélytisme.

16. Notre pays, comme beaucoup d'autres, n'est pas parfait. Il arrive malheureusement qu'il s'y produise des accès de violence mais nous estimons que notre cadre juridique, notre système institutionnel et nos mécanismes modérateurs permettent d'y faire face. Nous avons toujours été et toujours nous serons résolus à préserver la mosaïque de religions et de langues qu'est l'Inde, dans un cadre démocratique pluraliste, car nous le faisons en tenant compte de nos principes qui sont l'essence de notre force.

57. Le 21 décembre 1993, la Mission permanente de l'Inde auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a envoyé d'autres informations supplémentaires au sujet de la communication susmentionnée :

"i) En ce qui concerne Maharashtra, le gouvernement de cet Etat a mené des enquêtes plus poussées et a fait savoir que, le 13 novembre 1992, des travailleurs - chrétiens et Dalit Panther - ont organisé un défilé/manifestation, sous la conduite de M. Ashok Gaikwad (Dalit Panther), avocat, de Moos Made et du Père Falcan, en direction de l'église de St. Anna, à Ahmed Nagar, pour protester semble-t-il contre la conversion prétendue de chrétiens et contre les actes de forces communalisées visant à fomenter la haine à leur encontre.

i.i) Le même jour, une organisation appelée Shiva Sena avait appelé à une réunion publique (20 000 personnes) à Ahmed Nagar (Wadia Park), et, à cette occasion, Bala Saheb Gaikwad (R/o Umbre, Taluka Rohori, District - Ahmed Nagar) a déclaré que, chrétien d'origine, il s'était converti à l'hindouisme.

i.ii) A cette occasion-là, il n'y a eu aucun acte de violence et les deux événements dont il est fait mention plus haut ont eu lieu séparément. Il est confirmé qu'il n'y a eu aucun cas de conversion forcée ou organisée dans cette région.

ii) En ce qui concerne l'Orissa, le gouvernement de cet Etat a fait savoir que, contrairement à ce qui est allégué dans la lettre, aucun incident n'a eu lieu à Bishan-Cuttack, dont la population est d'environ 10 000 personnes et où se trouve une petite garnison. Aucune plainte n'a été déposée auprès de la police pour quelque incident que ce soit. Le Directeur de l'hôpital chrétien de Bishan-Cuttack, le plus important de cette ville, a déclaré qu'aucun groupe de missionnaires n'a reçu des soins dans son établissement en novembre 1992.

ii.ii) Aucun détail concernant les personnes qui auraient été agressées n'était fourni en annexe de votre lettre. Les enquêtes effectuées par les autorités de l'Etat d'Orissa sur la base des informations fournies n'ont pas permis de confirmer la réalité des incidents signalés dans le rapport.

iii) Quant à ce qui est dit dans votre lettre au sujet d'informations faisant état de la prétendue conversion à l'hindouisme de 8 000 personnes appartenant à la communauté musulmane d'Uttar Pradesh, le gouvernement de cet Etat, après avoir mené des enquêtes approfondies, n'a pas été en mesure de confirmer ces allégations."

Iran (République islamique d')

58. En date du 8 décembre 1993, le Rapporteur spécial a adressé au Gouvernement de la République islamique d'Iran des allégations traitant de problèmes d'intolérance religieuse.

59. Pour les raisons énoncées supra au paragraphe 21, ces allégations n'ont pas été incluses dans le présent rapport.

Iraq

60. Dans une communication datée du 23 novembre 1993, adressée au Gouvernement iraquien, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"Selon les informations qui sont parvenues au Rapporteur spécial, la politique de répression menée par les autorités iraquiennes à l'encontre de la communauté musulmane chiite en Iraq et de ses institutions religieuses ou culturelles continuerait d'être systématiquement appliquée. Certaines opinions feraient état d'une volonté délibérée du gouvernement d'attenter aux fondements mêmes sur lesquels repose la société chiite; d'autres y verraient une tentative de génocide, de la part des autorités, qui affecterait plus particulièrement les populations chiites des marais, au sud du pays. Divers groupes de chiites, comme les Kurdes fayli et les Turcomans, auraient fait l'objet d'expulsions arbitraires et de diverses formes de discrimination. Ces mesures sembleraient découler d'un programme très élaboré qui se poursuivrait impunément.

A titre d'exemple, la commémoration publique du martyre de l'imam Husayn, événement phare dans la vie d'un chiite, n'aurait pas été autorisée cette année. Une semblable interdiction aurait frappé les processions d'Ashura durant le mois sacré du Muharram.

Le sort des 106 dignitaires religieux ou étudiants en théologie arrêtés en même temps que feu le Grand Ayatollah Al-Khoei, dont on trouvera en annexe une liste avec de nouvelles informations complétant celles qui figurent dans le rapport à la Commission de l'an dernier (E/CN.4/1993/62), inspirerait toujours de vives inquiétudes. Seules deux personnes auraient été libérées, à savoir un ressortissant pakistanais et un des fils de feu le Grand Ayatollah. On craindrait que des mauvais traitements ou des tortures aient été infligés aux autres dignitaires religieux ou étudiants en théologie durant leur séjour en prison. Certains d'entre eux auraient peut-être même disparu ou courraient le risque d'être exécutés.

Les autorités iraquiennes auraient, à maintes reprises, entretenu de fausses espérances auprès des familles des religieux détenus à propos de leur éventuelle libération. A présent, les autorités menaceraient de déportation ces familles, à tout le moins celles de nationalité non iraquienne, en prétendant qu'elles n'auraient plus de motif valable de prolonger leur séjour dans le pays, puisqu'elles étaient privées de leur principal soutien. Cette récente attitude des autorités s'ajouterait aux pressions exercées par celles-ci sur les religieux étrangers désireux de faire renouveler leur autorisation de séjour, sous peine d'être expulsés. Ces pressions auraient durement porté atteinte à l'épanouissement de la vie religieuse dans les villes saintes du sud de l'Iraq et entaché la réputation de Najaf comme centre d'enseignement religieux et lieu privilégié où s'élabore la jurisprudence chiite.

Après la révolte de mars 1991, les autorités iraquiennes se seraient lancées dans un programme de modernisation de ces villes visant à modifier fondamentalement leur vocation religieuse et culturelle. Leurs habitants en auraient particulièrement souffert : à Kerbala, par exemple, aucune des personnes dont la maison ou le commerce aurait été détruit au bulldozer, en application des directives gouvernementales, n'aurait été indemnisée ou n'aurait reçu une offre de relogement ailleurs. Les familles dont les cimetières auraient été profanés et démolis sur ordre du gouvernement, auraient été empêchées de procéder à leur reconstruction.

Les offres faites par feu le Grand Ayatollah Al-Khoei de consacrer des fonds religieux à la reconstruction des husseiniyas, des mosquées, des bibliothèques ou des centres religieux profanés, endommagés ou détruits, après mars 1991, auraient été déclinées par les autorités. De même, celles-ci auraient refusé de considérer les plans de reconstruction des sites élaborés par le bureau du Grand Ayatollah. Le gouvernement aurait récemment réparti ces sites en lots distincts et les aurait mis aux enchères publiques pour inciter des promoteurs à créer des ensembles commerciaux.

La gestion administrative des mausolées sacrés serait soumise à un contrôle tâtillon des autorités. Les bibliothèques demeureraient fermées ou ne seraient que très difficilement accessibles. D'ailleurs, les manuscrits et ouvrages saisis dans ces bibliothèques ou dans les collections privées des dignitaires religieux, y compris des ouvrages de portée historique, religieuse et spirituelle, n'auraient toujours pas été rendus à leurs propriétaires. Le gardien du mausolée sacré de l'imam Ali, à Najaf, Sayyed Maqdad Killidar, serait encore emprisonné. La gestion des biens religieux de la ville serait passée sous le contrôle direct du Ministère officiel de Awqaf.

De nombreux tombeaux de dirigeants chiites vénérés auraient été convertis en bureaux pour le gouvernement. Des départements concernant la sécurité de l'Etat comme l'Amn, la Mukhabarat ou la police, occuperaient certains de ces locaux, qui serviraient aussi à détenir les pèlerins de passage, après leur arrestation. La principale voie d'accès reliant Najaf à Kerbala continuerait d'être arpentée par de nombreux blindés et surveillée par des postes de contrôle qui terroriseraient la population locale.

La manière dont se seraient déroulées les funérailles du Grand Ayatollah Sabzewari, l'héritier présomptif de feu le Grand Ayatollah Al-Khoei, illustrerait l'irrespect manifesté par les autorités iraquiennes à l'égard des sentiments de la communauté chiite. Le cortège funèbre aurait été interdit et la dépouille du défunt aurait été ensevelie sans cérémonie. Seule une fatiha publique restreinte aurait été autorisée à Najaf.

L'appel à la prière dans sa version chiite serait toujours interdit dans certains quartiers de Bagdad habités par des chiites et dans d'autres localités, au nord de la capitale iraquienne, comme Sayyed Muhammad, Samara et Tozkhormatoo. De plus, les jours fériés de rite chiite ne seraient pas reconnus.

Le collège de Fiqh, à Najaf, centre pour l'enseignement de la jurisprudence chiite et d'autres disciplines, aurait été fermé et transféré au collège de la Charia, à Bagdad. Ce dernier aurait supprimé toute référence aux études chiites, dans le domaine de la philosophie ou de la jurisprudence. La mise à l'index d'environ 1 000 ouvrages chiites, présentant un intérêt historique et culturel exceptionnel, serait toujours en vigueur. Les érudits chiites n'auraient pas l'autorisation de publier leurs livres sans le consentement des autorités, lequel ferait souvent défaut.

Les médias auraient aussi engagé une politique systématique de désinformation ou de dénigrement à l'encontre des chiites et de leurs convictions religieuses. En avril 1991, un des journaux du Parti Ba'th aurait décrit les habitants chiites des marais comme étant les représentants d'un peuple au faciès de singe et descendants d'esclaves noirs amenés dans la région au Moyen-Age. Plus récemment, le journal du Président iraquien, 'Babylonia', aurait fait état, dans un de ses articles, d'une aide financière offerte à de jeunes couples désireux de se marier, pour autant qu'ils acceptent la cérémonie en masse organisée à leur intention dans un grand hôtel de la capitale, le jour même de la commémoration de la mort de l'imam Husayn et de sa famille, particulièrement vénérés par les chiites. Enfin, les programmes religieux chiites, de même que toute référence aux cérémonies et rites pratiqués par les chiites, seraient interdits à la télévision et à la radio d'Etat."

Annexe

106 membres du clergé chiite, étudiants et membres de la famille

de feu le Grand Ayatollah Al-Khoei qui ont disparu en mars 1991

NOM

NATIONALITE-

AGE APPROXIMATIF AU MOMENT DE L'ARRESTATION

AUTRES RENSEIGNEMENTS

1

Shaikh Muhammad Hussain Sharif Kashef al-Ghata'

Iraquien; 20 ans

Célibataire; étudiant en théologie; vivant dans le district de al-'Amara à al-Najaf avant son arrestation.

2

Shaikh Radwan Habib Kashef al-Ghata'

Iraquien; 30 ans

 

3

Al-Sayyid Faisal Muhammad al-Baghdadi

Iraquien; 35 ans

Marié, quatre enfants; étudiant à l'école de théologie de Dar al-'Ilm à al-Najaf.

4

Shaikh Muhammad Hussain 'Abbas al-Turaihi

Iraquien; 28 ans

Marié; étudiant à l'école de théologie de Dar al-'Ilm à al-Najaf.

5

Shaikh Ahmad Duwair Hashush al-Bahadli

Iraquien; 30 ans

Marié.

6

Al-Sayyid 'Ala' Nasser Muhammad

Iraquien; 38 ans

Marié.

7

Al-Sayyid Muhammad Nasser Muhammad

Iraquien; 36 ans

Marié.

8

Al-Sayyid 'Abbas Nasser Muhammad

Iraquien; 18 ans

 

9

Al-Sayyid Haidar Nasser Muhammad

Iraquien; 15 ans

 

10

Al-Sayyid Kamal Muhammad Sultan Kalanter

Iraquien; 31 ans

Marié, deux enfants; diplômé de l'Institut de technologie de al-Najaf; vivant dans le quartier de Hay al-Sa'ad à al-Najaf avant son arrestation.

11

Al-Sayyid Muhammad 'Ali 'Aabd al-Samad Zhaher

Iraquien; 40 ans

Marié.

12

Haidar 'Abd al-Amir 'Aziz Fakhreddin

Iraquien; 34 ans

 

13

Muhammad 'Abd al-Amir 'Aziz Fakhreddin

Iraquien; 28 ans

 

14

Al-Sayyid Muhammad Ridha al-Sayyid Muhsin al-Hakim

[photo 2]

Iraquien; 65 ans

Marié, huit enfants; théologien et administrateur de l'école de Dar al-Hikma à al-Najaf; vivant dans le district de al-Mishraq à al-Najaf avant son arrestation.

15

Al-Sayyid 'Ali Sa'id al-Hakim

Iraquien; 55ans

Marié, sept enfants; marchand de tissus; vivant dans le district de al-Huwaish à al-Najaf avant son arrestation.

16

Al-Sayyid Ahmad Muhammad Ja'far al-Hakim

Iraquien; 24 ans

Commerçant; vivant dans le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

17

Al-Sayyid Hassan Muhammad Ja'far al-Hakim

Iraquien; 20 ans

Commerçant; vivant dans le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

18

Al-Sayyid 'Ali Muhammad Ja'far al-Hakim

Iraquien; 18 ans

Lycéen; vivant dans le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

19

Al-Sayyid Hassan al-Qubanji

[photo 3]

Iraquien; 82 ans

Marié, 21 enfants; célèbre prédicateur; vivant dans le district de al-Huwaish à al-Najaf avant son arrestation.

20

Shaikh Muhammad Ja'far Muhammad Al Sadeq

Iraquien; 48 ans

Marié, quatre enfants; étudiant à l'école de théologie de Dar al-'Ilm à al-Najaf; vivait dans le district de Khan al-Mukhaddar à al-Najaf avant son arrestation.

21

Shaikh 'Abd al-Amir Abu al-Tabuq

Iraquien; 48 ans

Marié, cinq enfants; a étudié à l'école de théologie de Dar al-'Ilm à al-Najaf; célèbre prédicateur; vivant dans le district de al'-Amara à al-Najaf avant son arrestation.

22

Shaikh Ahmad al-Dujaili

Iraquien; 68 ans

Marié, sept enfants; prédicateur dans une mosquée; vivant dans le quartier de Hay al-'Ulama' à al-Najaf avant son arrestation.

23

Shaikh Hadi al-Jasani

Iraquien; 44 ans

Marié, un enfant; étudiant en théologie.

24

Al-Sayyid Muhammad Taqi Ja'far al-Mar'ashi

[photo 4]

Iraquien; 61 ans

Marié, six enfants; théologien; vivant dans le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

25

Al-Sayyid Muhammad Muhammad Taqi al-Mar'ashi

Iraquien; 32 ans

Marié, deux enfants; étudiant à l'école de théologie de al-Akhund Al-Kubra à al-Najaf; vivant dans le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

26

Al-Sayyid Ahmad Muhammad Taqi al-Mar'ashi

Iraquien; 24 ans

Etudiant; vivant dans le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

27

Al-Sayyid Muhammad Baqer Muhammad Ibrahim 'Abd al-Hadi al-Shirazi

[photo 5]

Iraquien; 34 ans

Marié, deux enfants; étudiant à l'école de théologie de Dar al'-Ilm à al-Najaf; vivant dans le district de al-'Amara à al-Najaf avant son arrestation.

28

Al-Sayyid Taqi Jum'a Jawad

Iraquien; 46 ans

Marié, six enfants.

29

Al-Sayyid 'Ammar 'Abbud Bahr al-'Ulum

Iraquien; 23 ans

Etudiant; habitant le quartier de Hay al-Kinda à al-Kufa avant son arrestation.

30

Al-Sayyid Ja'far Musa Bahr al-'Ulum

Iraquien; 60 ans

Marié, cinq enfants; théologien; habitant la ville de al-Mishkahb, près de al-Najaf, avant son arrestation.

31

Al-Sayyid Ahmad Ja'far Bahr al'-Ulum

Iraquien; 36 ans

Marié, deux enfants; architecte; diplômé de l'école d'architecture de l'Université de Bagdad; habitant le quartier de Hay al-Sa'ad à al-Najaf avant son arrestation.

32

Al-Sayyid Muhammad Jawad Musa Ja'far Bahr al-'Ulum

Iraquien; 33 ans

Marié, deux enfants; étudiant en théologie; habitant chez le Grand Ayatollah al-imam al-Kho'i à al-Najaf avant son arrestation.

33

Al-Sayyid 'Izzidin 'Ali Bahr al-'Ulum

[photo 6]

Iraquien; 55 ans

Marié, cinq enfants; théologien; a étudié à la mosquée de al-Tusi à al-Najaf; habitait le district de al-Mishraq à al-Najaf avant son arrestation.

34

Al-Sayyid 'Izzidin 'Ali Bahr al-'Ulum

[photo 6]

Iraquien; 58 ans

Marié, trois enfants; théologien; a étudié à la mosquée al-Tusi à al-Najaf et a dirigé les prières au sanctuaire de l'imam 'Ali; habitait le district de al-'Amara à al-Najaf avant son arrestation.

35

Al-Sayyid 'Ali 'Ala'uddin Bhar al-'Ulum

[photo 6]

Iraquien; 30 ans

Marié, deux enfants; étudiant à l'école de théologie de Dar al-'Ilm à al-Najaf; habitait le district de Mishraq à al-Najaf avant son arrestation.

36

Al-Sayyid Mustafa 'Ala'uddin Bahr al-'Ulum

[photo 7]

Iraquien; 26 ans

Marié, un enfant; étudiant à l'école de théologie de Dar al-'Ilm à al-Najaf; habitait le district de al-Huwaish à al-Najaf avant son arrestation.

37

Al-Sayyid Amin 'Ala'uddin Bahr al-'Ulum

[photo 8]

Iraquien; 24 ans

Etudiant en génie civil à l'Université de Bagdad; habitait le district de al-'Amara à al-Najaf avant son arrestation.

38

Al-Sayyid Muhammad Ridha Musa Bahr al-'Ulum

Iraquien; 40 ans

Marié, quatre enfants; étudiant à l'école de théologie de Dar al-'Ilm à al-Najaf; habitait le district de al-'Mishraq à al-Najaf avant son arrestation.

39

Al-Sayyid Muhammad Hussain Musa Bahr al-'Ulm

Iraquien; 44 ans

Marié, trois enfants; étudiant en théologie; diplômé du collège de jurisprudence islamique de al-Najaf; habitait le quartier de Hay al-Mutanabbi à al-Najaf avant son arrestation.

40

Al-Sayyid Muhsin Muhammad Hussain Bahr al-'Ulum

Iraquien; 21 ans

Etudiant à l'Université de Bagdad; habitait le quartier de Hay al-Mutanabbi à al-Najaf avant son arrestation.

41

Al-Sayyid Muhammad 'Abbud Bahr al-'Ulum

Iraquien; 35 ans

Marié, deux enfants; ingénieur électricien; diplômé de l'Ecole d'ingénieur de l'Université de Bagdad; habitait le quartier de Hay al-Kinda à al-Kufa avant son arrestation.

42

Al-Sayyid Hassan Musa Bahr al-'Ulum

[photo 9]

Iraquien; 54 ans

Marié, quatre enfants; théologien et imam de la mosquée de al-Kufa; habitait le quartier Hay al-Amir à al-Najaf avant son arrestation.

43

Al-Sayyid Muhammad Hassan Bahr al-'Ulum

Iraquien; 21 ans

Etudiant à l'Université de Bagdad; habitait le quartier de Hay al-Amir à al-Najaf avant son arrestation.

44

Al-Sayyid Miqdad Hussain al-Klidar

Iraquien; 26 ans

Marié, un enfant; diplômé de l'Université de Bagdad; gardien du sanctuaire de l'imam 'Ali à al-Najaf; habitait le quartier de Hay al-Sa'ad à al-Najaf avant d'être arrêté.

45

Al-Sayyid Ibrahim al-Sayyid Abul-Qassem al-Kho'i

[photo 10]

Iranien; 27 ans

Né à al-Najaf; marié, deux enfants; étudiant en théologie; a travaillé et vécu avec son père, le Grand Ayatollah al-imam al-Kho'i à al-Najaf; a aussi travaillé comme marchand de drap.

46

Al-Sayyid Mahmud 'Abbas al-Milani

[photo 11]

Iranien; 29 ans

Marié, un enfant; étudiant à l'école de théologie de Dar al-'Ilm à al-Najaf; vivait dans le district de al-Barraq à al-Najaf avant son arrestation.

47

Al-Sayyid Muhammad Ibrahim 'Abd al-Hadi al-Shirazi

[photo 12]

Iranien; 58 ans

Marié, cinq enfants; a étudié à l'école de théologie de Dar al-'Ilm à al-Najaf; théologien et conseiller du Grand Ayatollah al-imam al-Kho'i; habitait le district de al-Amara à al-Najaf avant son arrestation.

48

Al-Sayyid Murtadha Jawad al-Kadhimi al-Khalkhali

[photo 13]

Iranien; 89 ans

Marié, quatre enfants; théologien; a étudié à l'école de théologie de Dar al-'Ilm à al-Najaf; habitait le district de al-Huwaish à al-Najaf avant son arrestation.

49

Al-Sayyid Mahdi Murtadha al-Khalkhali

Iranien; 40 ans

Marié, quatre enfants; étudiant à l'école de théologie de al-Qazwini à al-Najaf; habitait le district de al-Huwaish à al-Najaf avant son arrestation.

50

Al-Sayyid Muhammad Sadeq Mahdi al-Khalkhali

Iranien; 22 ans

Etudiant à l'école de théologie de al-Qazwini à al-Najaf; vivait dans le district de al-Huwaish à al-Najaf avant son arrestation.

51

Al-Sayyid Muhammad Saleh Mahdi al-Khalkhali

Iranien; 20 ans

Etudiant à l'école de théologie de al-Qazwini à al-Najaf; vivait dans le district de al-Huwaish à al-Najaf avant son arrestation.

52

Al-Sayyid Muhammad Hussain Mahdi al-Khalkhali

Iranien; 18 ans

Etudiant à l'école de théologie de al-Qazwini à al-Najaf; habitait le district de al-Huwaish à al-Najaf avant son arrestation.

53

Al-Sayyid Muhammad Ridha Zain al-'Abidin al-Musawi al-Khalkhali

[photo 14]

Iranien; 63 ans

Marié, six enfants; théologien et auteur d'ouvrages de théologie; a étudié la théologie à l'Université de al-Najaf; habitait le district de al-Huwaish à al-Najaf avant son arrestation; arrêté avec le Grand Ayatollah al-imam al-Kho'i.

54

Shaikh 'Ali Muhammad Taqi Wa'ezh Zadeh

Iranien; 32 ans

Marié, deux enfants; étudiant en théologie et prédicateur dans une mosquée; habitait le district de al-Barraq à al-Najaf avant son arrestation.

55

Shaikh Muhammad Muhammad Ibrahim Isma'il 'Uzlat

Iranien; 61 ans

Marié, sept enfants; a étudié à l'école de théologie de al-Yazdi al-Kubra à al-Najaf; habitait la rue al-Madina à al-Najaf avant son arrestation.

56

Shaikh Hussain 'Ali Ghulam Ridha Fairuz Bakht

Iranien; 63 ans

Marié, cinq enfants; a étudié à l'école de théologie de al-Akhund al-Kubra à al-Najaf; habitait à al-Najaf dans le district de al-Judaida avant son arrestation.

57

Shaikh Muhammad Hussain Hussain Fairuz Bakht

Iranien; 32 ans

Marié, deux enfants; étudiant à l'école de théologie de al-Bukhara'i à al-Najaf; habitait le district de al-Barraq à al-Najaf avant son arrestation.

58

Shaikh Muhammad Baqer Hussain 'Ali Fairuz Bakht

Iranien; 29 ans

Commerçant travaillant dans le Souq al-Kabir à al-Najaf; habitait le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

59

Shaikh 'Ali Asghar Muhammad Taqi al-Ahmadi

[photo 15]

Iranien; 78 ans

Marié, six enfants; théologien; a étudié à l'école de théologie de al-Bukhara'i à al-Najaf; habitait dans le district de al-Huwaish à al-Najaf avant son arrestation

60

Al-Sayyid Muhammad 'Ali Muhammad Muhammad 'Ali Mir Salari

[photo 16]

Iranien; 62 ans

Marié, huit enfants; a étudié à l'école de théologie de al-Sharbiyani à al-Najaf; habitait dans le district de Khan al-Mukhaddar à al-Najaf avant son arrestation.

61

Al-Sayyid Habib Hassan Saleh Hussainian

Iranien; 55 ans

Marié, cinq enfants; a étudié à l'école de théologie de al-Qazwini à al-Najaf; professeur de théologie; habitait dans le district de Khan al-Mukhaddar à al-Najaf avant son arrestation.

62

Al-Sayyid Muhammad Kadhim Habib Hussainian

Iranien; 21 ans

Etudiant à l'école de théologie de al-Qazwini à al-Najaf; habitait dans le district de Khan al-Mukhaddar à al-Najaf avant son arrestation.

63

Al-Sayyid Muhammad Baqer Habib Hussainian

Iranien; 19 ans

Etudiant à l'école de théologie de Al-Qazwini à al-Najaf; habitait le district de Khan al-Mukhaddar à al-Najaf avant son arrestation.

64

Al-Sayyid Hussain Jawad Al 'Ali al-Shahrudi

Iranien; 38 ans

Marié, deux enfants; étudiant en théologie à l'école de théologie de al-Akhund al-Kubra à al-Najaf; habitait dans le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

65

Shaikh Mahdi Hassan al-Fadili

Iranien; 36 ans

Marié, quatre enfants; étudiant à l'école de théologie de al-Qazwini à al-Najaf; habitait dans la rue al-Madina à al-Najaf avant son arrestation.

66

Shaikh Ridha 'Ali Akbar Ridha

Iranien; 22 ans

Marié, un enfant; étudiant en théologie.

67

Al-Sayyid Rasul Ridha Hussain Hashimi Nasb

Iranien; 25 ans

Etudiant; habitait dans le district de al-Huwaish à al-Najaf avant son arrestation.

68

Al-Sayyid Hashem Ridha Hussain Hashimi Nasb

Iranien; 22 ans

Etudiant; habitait dans le district de al-Huwaish à al-Najaf avant son arrestation.

69

Al-Sayyid Ahmad Hussain Muhammad al-Bahraini

Iranien; 42 ans

Marié, deux enfants; étudiant en théologie.

70

Al-Sayyid Mahmud Hussain Muhammad al-Bahraini

Iranien; 38 ans

Marié, deux enfants; étudiant en théologie.

71

Shaikh Zakariyya Isra'il Muhammad Ridha al-Nusairi

Iranien; 41 ans

Etudiant à l'école de théologie de al-Burujardi à al-Najaf.

72

Shaikh Taqi Hassan 'Abbas 'Ali Diryab

Iranien; 24 ans

Etudiant à l'école de théologie de al-Bukhara à al-Najaf; vivait dans le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

73

Al-Sayyid 'Abbas Shah Hussain Shah Ahmad

Indien; 52 ans

Marié; étudiant à l'école indienne de théologie de al-Najaf; vivait dans le district de al-Mishraq à al-Najaf avant son arrestation.

74

Al-Sayyid Jawad 'Abbas Hussain Shah

Indien; 21 ans

Marié; étudiant; vivant dans le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

75

Shaikh Baqer Musa Isma'il

Pakistanais;

50 ans

Marié, sept enfants; étudiant à l'école indienne de théologie de al-Najaf; habitait dans le district de al-Mishraq à al-Najaf avant son arrestation.

76

Shaikh Muhammad Jawad Baqer Musa Isma'il

Pakistanais;

23 ans

Commerçant travaillant dans le Souq al-Kabir à al-Najaf; vivait dans le district de al-Mishraq à al-Najaf avant son arrestation.

77

Shaikh 'Ali Baqer Musa Isma'il

Pakistanais;

21 ans

Etudiant; habitait dans le district de al-Mishraq à al-Najaf avant son arrestation.

78

Shaikh Muhammad Baqer Baqer Musa Isma'il

Pakistanais;

20 ans

Etudiant.

79

Shaikh Ahmad Ghulam Muhammad Ja'far

Pakistanais;

22 ans

 

80

Shaikh Akhtar Muzaffar Hussain Ghulam 'Ali

Pakistanais;

35 ans

Marié, deux enfants; étudiant en théologie; vivait dans le district de al-'Amara à al-Najaf avant son arrestation.

81

Shaikh Muhammad Sharif Ghulam Haidar Ghulam Muhammad

Pakistanais;

35 ans

Marié, trois enfants; étudiant en théologie.

82

Shaikh Sadeq 'Ali Ghulam Haidar Ghulam Muhammad

Pakistanais;

23 ans

 

83

Al-Sayyid Assadullah Sulaiman Mahmud

Afghan; 42 ans

Marié; habitait dans le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

84

Shaikh Muhammad Nasser Mihrab 'Ali Darab 'Ali

Afghan; 34 ans

Marié, étudiant à l'école de théologie de Dar al-'Ilm à al-Najaf; vivait dans le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

85

Shaikh Muhammad Ja'far Mirza Hussain Ghulam 'Ali

Afghan; 30 ans

Marié; vivait dans le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

86

Al-Sayyid Hashem 'Ali Karim Muslim

Afghan; 45 ans

Marié; vivait dans le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

87

Fadl Hussain Muhammad Amir

Afghan; 42 ans

Marié; vivait dans le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

88

Mihrab 'Ali Ghulam Hussain

Afghan; 38 ans

Marié; journalier; habitait dans la rue al-Madina à al-Najaf avant son arrestation.

89

Muhammad Musa Muhammad 'Ali Ghulam Hussain

Afghan; 34 ans

Marié; étudiant à l'école de théologie de Dar al-'Ilm à al-Najaf; habitait dans le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

90

Muhammad Hussain Muhammad 'Ali Ghulam Hussain

Afghan; 32 ans

Marié; étudiant à l'école de théologie de Dar al-'Ilm à al-Najaf; habitait dans le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

91

Muhammad Jawad Muhammad 'Ali Ghulam Hussain

Afghan; 27 ans

Marié; étudiant à l'école de théologie de Dar al-'Ilm à al-Najaf; habitait dans le district de al-Judaida à al-Najaf avant son arrestation.

92

Shaikh Taleb al-Khalil

Libanais; 48 ans

Marié, six enfants; a étudié à l'école de théologie de Dar al-'Ilm à al-Najaf; enseignant.

93

Shaikh Hadi Mufid al-Faqih

Libanais; 40 ans

Marié; étudiant en théologie.

94

Shaikh Mahdi Mufid al-Faqih

Libanais; 35 ans

Marié; étudiant en théologie; habitant dans le district de Khan al-Mukhaddar à al-Najaf avant son arrestation.

95

Shaikh Sadeq Muhammad Ridha al-Faqih

Libanais; 25 ans

Marié; étudiant en théologie.

96

Shaikh 'Abd al-Rahman al-Faqih

Libanais; 38 ans

Marié; étudiant en théologie.

97

Shaikh 'Ali Ja'far

Libanais; 31 ans

Marié; étudiant en théologie.

98

Al-Sayyid Hassan 'Ali Kadhim Al Sharaf

Bahreïnite;

28 ans

Célibataire; né dans le village de Jad Hafs à Bahreïn; étudiant à la Faculté de droit et de sciences politiques de l'Université de Bagdad; a résidé dans le district de al-A'dhamiyya à Bagdad; s'est réfugié à al-Najaf à la mi-janvier 1991 pour échapper aux bombardements aériens;

a été vu pour la dernière fois en avril 1991.

99

Shaikh Fadel 'Abbas Ahmad al-'Umani

[photo 17]

Bahreïnite;

29 ans

Marié, un enfant; né à al-Manama à Bahreïn; étudiant en théologie à al-Najaf.

100

Shaikh Muhammad Jawad 'Abd al-Rasul Hussain

Bahreïnite;

âge inconnu

Marié; étudiant en théologie.

101

Shaikh Ja'far 'Abdallah Mukhtar

Bahreïnite;

22 ans

Célibataire; né dans le village de al-Sanabes à Bahreïn; étudiant en théologie en Iraq depuis 1989, à l'école de Dar al-'Ilm à al-Najaf.

102

Shaikh 'Issa Hassan 'Abd al-Hussain

Bahreïnite;

âge inconnu

Marié; étudiant à l'école de théologie de al-Akhund al-Kubra à al-Najaf.

103

Shaikh Fadel al-Sa'di

Bahreïnite;

âge inconnu

Marié; étudiant à l'école de théologie de al-Akhund al-Kubra à al-Najaf.

104

Ridha Ahmad 'Abd al-Karim al-Shihabi

[photo 18]

Bahreïnite;

21 ans

Célibataire; né dans le village de al-Draz à Bahreïn; étudiant en théologie en Iraq depuis 1989, à l'école Kashef al-Ghata' à al-Najaf; vivait dans le district de al-Huwaish à al-Najaf avant son arrestation.

105

Shaikh 'Issa Hassan al-Samahiji

[photo 19]

Bahreïnite;

22 ans

Célibataire; né à al-Samahij à Bahreïn; étudiant en théologie à l'école de Dar al-Hikma, à al-Najaf, depuis le début de 1990.

106

Shaikh 'Ali Musa al-Huri

[photo 20]

Bahreïnite;

23 ans

Célibataire; né à al-Manama à Bahreïn; étudiant en théologie à al-Najaf depuis le début de 1989; professeur d'arabe.





61. Le 23 décembre 1993, la Mission permanente de la République d'Iraq auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a transmis au Rapporteur spécial les renseignements suivants sur les allégations ci-dessus :

"1) En ce qui concerne l'allégation selon laquelle le Gouvernement iraquien mènerait une politique de répression systématique à l'encontre des chiites et de leurs institutions religieuses pour tenter de perpétrer un génocide qui affecterait plus particulièrement les habitants des marais, au sud du pays, la représentation de l'Iraq à Genève y a déjà répondu dans une note verbale portant la référence 7/4/3/272/92 en date du 10 décembre 1992.

2) Quant à l'allégation selon laquelle la commémoration du martyre de l'imam Husayn n'aurait pas été autorisée, elle est fallacieuse et vague, la cérémonie d'usage ayant été célébrée aux niveaux officiel et populaire. De plus, les organes d'information ont organisé des programmes spéciaux pour marquer cet événement.

3) S'agissant des 106 dignitaires religieux dont on prétend qu'ils auraient disparu, nous tenons à affirmer ce qui suit :

1. Cas de Kamal Muhammad Sultan Kalanter (10ème nom sur la liste qui accompagne la lettre du Rapporteur) : nous avons déjà répondu aux demandes d'éclaircissements présentées à son sujet par le Centre pour les droits de l'homme en précisant qu'il s'agit d'un dignitaire religieux de nationalité iraquienne qui réside actuellement dans le gouvernorat d'al-Najaf, dans le quartier d'al-Sa'ad.

2. Cas de Ahmad Duwair Hashush al-Bahadli (5ème nom de la liste accompagnant la lettre du Rapporteur) : les milieux iraquiens compétents nous ont informés que l'intéressé avait pris la fuite lorsque l'armée a rétabli l'ordre dans les villes de Kerbala et al-Najaf, après les troubles qui ont éclaté en 1991, et qu'il a regagné ultérieurement le pays.

3. Cas de Hassan al-Qubanji : selon les renseignements disponibles, il s'est enfui en Iran avec ses fils, Ala al-Din et Sadr al-Din.

Quant aux autres personnes dont les noms figurent sur la liste, il est apparu, après enquête, qu'elles ont pris la fuite dans un lieu inconnu lors des troubles de 1991.

4) En ce qui concerne l'allégation selon laquelle divers groupes de chiites, comme les Kurdes fayli et les Turcomans, feraient l'objet d'expulsions arbitraires et de diverses formes de discrimination, le Gouvernement iraquien, tout en déplorant de telles calomnies, qui sont loin de la réalité, tient à préciser que la Constitution iraquienne et la législation en vigueur garantissent au citoyen la liberté de choix en matière de religion et de croyance et que tous les citoyens sont égaux devant la loi. Rien dans les lois iraquiennes ne favorise les membres de quelque communauté que ce soit par rapport à d'autres communautés ni n'établit de préférence entre les diverses communautés, toutes étant égales devant la loi.

5) S'agissant de l'allégation selon laquelle le collège de jurisprudence (fiqh), à al-Najaf, aurait été fermé, nous y avons déjà répondu dans notre note verbale mentionnée en 1).

6) Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle les médias auraient engagé une politique systématique de désinformation à l'encontre des chiites et le journal 'Babylonia' aurait publié un article concernant l'aide financière offerte à de jeunes couples désireux de se marier, pour autant qu'ils acceptent la cérémonie de mariage collective organisée le jour de la commémoration de la mort de l'imam Ali, pendant le mois de Muharram, cette mention, de la part du Rapporteur, est empreinte d'une mauvaise foi outrancière et constante à l'égard de l'Iraq. Nous tenons à préciser que le Gouvernement iraquien a entrepris cette année, pour aider les jeunes qui ne sont pas en mesure d'assumer des dépenses de mariage qui ont augmenté à la suite du blocus économique imposé à l'Iraq depuis trois ans, de mettre en place un programme prévoyant l'organisation de cérémonies de mariage et l'attribution d'une aide financière permettant aux intéressés de commencer leur nouvelle vie. Ce programme, qui a démarré avant le mois de Muharram et se poursuit encore à ce jour, est appliqué dans tous les gouvernorats de l'Iraq.

7) En ce qui concerne l'allégation selon laquelle les autorités iraquiennes se seraient lancées dans un programme de modernisation des villes de Kerbala et al-Najaf afin de modifier fondamentalement leur caractère religieux et culturel et auraient démoli des maisons sans verser aux propriétaires d'indemnisation, le Gouvernement iraquien tient à préciser qu'il n'a procédé à aucune modification fondamentale du caractère religieux des villes et lieux sacrés, et qu'il a procédé à une opération d'aménagement des bâtiments qui se serraient autour de ces lieux saints, et ce d'une manière entièrement conforme au caractère et au style religieux de l'environnement de ces sites. En outre, l'Etat continue à aménager les lieux sacrés et à reconstruire tout ce qui avait été démoli par les saboteurs lors des troubles de mars 1991 dans un style musulman pur et sous une forme améliorée. De même, les mausolées ont été redorés sur instructions du Président de la République, et on s'attache à reconstruire toutes les mosquées qui ont été démolies lors de l'agression contre l'Iraq et des troubles qui ont suivi. De plus, l'Etat poursuit son plan d'aménagement et d'entretien des établissements dans lesquels étudient les élèves des écoles théologiques de Kerbala et al-Najaf, pour un coût de 3 millions de dinars.

On a affirmé aussi que les autorités iraquiennes démolissaient des maisons sans verser d'indemnisation à leurs propriétaires. Il s'agit là d'une allégation fallacieuse et d'une pure calomnie car ces maisons, et les quartiers qui se trouvent à proximité des cimetières saints, ont été démolis par les bombardements aveugles qui ont eu lieu lors de l'agression contre l'Iraq. D'autres maisons ont été incendiées pendant les troubles par des saboteurs, ceux-ci n'ayant épargné ni les bâtiments publics, ni les véhicules, richesses et biens des citoyens. Le gouvernement a publié un décret portant secours aux victimes de la guerre et le processus d'indemnisation se poursuit à ce jour.

8) S'agissant de l'allégation selon laquelle les autorités iraquiennes auraient interdit le cortège funèbre marquant les obsèques de l'Ayatollah Sabzewari et n'auraient pas autorisé les cérémonies d'usage en pareille occasion, nous tenons à préciser que l'Etat n'est pas tenu d'organiser de manifestation particulière pour les dignitaires religieux et qu'il n'interdit pas que l'on organise de funérailles pour quiconque. Il appartient aux citoyens de le faire et les autorités n'ont jamais interdit que de telles manifestations se déroulent à la mémoire de Sabzewari.

9) Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle les ouvrages littéraires présentant un intérêt historique ou culturel seraient mis à l'index et les érudits chiites n'auraient pas l'autorisation de publier leurs écrits sans le consentement des autorités, le Gouvernement iraquien réaffirme que le peuple iraquien est un et qu'il n'est pas fait de distinction entre les religions ou les communautés, mais que la question est de savoir, comme dans tous les pays, ce qui se prête à la publication et ce qui ne s'y prête pas. En outre, le blocus économique imposé à l'Iraq depuis trois ans, qui a porté entre autres sur l'approvisionnement en papier et en encre d'imprimerie, a diminué la quantité d'ouvrages de littérature et de jurisprudence. De nombreux écrits n'en ont pas moins été imprimés dans le gouvernorat d'al-Najaf, et les écoles théologiques de Kerbala et al-Najaf continuent de publier des ouvrages littéraires et de jurisprudence malgré les effets du blocus économique sur la publication de revues et journaux dans l'ensemble de l'Iraq."

Malaisie

62. Dans une communication adressée le 18 septembre 1992 au Gouvernement malaisien (E/CN.4/1993/62, par. 44), le Rapporteur spécial a transmis les observations suivantes :

"D'après les renseignements reçus, les citoyens malaisiens qui sont membres de l'Eglise du Nouveau Testament sont persécutés depuis plusieurs années. Cette Eglise ne serait plus autorisée, ses bannières et ses publications spirituelles auraient été confisquées et ses fidèles auraient été arrêtés et détenus à maintes reprises pour avoir prêché l'évangile. Par ailleurs, les autorités malaisiennes n'auraient pas protégé les citoyens malaisiens membres de cette Eglise qui ont fait l'objet de persécutions à Taiwan en 1985 et à Singapour en 1987.

En outre, Mme Cecilia Woo, pasteur de l'Eglise du Nouveau Testament, a été traduite en justice en 1990 pour avoir prêché. Pendant le procès, il aurait été interdit de mentionner les écritures et d'introduire une bible dans la salle d'audience. Mme Woo aurait été condamnée à six mois de prison pour avoir prêché. Auparavant, elle aurait purgé une peine de prison de trois mois infligée pour 'outrage à la Cour'.

Selon les sources, neuf membres de l'Eglise du Nouveau Testament ont été arrêtés le 1er mars 1991 à Kuala Lumpur alors qu'ils prêchaient. Ils auraient été emmenés au commissariat de police et arrêtés sous l'inculpation d''attroupement illicite', de 'résistance à l'arrestation', et 'd'entrave à l'action de la force publique'. En outre, le 4 mars 1991, 21 membres de l'Eglise du Nouveau Testament auraient été arrêtés et emprisonnés sous l'inculpation d''attroupement illégal' alors qu'ils se rendaient au commissariat de police susmentionné pour exiger la libération de leurs neuf coreligionnaires. Les services spéciaux de police auraient été saisis de cette affaire. On aurait refusé aux membres de l'Eglise du Nouveau Testament détenus de recevoir des visites ou des soins médicaux. Le 10 mars 1991, la police aurait refusé de communiquer à leurs familles le lieu de détention des 21 membres de l'Eglise du Nouveau Testament qui avaient été arrêtés le 4 mars 1991. On trouvera ci-après la liste des 30 membres de l'Eglise du Nouveau Testament qui ont été arrêtés :

1. Sia Geok Hee, 37 ans

2. Leong Soon Yong, 18 ans

3. Gim Kah Hun, 37 ans

4. Ng Lee Fang, 23 ans

5. Lau Lih Yan, 23 ans

6. Chew Keng Leng, 23 ans

7. Teng Mui Fong, 27 ans

8. Teh Lily, 33 ans

9. Tan Sook Kuan, 15 ans

10. Tan Yew Chuan, 34 ans

11. Tan Choon Hun, 36 ans

12. Tan Guat Ling, 31 ans

13. See Seng Teck, 54 ans

14. Lai Ah Lik alias Lai Boey, 52 ans

15. Wong Chok Chang, 42 ans

16. See Yee Al, 23 ans

17. Tan Tian Chiew, 32 ans

18. Lim Kai Tong, 62 ans

19. Chew Kwang Sang, 25 ans

20. Chew Kwang Seok, 22 ans

21. Chew Kwang Sim, 21 ans

22. Ng Lee Ling, 22 ans

23. Ruth Ooi Lee Eng, 22 ans

24. Goh Lai Eng, 50 ans

25. Wong Yau Chee, 57 ans

26. Lim Yew Lee, 57 ans

27. Lee Kaw alias Lee Toong Lam, 43 ans

28. Ng Nyet Chin, 34 ans

29. Leong Ha alias Leong Keong On, 47 ans

30. Ivy Ong "

63. Le 4 août 1993, la Mission permanente de la Malaisie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a transmis au Rapporteur spécial les renseignements suivants sur les allégations ci-dessus :

"Le 1er mars 1991, aux environs de 23 heures, neuf membres de l'Eglise du Nouveau Testament ont été arrêtés en vertu de l'article 117 du Code de procédure pénale (législation qui autorise la police à détenir un individu pendant 24 heures pour les besoins de l'enquête).

Ces personnes ont été accusées des faits suivants :

a) Réunion illicite (art. 27 de la loi sur la police). Il a été constaté que les personnes en question s'étaient rassemblées, sans aucune autorisation légale, dans un lieu public où elles distribuaient des tracts et utilisaient des mégaphones pour attirer le public;

b) Opposition à un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions (art. 186 du Code pénal). Neuf membres de l'Eglise du Nouveau Testament qui assistaient à cette réunion illicite ont tenté d'empêcher un agent de police en patrouille d'exercer ses fonctions.

Après l'arrestation des neuf personnes susmentionnées, 21 autres membres de l'Eglise du Nouveau Testament se sont réunis dans l'enceinte d'un commissariat pour protester contre les arrestations et réclamer la libération de leurs compagnons.

Ces 21 personnes ont été arrêtées dans l'après-midi du même jour après avoir refusé de se disperser et de quitter l'enceinte du commissariat. Elles ont été placées en détention conformément à l'article 117 du Code de procédure pénale et de l'article 145 du Code pénal (assistance à une réunion illicite ou poursuite d'une telle réunion, alors qu'un ordre de dissolution a été donné).

La détention des 21 autres personnes a été prolongée jusqu'au 9 mars, pour un complément d'enquête conformément à l'article 145 du Code pénal.

Le 13 mars 1991, les 30 membres de l'Eglise du Nouveau Testament ont été traduits devant les tribunaux. Le premier groupe de neuf personnes a été inculpé au titre de l'article 27 de la loi sur la police (réunion illicite) et de l'article 186 du Code pénal (opposition à un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions). Ils ont plaidé non coupables et ont été libérés sous caution moyennant le versement de 1 000 ringgit par personne (350 dollars des Etats-Unis). L'autre groupe de 21 personnes, inculpé au titre de l'article 145 du Code pénal, a plaidé non coupable et a été libéré sous caution moyennant le versement de 500 ringgit par personne. Les procès ultérieurs ont été ajournés plusieurs fois, le conseil chargé de la défense des accusés ne s'étant pas présenté à l'audience. De nouvelles dates ont été fixées et le procès devait se dérouler du 12 au 14 juillet 1993.

En ce qui concerne Mme Cecilia Woo Guat Sim, elle a été poursuivie après avoir pénétré, le 28 septembre 1980, en compagnie de 18 autres personnes dans un temple chinois bouddhiste, et après avoir distribué aux fidèles qui s'y trouvaient des tracts dans lesquels il était affirmé que @les idoles sont de faux dieux'. Cette violation d'un lieu de culte a mis en fureur les bouddhistes qui se sont plaints à la police. A la suite de cette déposition, Mme Cecilia Woo a été arrêtée et inculpée en vertu de l'article 295 du Code pénal (détérioration ou profanation d'un lieu de culte avec l'intention d'offenser la religion d'une classe sociale). Son jugement a été ajourné plusieurs fois et, dans l'attente de son procès, elle a été libérée sous caution.

Le 22 janvier 1990, Mme Cecilia Woo a été reconnue coupable des faits qui lui étaient reprochés et condamnée à une peine de six mois d'emprisonnement. Au cours du même procès, elle a été également inculpée d'outrage à la Cour, au titre de l'article 228 du Code pénal, pour avoir récité les saintes Ecritures à l'audience, dans l'intention de perturber celle-ci. A ce titre, une amende de 1 000 ringgit lui a été infligée ou, à défaut, une peine d'emprisonnement de trois mois. Mme Cecilia Woo a refusé de s'acquitter de l'amende et a été condamnée à trois mois de prison. Les deux peines devaient être purgées simultanément. Mme Cecilia Woo a été incarcérée six mois et libérée le 28 juillet 1990.

L'attention des autorités compétentes a été appelée sur les activités de l'Eglise du Nouveau Testament en 1980. Il était signalé alors que les membres de cette congrégation perturbaient constamment les rassemblements d'adeptes d'autres religions, dont ceux de congrégations bouddhistes et chrétiennes qu'ils dénigraient. Leurs prêches, dans lesquels ils profanaient et décriaient d'autres croyances provoquaient la colère d'un grand nombre de gens et risquaient d'attiser le désordre. Les attaques contre d'autres confessions étaient également une atteinte à la Constitution malaisienne, laquelle garantit la liberté de professer quelque religion que ce soit.

Les multiples rapports et plaintes présentés par des particuliers et divers groupes religieux représentant les fois chrétienne et bouddhiste, de même que les plaintes déposées par des proches de jeunes membres de l'Eglise du Nouveau Testament attestent que cette dernière a violé les conditions en vertu desquelles elle avait été autorisée.

A la suite de ces événements, il a été décidé de rayer du Registre des sociétés l'Eglise du Nouveau Testament à compter du 14 août 1985. Cette mesure a été prise essentiellement pour les raisons suivantes :

a) Les membres de cette Eglise violaient les conditions régissant l'enregistrement de leur société;

b) Ils avaient agi de façon agressive et abusive en pénétrant dans un temple bouddhiste et des églises chrétiennes, et en interrompant et perturbant des cérémonies religieuses."

Myanmar

64. Dans une communication datée du 28 septembre 1993, adressée au Gouvernement de Myanmar, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"D'après les informations reçues, des membres des communautés religieuses bouddhiste et chrétienne ont été persécutés au même titre que les personnes de confession musulmane.

Trois mille moines bouddhistes auraient été arrêtés en 1990 et plus de 20 monastères auraient été nationalisés et leurs moines expulsés. A plusieurs occasions, on aurait interdit aux moines bouddhistes de demander l'aumône et on les aurait forcés à se devêtir de leur robe. En outre, de nombreux moines auraient été arrêtés, torturés dans des centres d'interrogation et condamnés à des peines de prison de 3 à 10 ans. D'autres moines auraient été contraints de travailler comme porteurs et auraient été envoyés dans des régions frontalières reculées.

Le Rapporteur spécial a également été informé que le 20 mars 1990, les autorités locales avaient arraché du sol une croix dans le village de Pekingawkhu situé dans le canton de Moe Bye (Etat de Karenni). Le 14 mai 1991, l'ordre aurait été donné de démolir la chapelle du village de Loetamu près de Loikaw ainsi que plusieurs maisons appartenant à des catholiques, pour permettre la construction de baraquements militaires. Dans la paroisse de Doungankha, qui comprend trois villages catholiques et un village baptiste, les habitants auraient reçu l'ordre de quitter leurs maisons et les nouvelles églises et de détruire leurs cultures. Le 3 janvier 1992, 20 acres de terre auraient été confisqués à un couvent dans le canton de Phruso en vue de la construction de baraquements militaires. Le même jour, le cimetière catholique de Phruso aurait été profané, des croix ayant été retirées des tombes et détruites par l'armée. Les 16 et 17 février 1992, le Président du Conseil local de restauration de l'ordre public aurait ordonné d'abattre deux croix qui avaient été plantées sur des collines proches de Phruso dix ans auparavant. Le cimetière catholique de Loikaw aurait été fermé et son accès condamné.

Comme il est indiqué au paragraphe 45 de son rapport adressé à la Commission des droits de l'homme à sa quarante-neuvième session (E/CN.4/1993/62), les autorités de Myanmar ont procédé à des transferts de population qui ont touché des membres de la communauté musulmane du pays. Le Rapporteur spécial a été informé que des transferts de population se seraient aussi produits dans des localités habitées par des chrétiens. Le 1er mars 1992, les habitants des villages de la paroisse de Hoya auraient reçu l'ordre de partir s'installer à Phruso dans la semaine à venir et, quelques jours plus tard, les habitants de plus de 40 villages des paroisses de Dolaco et de Ghekaw auraient reçu des ordres semblables. Le 15 mars 1992, les habitants des villages de Dawrawkhu auraient reçu l'ordre de s'installer dans le canton de Demoso en moins de trois jours. Ces populations auraient été déplacées dans des localités manquant d'équipements sanitaires, d'eau potable et d'autres installations de base.

En raison de la distance séparant certains villages des lieux de transfert, de nombreuses personnes n'auraient pu emmener que leurs enfants, les habits qu'ils portaient sur eux et des provisions pour deux jours. Des soldats auraient saccagé Hoya avant même que ses habitants aient quitté les lieux, et auraient, notamment, gravement endommagé le couvent et les habitations des membres du clergé. 90 % des habitants des paroisses de Hoya, de Ghekaw, de Dolaco et de Dawrawkhu seraient catholiques et les églises, chapelles, habitations des membres du clergé et couvents y seraient établis depuis longtemps.

En mars 1992, une grue aurait été utilisée pour démonter la croix d'une église catholique à Hpe Khon (Etat de Shan) dans le but de punir son curé."

Népal

65. Dans une communication datée du 28 septembre 1993, adressée au Gouvernement népalais, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"Les informations que j'ai reçues mentionnent que le droit positif népalais interdit la conversion religieuse (art. 19.1 de la Constitution népalaise), ce qui serait en contradiction avec les normes universellement reconnues sur la liberté religieuse.

Aussi je saurais gré au Gouvernement népalais de bien vouloir me transmettre une copie des textes ayant trait à la matière et de me présenter ses vues et observations sur la question."

66. Le 5 novembre 1993, la Mission permanente du Royaume du Népal auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a envoyé ses observations au sujet de la communication susmentionnée que lui avait transmise le Rapporteur spécial :

"Me référant à votre lettre No G/SO 214 (56-7) du 28 septembre 1993 concernant la résolution 1993/25 de la Commission des droits de l'homme en date du 5 mars 1993, intitulée 'Application de la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction', j'ai l'honneur de vous faire part de ce qui suit :

a) Dans la pratique et sur le plan de la législation existante, les différentes croyances au Royaume du Népal coexistent dans un esprit de tolérance religieuse et d'harmonie.

b) La Constitution du Royaume du Népal garantit le droit à la religion selon les dispositions de son article 19, dont voici une traduction officieuse :

19. Droit à la religion :

1) Toute personne est libre de professer et de pratiquer sa propre religion telle qu'elle lui a été transmise héréditairement en tenant dûment compte des pratiques traditionnelles. Nul n'a le droit de convertir quiconque à une autre religion.

2) Toute religion a le droit de conserver son indépendance et à cet effet de gérer et de protéger ses lieux de culte et ses biens.

Il convient de noter que les dispositions du paragraphe 1 de l'article 19 ne limitent ni ne restreignent la liberté religieuse individuelle ou le choix de la religion. Elles visent au contraire à empêcher que ne se produise, dans une société socialement et économiquement faible, le phénomène aberrant que sont les conversions religieuses involontaires provoquées par des séductions financières ou autres tentations. Loin d'aller à l'encontre des normes universellement acceptées de la liberté de religion, cet article constitue une garantie pour les personnes faibles en protégeant et en préservant leurs droits fondamentaux."

Pakistan

67. En date du 8 novembre 1993, le Rapporteur spécial a adressé au Gouvernement du Pakistan des allégations traitant de problèmes d'intolérance religieuse.

68. Pour les raisons énoncées supra au paragraphe 21, ces allégations n'ont pas été inclues dans le présent rapport.

République de Moldova

69. Dans une communication datée du 31 août 1993, adressée au Gouvernement moldove, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"Selon les informations reçues, les croyants et les ecclésiastiques appartenant à l'Eglise orthodoxe autonome moldove, qui fait partie de la Métropolie de la Bessarabie au sein de la Patriarchie roumaine, feraient l'objet de discriminations de la part des autorités.

En 1940, la Patriarchie de Moscou aurait annexé d'une manière illégale et non canonique le territoire canonique de la Métropolie de la Bessarabie. Des centaines de prêtres et des centaines de milliers de croyants de la Bessarabie auraient dû s'exiler. Des centaines de milliers de personnes auraient ainsi été déportées ou éliminées physiquement. La hiérarchie de l'Eglise aurait été déclarée 'l'ennemi du peuple' et 90 % du patrimoine religieux, y compris des lieux de culte auraient été confisqués, fermés ou profanés. Tout contact avec la Patriarchie roumaine aurait été interdit.

Le 8 octobre 1992, la Métropolie de la Bessarabie aurait déposé auprès des autorités à Chisinau son statut d'organisation et de fonctionnement. Deux avis contenant des appréciations favorables auraient été émis le 28 octobre 1992 à cet égard. Néanmoins, aucun suivi n'aurait été donné depuis lors, rendant le culte de la Métropolie de la Bessarabie illégal et empêchant ainsi ses croyants de pratiquer leur religion librement, ouvertement et en tant qu'associés. Cette disposition des autorités serait en désaccord avec la loi de la République de Moldova relative aux cultes, qui a été adoptée le 24 mars 1992.

Le Rapporteur spécial a été informé que les membres de la communauté religieuse appartenant à la Métropolie de la Bessarabie auraient été menacés de vengeance et de meurtre dans la presse locale."

70. Le 12 octobre 1993, le Gouvernement moldove a envoyé ses observations au sujet de la communication susmentionnée que lui avait transmise le Rapporteur spécial :

"Le Gouvernement de la République de Moldova a examiné la note concernant la demande de la Direction de la Métropolie orthodoxe de la Bessarabie (style ancien) mettant en relief les faits suivants :

Le Gouvernement de la République de Moldova ne crée pas d'obstacles à l'enregistrement du culte mentionné comme l'affirme ses adeptes. Pour l'enregistrement de cette Métropolie, on a demandé aux fondateurs, conformément aux prévisions légales en vigueur, une argumentation supplémentaire sur trois questions de principe, à noter :

1. On a demandé les documents de constitution légale de 1925 de la Métropolie orthodoxe de la Bessarabie (style ancien) qui auraient donné au Gouvernement le droit juridique pour réactiver la Métropolie en cause. Mais les fondateurs n'ont pas présenté ces actes. Ignorant certaines prévisions de la loi sur les cultes, la position de la direction actuelle de l'Eglise orthodoxe moldove et celle des croyants, un groupe d'adeptes volontaires de la Métropolie s'est adressé à la Patriarchie de l'Etat voisin, la Roumanie, pour proclamer et réactiver l'ex-Métropolie orthodoxe de la Bessarabie.

Comme résultat, satisfaisant les doléances de ce groupe la Patriarchie roumaine et son Saint-Synode ont causé par l'Acte du 19 décembre 1992 un torrent de mécontentement et même de trouble au sein de notre Eglise.

2. Etant donné que la Métropolie orthodoxe de la Bessarabie (style ancien), conformément au projet de statut présenté au gouvernement, se déclare successeur de droit de la Métropolie d'avant la guerre avec toutes les conséquences qui résultent de ce statut juridique, et tenant compte des facteurs historiques et surtout du fait qu'à partir de 1808 jusqu'à présent l'Eglise orthodoxe moldove s'est trouvée sous la domination canonique de l'Eglise de Constantinople, de la Patriarchie russe et de la Patriarchie roumaine, une expertise internationale s'impose actuellement qui établirait la vérité dans le problème de l'appartenance du patrimoine et des autres droits de notre Eglise en exercice.

Au cas où l'Etat légalise la Métropolie orthodoxe de la Bessarabie (style ancien) la direction de celle-ci fera des efforts soutenus afin d'étendre son influence sur toutes les parochies et sur le patrimoine de toute l'Eglise en exercice, ce qui provoquerait une résistance considérable des autorités actuelles de l'Eglise orthodoxe moldove, ainsi que du clergé et des croyants. Ainsi, les conséquences graves de ces conflits seraient inévitables et difficiles à estimer dans toutes les sphères de la vie de la République.

3. Simultanément avec le projet du statut d'organisation et de fonctionnement de la Métropolie orthodoxe de la Bessarabie (style ancien) le gouvernement a reçu de nombreuses notes officielles de protestation de la part de la Direction légale de l'Eglise orthodoxe moldave (celles-ci étant soutenues par de nombreux représentants du clergé et des croyants). Dans ces notes-là on nous informe que la demande de réactivation de la Métropolie de la Bessarabie est signée des ex-rangs ecclésiastiques auxquels on avait interdit d'officier le service divin ou même ils avaient été destitués antérieurement par les organes hiérarchiquement supérieurs de l'Eglise orthodoxe moldove, donc privés du droit moral et juridique de professer dans ce culte. Ainsi si le Gouvernement de la République de Moldova légalise cette Métropolie, dit-on dans ces déclarations, cela constituerait une violation grave de normes canoniques ecclésiastiques. Nous considérons qu'une telle ingérence de l'Etat dans ces problèmes aurait des conséquences destabilisatrices.

Tenant compte de la situation créée, le Gouvernement de Moldova a entrepris plusieurs actions afin de trouver le consensus nécessaire et d'aplanir le conflit, mais à présent nous sommes dans la phase des préparatifs préliminaires et des négociations avec diverses instances de l'Eglise. On s'est adressé de même à plusieurs reprises, à la Patriarchie russe de Moscou et à la Patriarchie roumaine de Bucarest pour obtenir des arguments sérieux et des propositions constructives et bien réfléchies afin de déterminer l'avenir de l'Eglise orthodoxe moldove. Pour le moment, on attend des propositions qui pourraient remédier à cette situation, mais les instances en cause sont dans l'expectative ou utilisent des accusations.

Excellence, notre opinion en ce qui concerne cette question difficile et délicate réside en ce que les gouverneurs n'ont pas le droit de forcer les choses, de se presser, d'être partial ou d'ignorer certains aspects juridiques ou canoniques.

Acceptez, Excellence, les assurances sincères de notre haute considération et du fait que le Gouvernement de la République de Moldova se prononce pour une Eglise autonome (autocéphale) et intègre qui ne fonctionnerait que dans le cadre du territoire de notre Etat où dominerait le silence et augmenteraient la pureté et la paix spirituelle des croyants."

Roumanie

71. Dans une communication adressée le 18 septembre 1992 au Gouvernement roumain (E/CN.4/1993/62, par. 50), le Rapporteur spécial a transmis les observations suivantes :

"Différents rapports récents ont signalé des séries de violations des droits de l'homme, notamment contre l'Eglise uniate. Selon les sources, l'Eglise uniate se considère Eglise nationale, à égalité avec l'Eglise orthodoxe, conformément à la Constitution roumaine de 1923. Par la loi No 58/1948 dont elle demande l'abrogation, cette Eglise aurait été dépossédée de ses biens qui comprennent 1 800 églises, cimetières, chapelles et maisons paroissiales et 4 monastères qui sont actuellement en possession de l'Eglise orthodoxe, ainsi que 5 palais épiscopaux, 3 institutions d'enseignement religieux, 7 monastères, 20 écoles secondaires, 6 hôpitaux, 4 orphelinats, 3 maisons de retraite, des terrains, des bibliothèques, des musées et de nombreux objets religieux et cultuels qui sont aux mains de l'Etat, le tout dans un total de 2 000 paroisses.

L'Eglise uniate se considère privée du droit d'avoir une vie religieuse complète et d'exercer le droit à la liberté de religion du fait que l'expropriation de 1948 continue. En l'absence d'établissements de culte, les messes pour lesquelles un équipement élémentaire manque seraient célébrées dans des parcs, des maisons privées, des places devant ses anciennes églises et dans les chapelles situées dans des cimetières.

Il a été allégué qu'une offensive d'intimidation serait déclenchée contre les membres de l'Eglise uniate par des personnes s'identifiant à la cause orthodoxe et que des prêtres et leurs familles auraient été attaqués et des croyants blessés. Selon les sources, des menaces continuent quotidiennement sans que la police donne suite aux plaintes des croyants uniates. Des persécutions et des violences auraient aussi eu lieu avant le recensement de janvier 1992, qui seraient de nature à intimider la population.

Selon d'autres allégations, un représentant de l'Eglise uniate de la localité de Spermezeu (département de Bistritza-Näsäud), M. Vasile Belea, s'est présenté le 20 octobre 1991 chez le chef de la police locale, M. Ioan Hrusan. M. Belea aurait demandé l'autorisation de rouvrir une ancienne église appartenant à la communauté uniate pour pouvoir y célébrer de nouveau des services religieux. En réponse à cette demande, il fut allégué que le chef de police, qui est incidemment le frère du prêtre de l'Eglise orthodoxe de la même localité, aurait violemment battu M. Belea avant de le jeter hors du bureau de la police.

Selon les informations reçues, cet incident ne constituerait pas un fait isolé. Des individus qui seraient encouragés par des prêtres de l'Eglise orthodoxe auraient commis de nombreuses agressions sur le territoire de la Transylvanie, et ce, toujours contre des membres de l'Eglise uniate. L'un de ces incidents violents aurait notamment eu lieu dans le village de Visuia, où le père Zagreanu aurait été prié le 26 octobre 1991 de célébrer la messe en l'honneur de saint Dimitri. Il aurait annoncé à la police locale son intention de célébrer la messe à la ferme de la famille Ariesan, du même village, afin qu'elle puisse assurer le déroulement paisible de la cérémonie. Lorsqu'il se dirigeait vers la ferme, 12 personnes en état d'ébriété auraient surgi de l'enceinte de l'Eglise orthodoxe, lui donnant des coups de poing violents sur la tête et la mâchoire et le jetant entre eux avant qu'il ne tombe par terre. Ils auraient continué à lui donner des coups de pied à l'estomac et aux reins. Des femmes qui se rendaient à la messe auraient été attaquées aussi.

Dans le village de Margäu (district de Cluj), le prêtre Ioan Bota aurait été attaqué dans son église alors qu'il célébrait la messe le 6 janvier 1992. Il aurait dû quitter l'église par la porte derrière l'autel parce que les agresseurs l'attendaient devant la porte principale.

Le 8 janvier 1992, la police du village de Filea aurait été priée de surveiller la maison de Mme Silvia Tartan où le père Pius Miclaus célébrait la messe. Des agresseurs munis de pelles et de fourches l'auraient menacé jusqu'après minuit et la femme qui gardait la porte de la maison aurait été blessée avec un couteau. Le maire de Ciurila, dont dépend Filea, qui se serait rendu sur les lieux, accompagné de la femme du prêtre orthodoxe, aurait été menacé et empêché d'agir.

La chapelle uniate qui se trouvait dans la maison de Mme Eugenia Darjan dans le village de Iclod aurait été profanée le 12 janvier 1992 par quatre personnes que la propriétaire aurait reconnues. Des icônes auraient été prises, des livres religieux jetés au sol et la table qui servait d'autel aurait été profanée. Une plainte aurait été déposée auprès de la police locale. Dans chaque cas susmentionné, les forces policières ne seraient pas intervenues."

72. Le 10 février 1993, la Mission permanente de la Roumanie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a transmis au Rapporteur spécial les renseignements suivants sur les allégations ci-dessus :

"La Constitution de la Roumanie, approuvée par référendum, le 8 décembre 1991, garantit la liberté religieuse en Roumanie. Par conséquent, l'article 29 prévoit que '... la liberté de pensée et d'opinion, ainsi que la liberté de religion ne peuvent être limitées aucunement. Nul ne peut être contraint à adopter une opinion ou à adhérer à une religion qui soient contraires à ses convictions. ... Les cultes religieux sont libres et ils s'organisent conformément à leurs propres statuts, dans les conditions de la loi. Dans les relations entre les cultes, sont interdits toutes formes, tous moyens, actes ou actions de discorde religieuse. Les cultes religieux sont autonomes par rapport à l'Etat et jouissent de son soutien...'

L'article 30 prévoit que l'incitation à la haine religieuse est interdite par la loi. Les principes de la liberté religieuse inclus dans la Constitution sont détaillés et concrétisés dans le projet de la loi des cultes et des libertés en Roumanie, qui sera présenté pour être examiné et adopté par le nouveau Parlement élu le 27 septembre 1992.

En vue de défendre ces principes-là, le Code pénal prévoit des peines pour tous ceux qui essayent d'empêcher le personnel de culte et les croyants de jouir de droits et libertés religieuses garantis par la Constitution et par d'autres actes normatifs. Dans ce sens-là, l'article 318 prévoit que 'L'entravement ou la pertubation de la liberté de pratiquer tout culte religieux qui est organisé et fonctionne conformément à la loi, [est sanctionné] par la détention qui varie d'un mois à six mois ou par l'amende. Le fait d'obliger une personne, par contrainte, à participer aux services religieux d'un culte ou à exécuter un acte religieux lié à l'exercice d'un culte est sanctionné de la même façon'.

1. Après les événements de décembre 1989, l'une des premières mesures adoptées par le Conseil provisoire d'union nationale était le décret-loi No 9 du 31 décembre 1989 qui abrogeait le décret No 358/1984 et qui reconnaissait, officiellement, l'Eglise roumaine unie avec Rome (gréco-catholique). Il est prévu que celle-ci est organisée et fonctionne conformément au régime juridique général des cultes religieux en Roumanie.

Pour réglementer la situation de l'ancien patrimoine de l'Eglise roumaine unie avec Rome, on a adopté le décret-loi No 126 du 24 avril 1990 qui prévoit que 'les biens donnés à l'Etat comme effet du décret No 358/1948, qui se trouvent actuellement dans le patrimoine de l'Etat, à l'exception des propriétés foncières, sont restitués dans leur état actuel à l'Eglise roumaine unie avec Rome'... (art. 2). On précise (art.3) de même que la situation juridique des lieux de culte et celle des maisons paroissiales qui ont appartenu à l'Eglise roumaine unie avec Rome et qui étaient dans la propriété de l'Eglise orthodoxe de Roumanie, sera établie par une commission mixte, composée par des représentants religieux, tenant compte 'de la volonté des croyants qui détiennent des biens'. Le même acte normatif prévoit que dans les localités où le nombre des lieux de culte est insuffisant par rapport au nombre des croyants, l'Etat va soutenir la construction de nouveaux lieux de culte, mettant à leur disposition les terrains nécessaires et les sommes d'argent.

Conformément au décret No 29/1990, une commission mixte s'est constituée, composée par des représentants du Gouvernement et de l'Eglise Roumaine Unie avec Rome, qui a fait l'inventaire des anciens biens de cette Eglise, qui sont aujourd'hui propriété d'Etat suite à cette activité; 80 édifices et terrains ... ont été repérés et, par la Décision du gouvernement No 466 du 19 août 1992, sont devenus des propriétés de l'Eglise roumaine unie avec Rome.

En ce qui concerne la rétrocession des églises qui ont appartenu à l'Eglise roumaine unie avec Rome et qui se trouvent actuellement dans la possession de l'Eglise orthodoxe Roumaine, celle-ci se réalisera conformément à l'article 3 du décret No 126/1990, c'est à dire par consultation des croyants et, par suite de l'opinion exprimée de la majorité d'entre-eux, on va décider si l'église reste dans la propriété des orthodoxes ou devient propriété gréco-catholique. Les évêques et les curés orthodoxes considèrent que la solution de ce problème est une question qui regarde seulement les deux Eglises; ils s'opposent catégoriquement à l'idée selon laquelle l'Etat doit s'impliquer dans ce problème.

Actuellement, à la suite des interventions faites par les croyants, les curés ou les prélats, l'Eglise roumaine unie avec Rome utilise exclusivement 56 églises qui lui ont appartenu jusqu'en 1948. Une série de curés gréco-catholiques officient le service divin alternativement dans les églises orthodoxes.

Il est vrai que, ayant le désir d'obtenir le plus vite possible des lieux de culte, certains curés et groupement de croyants gréco-catholiques ont essayé d'entrer abusivement (par force) dans des églises et maisons paroissiales, fait qui a provoqué la réaction des croyants orthodoxes, qui demandaient le respect du décret No 126/1990. Dans ces conditions, certaines tensions se sont produites entre les croyants des deux Eglises.

Pour prévenir de telles situations, de même que les tensions existantes, des commissions médiatrices, composées par des représentants du Secrétariat d'Etat pour les cultes et des représentants des organes locaux et départementaux de l'administration publique se sont constituées.

Ces commissions ont demandé aux prêtres, aux archiprêtres et aux évêques orthodoxes et gréco-catholiques de résoudre le problème des églises et des maisons paroissiales, conformément à la loi d'une façon paisible et par la voie du dialogue fraternel et chrétien. Le même appel a été fait aux deux Eglises de la part des partis politiques et des médias.

Il faut souligner que la plupart des croyants orthodoxes et gréco-catholiques ont compris que la solution des problèmes des églises et maisons paroissiales peut être faite seulement par voie de coopération et dialogue.

Dans beaucoup de localités où vivent des croyants orthodoxes et gréco-catholiques, le silence et la collaboration oecuménique ont commencé à s'installer.

Le Secrétariat d'Etat pour les cultes, les organes locaux et centraux de l'administration publique, vont persévérer en vue d'encourager le dialogue interconfessionel afin d'assurer les mêmes droits et libertés pour l'Eglise roumaine unie avec Rome et pour tout autre culte existant en Roumanie, sans aucune discrimination. Des mesures de prévention des actes d'intolérance et de discrimination à cause des raisons religieuses, seront prises par la suite, tout en respectant strictement les lois nationales.

2. En ce qui concerne les allégations concernant les situations concrètes mentionnées dans l'annexe, les éléments suivants ont été fournis par la Procurature générale de Roumanie et le Ministère de l'intérieur - l'Inspectorat général de la police :

a) Le 20 décembre 1991, M. Vasile Belea, âgé de 58 ans, sans emploi, de Spermezeu (département de Bistritza-Näsäud), a affirmé publiquement qu'il allait casser le cadenas d'une église de sa commune qui a appartenu antérieurement à l'Eglise gréco-catholique. Pour prévenir un éventuel conflit qui aurait pu se produire entre les habitants de la commune, le chef du poste de police locale, l'adjudant Ioan Hrusan, saisi du fait que M. Vasile Belea, de pair avec d'autres personnes, avait l'intention d'entrer par force dans l'église orthodoxe de cette commune pour célébrer l'office divin gréco-catholique, a invité M. Vasile Belea au siège du poste de police et lui a présenté les conséquences de la violation des dispositions légales, sans exercer d'actes de violence contre lui. Après la réclamation de M. Vasile Belea, selon laquelle l'adjudant Ioan Hrusan l'aurait agressé, les organes du Ministère de l'intérieur ont fait des vérifications qui n'ont pas confirmé les affirmations de celui-ci. Il a résulté, de même, que M. Vasile Belea est pris dans l'évidence du dispensaire médical de la commune Spermezeu, ayant le diagnostic d''oligophrénie'. Le sous-nommé a la possibilité, s'il le veut, de s'adresser à la Procurature pour solliciter des recherches pénales contre le policier. Ce cas ne soulève donc pas le problème de la liberté religieuse.

b) Le 26 octobre 1991, M. Iacob Zagreau de la commune Sieu Magherus, du département de Bistritza-Näsäud, retraité, prêtre gréco-catholique jusqu'en 1948, s'est rendu dans la commune Micestii de Cimpie, village Visnia du même département, pour réorganiser le culte gréco-catholique et pour célébrer l'office divin. A cette occasion, un groupe d'environ 10 à 15 personnes l'a insulté et lui a demandé de quitter la localité, tandis que Telina Dumitru, qui se trouvait sous l'influence de l'alcool l'a agressé. Le conflit s'est arrêté au moment où les organes de police sont intervenus et ont infligé une amende à Dumitru Telina et un avertissement aux habitants Ioan Ioja, Ioan Moldovan, Ioan Ariesan et Nicolae Beldean, conformément à la loi No 61/1991.

M. Iacob Zagreau a été mis au courant des mesures prises et il lui a été expliqué qu'il a la possibilité de porter plainte, s'il le désire, devant les organes judiciaires compétents. A cette occasion il a déclaré qu'il n'a pas l'intention d'utiliser cette voie légale.

c) Le 6 janvier 1992, dans la commune Margäu, du département de Cluj, où il y a une seule église orthodoxe, le prêtre gréco-catholique Ioan Bota a essayé de célébrer le service divin, mais il a été empêché de le faire par plusieurs habitants orthodoxes qui l'ont apostrophé et lui ont demandé de ne plus célébrer le service divin pour les 15 croyants gréco-catholiques dans l'église orthodoxe. Il n'a pas été agressé. Depuis le mois de janvier 1992, il n'y a plus eu d'incidents dans la commune Margäu entre les deux groupes de croyants.

d) Le 6 janvier 1992, dans le village Filea de Jos, commune Ciurila, département de Cluj, après la célébration du service divin dans la maison de Mme Silvia Tartan, par des prêtres gréco-catholiques, Pius Miclaus et Valerian Miclaus, ceux-ci se sont disputés avec plusieurs croyants orthodoxes qui se trouvaient dans le centre de la localité pour un meeting électoral avec le candidat existant pour le poste de maire. Les croyants orthodoxes ont sollicité les prêtres gréco-catholiques de ne plus célébrer l'office divin dans leur village, et suite à l'intervention du maire ils se sont dispersés. Il faut mentionner que les prêtres n'ont pas été agressés et que le déroulement de la célébration du service divin n'a pas été empêché ou dérangé. On n'a pas constaté de querelles. La femme qui protégeait la porte de cette maison n'a pas été la victime d'une attaque, mais elle s'est blessée sur un clou de la grille. Suite à la réclamation de Pius Miclaus, les organes de la Procurature locale Turda, ont entrepris des recherches pénales pour les infractions de manque de liberté d'une façon illégale et de violation de domicile, et par la résolution du 20 avril 1992 on a décidé le non-commencement de la poursuite pénale, sur la base des preuves administrées qui ont montré qu'il n'y a pas d'infraction, les aspects réclamés n'étant pas confirmés.

e) Le 12 janvier 1992, Ioan Vadan, Ioan Morar et Nicolae Dirjan sont entrés dans une pièce de l'immeuble appartenant à Mme Eugenia Dirjan, immeuble qui se trouve dans la commune Lclod, département de Cluj, où il y avait une chapelle improvisée du culte gréco-catholique, dont ils ont fait sortir certaines icônes et d'autres objets de culte. Le conflit s'est arrêté au moment où les organes de police de la commune sont intervenus, ont réintroduit les objets dans la chapelle et ont constaté qu'il n'y avait pas de détérioration, sauf une statuette de culte qui était détruite et qui a été payée ultérieurement par les trois habitants. Ils ont été enquêtés pour les infractions de violation de domicile et destruction; le dossier pénal No 3/1992 est présenté devant la Procurature du municipe Dej pour finir les recherches et prendre les mesures légales."

73. Dans une communication datée du 31 août 1993, adressée au Gouvernement roumain, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"Selon les informations reçues, les biens de l'Eglise roumaine uniate (gréco-catholique), comprenant, entre autres, des lieux de culte, des séminaires, des écoles et des cimetières, ne lui auraient toujours pas été restitués. Il a été allégué aussi que les actes de persécution contre les prêtres de cette église, mentionnés par le Rapporteur spécial dans son rapport à la quarante-neuvième session de la Commission des droits de l'homme (E/CN.4/1993/62, par. 50), se poursuivaient et que les prêtres étaient obligés de continuer à célébrer la messe sur les places publiques.

Par le décret No 9/1989, le Gouvernement roumain aurait reconnu l'existence légale de l'Eglise roumaine uniate qui avait été déclarée inexistante par le décret No 358/1948. Le décret No 126/1990 ne prévoyait toutefois que la restitution des biens en possession de l'Etat, sans régler le problème de la confiscation des biens à caractère ecclésiastique qui avaient été attribués à l'Eglise orthodoxe roumaine. Une réparation des préjudices causés à l'Eglise uniate et son indemnisation pour les pertes subies n'ont toujours pas eu lieu.

En 1992, le gouvernement aurait pris une décision qui prévoyait la restitution physique des biens se trouvant en possession de l'Etat, pour autant que ces biens soient libres, et la restitution en droit des biens civils en mains de l'Etat dans l'éventualité où ces biens n'auraient subi aucune modification. A ce jour, l'Eglise roumaine uniate n'est toujours pas rentrée en possession de ses biens. En outre, les autorités roumaines n'auraient entrepris aucune action visant la restitution des biens confisqués et attribués dans le passé à l'Eglise orthodoxe roumaine."

74. Le 17 novembre 1993, la Mission permanente de la Roumanie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a envoyé ses observations au sujet de la communication susmentionnée que lui avait transmise le Rapporteur spécial :

"Après la Révolution de décembre 1989, les autorités roumaines ont fait la preuve d'un intérêt permanent visant la réglementation de la situation de l'Eglise roumaine unie à Rome (ERUR). Une des premières mesures adoptées par le Conseil du Front du salut national a été celle concernant la reconnaissance officielle de l'ERUR (décret No 9/1989 par lequel a été abrogé le décret No 358/1948).

Afin de réglementer la situation juridique de l'ancien patrimoine de l'ERUR, le Conseil provisoire d'union nationale (CPUN) a adopté le décret-loi No 126/1990 qui stipule que 'les biens assumés par l'Etat conformément au décret No 358/1948 et qui se trouvent actuellement dans le patrimoine de l'Etat excepté les propriétés foncières, se rendent à l'ERUR, dans leur état actuel'. En vertu de cet acte normatif, le Gouvernement a émis la décision No 466/1992 par laquelle 80 bâtiments et terrains urbains ont été rendus à l'ERUR. Par conséquence, l'assertion de l'ancien rapporteur spécial de l'ONU, selon laquelle l'ERUR ne serait pas entrée en possession de ses avoirs, n'est pas réelle.

De même, l'assertion selon laquelle le décret No 126/1990 n'a prévu que la restitution des biens ecclésiastiques qui se trouvaient dans la possession de l'Etat, sans réglementer la situation des biens ecclésiastiques qui avaient été attribués à l'Eglise orthodoxe roumaine, n'est pas réelle. Le texte du décret-loi No 126/1990 est d'ailleurs très précis, stipulant que 'la situation juridique des églises et des maisons paroissiales qui ont été assumées par l'Eglise orthodoxe roumaine sera établie par une commission mixte comprenant des représentants cléricaux des deux confessions religieuses, eu égard à la volonté des croyants des communautés qui détiennent ces biens'.

Malgré les difficultés existantes dans l'application de cette prévision, l'ERUR a réussi à entrer en possession de 80 églises.

D'ailleurs, pour solutionner la question de l'insuffisance des églises, le Secrétariat d'Etat pour les cultes et les institutions locales de l'Etat ont soutenu l'ERUR en lui attribuant gratuitement des terrains pour la construction de nouvelles églises. Pour contribuer à la construction plus rapide de celles-ci, le Secrétariat d'Etat pour les cultes a octroyé, dans la période 1990-1993, une assistance financière dont le quantum dépasse 10 millions de lei."

Soudan

75. Dans une communication datée du 7 décembre 1993 adressée au Gouvernement soudanais, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"D'après les informations qui sont parvenues au Rapporteur spécial, suite au coup d'Etat militaire du 30 juin 1989, la répression se serait encore aggravée dans le pays contre les populations non musulmanes, surtout à partir du moment où les autorités soudanaises auraient appliqué de façon intensive la charia à l'ensemble du pays, et notamment aux régions du sud, peuplées essentiellement de chrétiens et d'animistes.

Lors de tranferts de populations qui seraient intervenus dans les régions montagneuses de Nubie, au Sud-Kordofan, environ 25 000 enfants nubiens auraient été enlevés à leurs parents et détenus pendant une semaine dans des camps autour de la capitale régionale, El Obeid. Pendant cette période, les garçons auraient été circoncis au cours d'une cérémonie collective.

Des récits feraient état de certaines exactions commises, durant l'été 1992, contre des communautés de Nubiens chrétiens, au Sud-Soudan. L'un d'eux, Kamal Tutu, de la tribu des Moro, travaillant pour le compte de son Eglise, aurait été le témoin de tortures infligées par les forces gouvernementales aux membres de sa communauté, avant que ceux-ci ne soient brûlés dans leur église. Il aurait été peu après ligoté et jeté par les militaires dans les ruines fumantes de l'église.

Dans les écoles, les enfants seraient contraints d'étudier la religion islamique, sous peine de subir des punitions corporelles ou d'être chassés de l'école. En outre, dans les centres de distribution de nourriture, bien souvent, les groupes les plus vulnérables de la population - enfants, femmes et vieillards - seraient forcés d'apprendre le Coran pour obtenir leurs rations alimentaires.

Une jeune diaconesse aurait été arrêtée par la police, en mai 1993, à cause de sa tenue qui ne serait pas conforme avec le droit islamique. Condamnée à 25 coups de fouet, elle aurait vu sa peine commuée à une amende correspondant à environ trois jours de salaire.

En juillet 1993, le révérend Peter El-Birth, évêque anglican, aurait été fouetté en public, sur ordre d'une cour islamique pour s'être rendu coupable d'adultère, ce que l'accusé aurait nié. Il aurait également précisé que la cour lui aurait interdit de prononcer un mot pour sa défense.

Une information d'octobre 1993 rendrait compte du sort réservé au pasteur Matta Boush, condamné à 30 ans de prison pour avoir abrité chez lui quatre membres de l'Armée de libération du peuple soudanais (SPLA). Actuellement détenu à la prison d'Omar Al Mokhtar, à Khartoum, celui-ci aurait vu sa peine de prison réduite de 30 à 20 ans, ce qui équivaudrait en fait à sa mise en liberté d'ici deux ans et demi.

Toutefois, de nombreuses entraves seraient encore mises à l'activité des prêtres locaux et des missionnaires qui tentent d'apporter un réconfort moral et spirituel aux populations dans les environs d'El Obeid ou dans les montagnes de Nubie. Plusieurs membres du clergé auraient été arrêtés durant leurs activités religieuses, interrogés par les services de sécurité et détenus pour des périodes variant de quelques semaines à plusieurs mois. Certains missionnaires étrangers se seraient vu refuser la permission d'entrer et de travailler au Soudan ou auraient des difficultés à faire renouveler leur permis de séjour dans le pays."

76. Le 12 décembre 1993, la Mission permanente de la République du Soudan auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a envoyé ses observations au sujet de la communication susmentionnée que lui avait transmise le Rapporteur spécial :

"En réponse à votre note concernant des allégations qui feraient état d'actes d'intolérance et de pratiques discriminatoires en fonction de la religion ou de la conviction, j'ai l'honneur de déclarer ce qui suit :

1. Nous constatons avec regret que le Rapporteur spécial continue de répéter, sans prendre le soin de les vérifier, les allégations qui lui sont présentées par des éléments hostiles au Gouvernement soudanais.

2. Le Gouvernement soudanais affirme de nouveau que la charia ne s'applique pas aux trois Etats du sud. Quoique nul n'ait jamais prétendu le contraire, le Rapporteur spécial a préféré donner foi à des allégations émanant de certaines sources qui, de toute évidence, sont hostiles au gouvernement et qui se saisissent, une fois de plus, de cette question pour défendre certains privilèges dont elles jouissaient dans le passé, au détriment de la liberté d'opinion ou de conviction d'autres groupes religieux.

3. Les allégations selon lesquelles les autorités auraient enlevé à leurs parents 25 000 enfants qu'elles auraient ensuite détenus pendant une semaine dans des camps près de El Obeid, où elles les auraient fait circoncire au cours d'une cérémonie publique, nous semblent parfaitement absurdes et contraires aux coutumes et aux valeurs chères au peuple soudanais.

4. Les allégations selon lesquelles des prêtres auraient été torturés et des églises incendiées, allégations déjà formulées dans le passé, se sont avérées fausses et, de plus, blasphématoires au regard des principes et des enseignements de l'islam, qui interdit de tels actes en toutes circonstances. Toutes les questions concernant les différentes convictions religieuses sont étudiées et réglées par des contacts directs et par un dialogue entre les dirigeants des groupes chrétiens concernés et les autorités. Il suffit de mentionner les contacts que des responsables musulmans et chrétiens ont eu l'occasion de tenir au plus haut niveau, dans un esprit d'amitié et de coopération.

5. S'agissant de l'enseignement du Coran aux groupes de populations vivant dans le sud et dans les monts Nuba, nous tenons à signaler que l'on tient de sources dignes de foi que ces montagnes sont peuplées en grande partie de musulmans et que tous les efforts déployés dans le passé par des missionnaires pour convertir de force ces populations au christianisme ont échoué. Dans les Etats du sud, 18 % de la population est musulmane et 17 %, chrétienne, le reste pratique la religion de ses ancêtres. L'éducation coranique est dispensée, dans ce cas, à la population musulmane qui avait été privée de ce privilège du temps de la domination étrangère.

6. Le Rapporteur spécial est invité à bien vouloir tenir compte de ces faits dans ses rapports futurs pour que ces derniers aient la crédibilité et l'objectivité voulues."

77. Le Rapporteur spécial voudrait préciser à l'intention du Gouvernement soudanais qu'il n'entend ni reproduire des accusations, ni se faire l'écho d'une quelconque attitude. Sa mission consiste, notamment, à examiner les incidents et les décisions gouvernementales signalés dans toutes les régions du monde qui sont incompatibles avec les dispositions de la Déclaration de 1981 et à recommander les mesures à prendre, le cas échéant, pour y remédier.

Les allégations qu'il fait parvenir aux gouvernements sont formulées au conditionnel et établies à partir de sources multiples et diversifiées. C'est parce qu'il en est ainsi qu'il demande aux gouvernements de l'éclairer par leurs vues et observations sur les allégations qui leur sont soumises. Le Gouvernement soudanais est, en conséquence, prié de bien vouloir formuler ce qu'il estime utile compte tenu de ce qui est soumis à son examen, y compris les faits et cas précis. Le Rapporteur spécial entend faire preuve de patience, de pondération, mais aussi de détermination en vue de contribuer, grâce au concours des parties concernées, à l'application et au respect de l'ensemble des dispositions de la Déclaration de 1981.

République arabe syrienne

78. Dans une communication datée du 31 août 1993 adressée au Gouvernement syrien, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"D'après les informations reçues, et contrairement aux directives ordonnées en avril 1992 par les autorités, les membres de la communauté juive syrienne subiraient toujours des restrictions de voyage pour se rendre à l'étranger. Certaines familles juives auraient obtenu des passeports, tandis que d'autres en auraient été privées sans motif apparent. Par ailleurs, les membres de la communauté juive seraient toujours tenus d'obtenir une autorisation de voyage préalable auprès de la police secrète 'Muhkabarat'. Depuis octobre 1992, les autorités auraient même cessé de leur délivrer des permis de voyage."

Viet Nam

79. Dans une communication datée du 10 août 1992 qu'il a adressée au Gouvernement vietnamien, le Rapporteur spécial a transmis à ce dernier les informations suivantes (E/CN.4/1993/62, par. 68) :

"Selon les informations reçues, au Viet Nam la pratique de la religion est soumise à de sévères restrictions. Les prêtres ou ministres du culte ne pourraient pratiquer ouvertement leur religion que lorsque le gouvernement a approuvé l'ordination et l'inscription dans les séminaires. Les restrictions à l'exercice des libertés religieuses auraient affecté la célébration des services religieux, l'organisation de réunions et de retraites religieuses, l'éducation religieuse et la publication d'ouvrages religieux. Les sermons seraient soumis à l'approbation du gouvernement et toute forme de prosélytisme serait interdite. Le gouvernement aurait tenté d'unifier les groupes religieux en créant des associations religieuses patronnées par l'Etat telles que le Comité pour la solidarité des catholiques vietnamiens patriotes, l'Union des prêtres patriotes, l'Association protestante et l'Eglise bouddhiste vietnamienne, seule organisation bouddhiste officiellement reconnue.

Un nombre croissant de membres du clergé et d'activistes religieux auraient été emprisonnés depuis 1989 en raison de leurs convictions religieuses. Le gouvernement aurait mené une campagne particulièrement intensive contre les chefs religieux entre avril et septembre 1990.

Un nouveau décret sur la réglementation des activités religieuses promulgué en mai 1991 stipulerait que toutes les nominations à des fonctions religieuses, les voyages à l'étranger de membres du clergé vietnamien et les voyages au Viet Nam de représentants d'organisations religieuses étrangères doivent être approuvés par le gouvernement. Le même décret s'appliquerait à l'organisation de réunions religieuses telles que les conférences régionales et nationales et à l'ouverture d'écoles et de séminaires religieux. Les prêtres catholiques, les religieuses et les laïcs pourraient être affectés par les autorités à des fonctions et à des charges religieuses au niveau local sans consultation préalable avec la hiérarchie ecclésiastique catholique romaine.

En outre, le Rapporteur spécial a été informé que de nombreux ecclésiastiques de diverses confessions avaient été emprisonnés depuis 1975. Ce serait en particulier le cas de prêtres catholiques et de moines bouddhistes, ainsi que de pasteurs protestants, qui auraient été persécutés systématiquement et auraient été détenus arbitrairement pendant de longues périodes comme prisonniers politiques dans des camps de rééducation et de travail. Des aumôniers militaires auraient également été envoyés dans ces camps après 1975, époque à laquelle tous les missionnaires étrangers ont été expulsés du pays, de nombreux lieux de culte et de nombreuses maisons d'édition de publications religieuses ont été fermées et les biens religieux confisqués. Un grand nombre d'écoles, de séminaires, d'hôpitaux et d'orphelinats religieux auraient également été fermés ou nationalisés, comme cela a été le cas pour le séminaire évangélique Nha Trang.

On pense qu'il existait au moins 40 camps de rééducation et de travail au début de 1990 et qu'au moins 60 prisonniers d'opinion sont détenus au Viet Nam en raison de leurs convictions religieuses. Les conditions qui règnent dans ces camps ont été décrites comme extrêmement dures, les détenus étant soumis aux travaux forcés, à la torture et à des traitements inhumains, souffrant de malnutrition et de maladies à cause de l'insuffisance de la nourriture et étant soumis à de longues séances d'endoctrinement. Ainsi, le moine bouddhiste Yoshida Ganshin aurait perdu l'usage de ses jambes après 13 ans d'incarcération dans un camp de rééducation où il a été soumis à la torture par décharges électriques.

Il a en outre été allégué que les prisonniers qui sont malades et incapables de travailler n'ont pas droit à des rations alimentaires normales du fait que leur capacité de travail est diminuée. Les personnes handicapées dont la capacité de travail est diminuée seraient également forcées de manger moins. Par exemple, elles n'auraient droit qu'à 12 kg de riz par mois au lieu de la ration de subsistance de 15 kg de riz que recevraient la plupart des prisonniers. Il a également été allégué que de nombreux prisonniers n'étaient pas autorisés à recevoir des colis de vivres de leurs familles.

Selon les mêmes sources, les prisonniers d'opinion sont dans certains cas mêlés avec les criminels de droit commun. Dans de nombreux cas, les prisonniers n'auraient pas accès à des médecins ou à des médicaments et seraient forcés de recourir à l'emploi de remèdes traditionnels tels que herbes et racines, quand ils peuvent s'en procurer. Du fait de cet état de choses, le taux de décès des détenus serait de 10 à 15 % par an.

Selon les informations reçues, de nombreux prêtres et fidèles, ainsi que des personnes accusées d'avoir critiqué la hiérarchie ecclésiastique et le gouvernement, seraient actuellement victimes d'une sorte d'internement administratif sans avoir fait l'objet d'un procès ou d'une condamnation dans les formes. La majorité de ces personnes seraient détenues dans des camps de travail et de rééducation. La situation d'un certain nombre de ces personnes a été résumée comme suit :

Cas concernant des membres du clergé et des fidèles de l'Eglise protestante

Le révérend Tran Dinh Ai, chef d'un mouvement protestant du sud du Viet Nam, a été arrêté le 27 février 1991, soi-disant à cause de ses contacts avec l'Eglise pentecôtiste d'outre-mer. Le révérend Ai aurait été condamné à trois ans d'internement administratif, sans avoir été jugé ou condamné. Il aurait été à l'origine détenu dans la prison de Phan-Dinh-Luu à Hô Chi Minh-Ville et n'aurait pas été autorisé à recevoir de visite de membres de sa famille pendant quatre mois. En novembre, il aurait été transféré dans un camp de travail dans la province de Song Be et il souffrirait de violents maux de tête, de douleurs dorsales et d'une infection du foie.

Le pasteur R Mah Boi, jeune dirigeant chrétien des districts montagneux de Chu Pa, Gia Lai, et Kontum, appartient à la minorité Jerai. Il a été arrêté en août 1989 au motif qu'il aurait organisé un groupe de travail d'environ  200 membres chrétiens de la tribu pour aider deux notables tribaux à qui des agents du gouvernement avaient ordonné de moissonner une grande rizière lorsqu'ils les avaient surpris en train de tenir des réunions religieuses dans des locaux privés. Le pasteur Boi aurait été arrêté et emprisonné sur la base du décret administratif No 135. Il n'aurait pas été officiellement jugé ni condamné dans les formes et serait arbitrairement détenu au camp A-20 à Dong Xuan, dans la province de Phu Yen.

Le pasteur Vo Minh Hung, ministre du culte de Pleiku, aurait été arrêté pour la troisième fois en décembre 1989 lors d'une réunion religieuse privée chez lui. Il aurait été arrêté pour la première fois pendant une semaine et la deuxième fois pendant trois mois (les sept premiers jours auraient été consacrés à des interrogatoires et à la rééducation). On croit savoir que le pasteur Hung, qui n'a pas été jugé ou condamné dans les formes, est gardé en internement administratif au camp de travail de rééducation A-20 à Dong Xuan, dans la province de Phu Yen.

Le pasteur Rmah Loan, ministre du culte appartenant à la minorité Mnong, s'occupait de 14 congrégations religieuses dans la région de Darlac. Il a été arrêté en juin 1991 pour des raisons inconnues et on pense qu'il est détenu en internement administratif dans une prison de Banmethuot, dans la province de Darlac, et il n'aurait été ni jugé ni condamné.

Le pasteur Tran The Thien Phuoc, chef d'une église protestante de Hô Chi Minh-Ville, a été arrêté en novembre 1989 alors qu'il se rendait à une réunion avec d'autres chrétiens, et il aurait été accusé de 'troubler la paix'. Il vivait à Cay Truong II, Ben Cat, province de Song Be. Le pasteur Phuoc serait détenu dans un camp de rééducation/travail pour la troisième fois, et purgerait une peine d'internement administratif de trois ans dans un camp près de Tong Le Chan, dans la province de Song Be, bien qu'il n'ait jamais été jugé ou condamné dans les formes.

Le pasteur Ya Tiem, ministre du culte appartenant à la minorité Koho des hautes terres, a été arrêté en juin 1991 pour des raisons inconnues. On croit savoir qu'il est en internement administratif dans une prison de Dalat, dans la province de Lam Dong, bien qu'il n'ait pas été, semble-t-il, jugé ou condamné.

Le révérend Dinh Thien Tu, ministre du plus grand mouvement protestant indépendant du Viet Nam qui compterait plusieurs dizaines de milliers de fidèles, a été arrêté le 22 février 1991 à Hô Chi Minh-Ville, peu après midi, soi-disant parce qu'il gérait un programme de travail social sans l'approbation du gouvernement et parce qu'il aurait eu des contacts non autorisés avec des groupes chrétiens étrangers. Le mandat d'arrêt, présenté à sa femme dans l'après-midi, l'accusait, paraît-il, d''utiliser la religion comme prétexte pour troubler la paix'. Son domicile a été perquisitionné et des documents ont été confisqués. Il serait sous le coup d'une condamnation à trois ans d'internement administratif, bien qu'il n'ait pas été jugé ou condamné dans les formes. Selon les informations reçues, le révérend Tu a d'abord été détenu à la prison Phan-Dinh-Luu à Gia Dinh, à Hô Chi Minh-Ville, et n'a pas été autorisé à recevoir de visite de membres de sa famille pendant quatre mois. On pense qu'à la fin de novembre 1991, il a été transféré dans un camp de travail de la province de Song Be. Le révérend Tu, qui a été accusé d''enseigner de fausses théories et de ne pas observer les règles et règlements de l'Eglise', aurait été suspendu de ses fonctions religieuses et expulsé du presbytère.

Le pasteur Tran Xuan Tu, ministre du culte de Vo Dat, dans le district de The Duc Linh de la province de Thuan Hai, aurait été forcé d'enlever la croix de son église qui aurait été par la suite occupée par les autorités. Il a été d'abord arrêté en 1985 pendant une réunion religieuse qui se tenait chez lui, et aurait purgé une peine d'internement administratif de trois ans dans un camp de rééducation de travail à Vo Dat. En 1988, il aurait été condamné à une autre peine d'internement administratif de trois ans au même camp de Vo Dat.

Ha Hak, ministre du culte appartenant à la minorité Koho des hautes terres, aurait été emprisonné en décembre 1991.

Tran Mai, chef d'une église protestante du sud du Viet Nam, âgé d'environ 35 ans, a été arrêté à Hô Chi Minh-Ville le 31 octobre 1991. Il aurait été accusé d'utiliser les activités religieuses pour combattre le gouvernement. Il purgerait une peine d'internement administratif de trois ans dans un camp de travail à Tong Le Chan, dans la province de Song Be. Selon les mêmes sources, il n'a pas été jugé ou condamné dans les formes.

Ha Wan, ministre du culte appartenant à la minorité Koho, serait détenu dans une prison de la province de Dam Dong depuis décembre 1991.

Le révérend Nguyen Ngoc Anh est détenu depuis décembre 1989; il n'aurait pas été jugé ou condamné dans les formes. Il aurait été roué de coups à plusieurs reprises.

Le révérend Dang Van Sung, qui était missionnaire auprès de la minorité tribale Xtieng, serait emprisonné depuis 1975 dans le district de Phuoc Long. On n'a reçu aucune nouvelle de lui depuis son arrestation.

Le pasteur Nguyen Chu et le pasteur A Vot auraient été arrêtés entre 1989 et 1990 et seraient détenus sans procès.

Les pasteurs Phan Quang Thieu, Le Quang Trung, Vu Minx Xuan et Hoang Van Phung auraient été arrêtés en 1991 à Hô Chi Minh-Ville et dans les hautes terres du centre, et auraient été accusés entre autres, 'd'exercer des activités religieuses sans autorisation'; ils seraient détenus en vertu d'un décret administratif du Comité du peuple.

Le pasteur Ai Nguyen aurait également été arrêté pour avoir prêché sans autorisation et il aurait été condamné à neuf ans de détention dans un camp de travail.

M. Minh et M. Son, notables chrétiens, avaient organisé des réunions pour les membres de l'église Than My qui avait été fermée. Selon les informations reçues, ils ont été arrêtés en avril 1990 à Don Duong, près de Dalat.

M. Y De et M. Y Thang sont détenus depuis 1989, en raison, dit-on, de leurs activités religieuses.

Vingt-quatre chrétiens de la tribu Jeh sont emprisonnés depuis le début de 1990 à Dak Lay, dans la province de Gia Lai.

Le révérend Vo Xuan, chef d'une église protestante du sud du Viet Nam, aurait été emmené en prison le 4 décembre 1989 pour avoir tenu une réunion avec d'autres chrétiens et a été accusé de @troubler la paix'. Peu avant son arrestation, il aurait baptisé plusieurs personnes. Le révérend Xuan aurait refusé de signer de faux aveux et a été détenu en internement administratif dans une prison de sécurité de la province de Thuan Hai, sans être autorisé à recevoir de visite de membres de sa famille pendant quatre mois, jusqu'en avril 1990. Il n'aurait pas été jugé ou condamné dans les formes et il a été libéré en décembre 1991. Selon les mêmes sources, le révérend Xuan avait précédemment passé 13 ans dans un camp de rééducation, jusqu'en avril 1987, parce qu'il était aumônier militaire dans l'armée sud-vietnamienne.

Phu Anh, âgé de 40 ans, a été arrêté au début d'août 1991 à Hue; il aurait été accusé de distribuer des bibles et d'autres ouvrages religieux de contrebande. Il aurait été détenu en internement administratif à Danang et aurait été libéré le 20 novembre. On pense qu'il est toujours l'objet d'enquêtes de la police.

Vo Van Lac, chef d'une église protestante du sud du Viet Nam, aurait été mis en garde à vue en juin 1991 et interrogé au sujet de ses relations avec des organisations chrétiennes étrangères. Il a été libéré en juillet 1991 et on pense qu'il est toujours sous la surveillance de la police.

Bui Thanh Se, chef d'une église protestante du sud du Viet Nam, a été arrêté à la fin de juin 1991, parce qu'il aurait été soupçonné d'avoir des liens avec des organisations chrétiennes étrangères. Il a été libéré en juillet, mais il serait @étroitement surveillé par la police'.

Cas concernant des membres du clergé et des fidèles de l'Eglise catholique romaine

Tran Ba Loc serait détenu dans un camp de rééducation à Nhu Xuan, Thanh Hoa, depuis 1975, sans avoir été jugé ou condamné dans les formes. On croit qu'il était aumônier militaire dans l'armée sud-vietnamienne.

Nguyen Khac Nghieu a été arrêté en 1975 et serait détenu au camp de rééducation 80A, TD63/TP à Nhu Xuan, dans la province de Thanh Hoa. Il n'aurait pas été jugé et condamné dans les formes.

Nguyen Thai Sanh, ancien aumônier militaire, a été arrêté en 1975 et on pense qu'il est détenu dans un camp de rééducation dans la province de Thanh Hoa. Il n'aurait pas été jugé ou condamné dans les formes.

(Thadeus) Nguyen Van Ly, âgé de 45 ans, est l'ancien prêtre de la paroisse de Doc So, près de Hue. Il aurait été arrêté en 1983 et jugé par le Tribunal populaire de Hue pour @s'être opposé à la révolution et avoir tenté de détruire l'unité du peuple'. Il aurait été condamné à dix ans de prison et il est actuellement détenu à la prison @Trois étoiles' dans la province de Ha Nam Ninh.

Nguyen Khac Chinh, avocat, âgé de 69 ans, appartenait à un groupe d'intellectuels catholiques du Viet Nam du Sud avant 1975. Il aurait été arrêté le 27 décembre 1975 et il est toujours emprisonné à Trai Cai Tao Xuan Phuoc, Khu E, Doi 17A, Hom Tru, dans la province de Phu Khanh. Il n'aurait jamais été jugé ou condamné dans les formes.

Les moines et prêtres catholiques romains dont les noms suivent seraient toujours emprisonnés :

- Pham Ngoc Chi (Hiep)
- Paul Nguyen Chau Dat
- Luke Vo Son Ha
- Boniface Hong Thien Gian (Thinh)
- Mark Tran Khac Kinh
- John B Pham Ngoc Lien (Tri)
- John E Mai Huu Nghi
- Bernard Nguyen Thien Phung
- Michael Nguyen Minh Quan
- Quoc (Ban)
- Hilary Do Tri Tam (Thuyen)
- Thadeus Dinh Tri Thuc (Hieu)
- Stephen Chan Tin
- Dominic Tran Dinh Thu
- John Doan Phu Xuan
- Pius Vu Thanh Hai (Dat)
- Nguyen Ngoc Lan (ancien prêtre).

Le père Nguyen Van De et la soeur Nguyen Thi Nhi auraient été arrêtés en août 1990 avec neuf autres leaders catholiques et accusés de @répandre une propagande visant à donner une fausse image de la politique religieuse du Viet Nam'. Ils auraient été condamnés à des peines allant de deux à dix ans de prison.

La soeur Tran Thbi Tri serait également détenue en raison de ses convictions religieuses.

Cas concernant des moines bouddhistes

Les moines bouddhistes dont les noms suivent auraient été emprisonnés, entre autres, pour s'être livrés à des @activités visant à renverser le gouvernement populaire'. La plupart d'entre eux seraient détenus dans des camps de rééducation dans les provinces de Phu Khanh, Dong Nai et Thuan Hai :

- Thich Quang Do
- Thich Nguyen Giac
- Thich Duc Nhuan
- Thich Huyen Quang
- Thich Tri Sieu
- Thich Tue Sy
- Thich Thien Tan
- Thich Phuc Vien.

Cas concernant des membres des sectes Cao Dai et Hoa Hao

Selon les informations reçues, 3 500 membres de la secte religieuse vietnamienne autochtone Cao Dai ont été arrêtés dans la province de Tay Ninh en juin 1990 et accusés d'avoir 'donné asile à des membres des forces réactionnaires et contre-révolutionnaires'. Mille autres adeptes de la secte Cao Dai auraient été arrêtés dans la même province deux mois plus tard. Il a également été allégué que des membres de la secte autochtone Hoa Hao ont également été persécutés."

80. Le 7 décembre 1993, la Mission permanente de la République socialiste du Viet Nam auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a transmis au Rapporteur spécial une réponse du Ministère des affaires étrangères sur les allégations ci-dessus :

"1. Les personnes mentionnées ci-dessous ont été libérées au cours des années :

Tran Dinh Ai Phu Anh
R'Mah Boi Nguyen Van Ly
Vo Minh Hung Nguyen Khac Chinh
Rmah Loan Pham Ngoc Chi
Tran The Thien Phuoc Hong Thien Gian
Ya Tiem Pham Ngoc Lien
Dinh Thien Tu Do Tri Tam
Ha Hak Dinh Tri Thuc
Tran Mai Tran Dinh Thu
Ha Wan Nguyen Ngoc Lan
Nguyen Ngoc Anh Thich Quang Do
Dang Van Sung Thich Duc Nhuan
Vu Minh Xuan Thich Huyen Quang
Thich Thien Tan

2. Nguyen Chu n'a jamais été arrêté ou détenu.

3. En ce qui concerne les autres personnes mentionnées dans les listes, leurs cas sont sous considération et seront transmis dès que possible.

Sous le régime actuel au Viet Nam, la liberté de conviction et de religion a toujours été garantie et même renforcée par des législations et des plans d'Etat. A ce sujet, je vous suggère de vous référer à la note No 407/TCQT-NG du 1er décembre 1993 adressée au Secrétariat des Nations Unies (Centre pour les droits de l'homme)."

81. Dans une communication datée du 3 décembre 1993, adressée au Gouvernement vietnamien, le Rapporteur spécial a transmis les informations suivantes :

"Selon les informations qui sont parvenues au Rapporteur spécial, la politique de répression des autorités vietnamiennes à l'encontre des diverses religions pratiquées au Viet Nam se poursuivrait.

Durant la période 1975-1989, les dirigeants des principales Eglises représentées dans le pays, à savoir l'Eglise bouddhiste unifiée du Viet Nam (représentant environ 80 % de la population de 70 millions de Vietnamiens), l'Eglise bouddhiste hoa hao (un million de fidèles), l'Eglise caodaïste (un million d'adeptes), l'Eglise catholique (environ un million de fidèles), et l'Eglise protestante (entre 200 000 et 300 000 fidèles), auraient fait l'objet de mesures administratives ou d'arrestations visant à les isoler de leurs fidèles et à restreindre leur liberté de mouvement. Les autorités vietnamiennes auraient confisqué les biens et propriétés des Eglises et stoppé de nombreuses activités dans le domaine culturel ou social, ainsi qu'en matière de santé. Elles auraient également institué des Eglises d'Etat ou des comités patriotiques, parallèlement aux Eglises existantes, en les dotant de privilèges et de pouvoirs spéciaux. Par la suite, des réseaux de police formés à cet effet auraient reçu pour tâche de s'infiltrer dans les rouages institutionnels des Eglises.

Quelque 200 fonctionnaires de la sécurité, formés en Tchécoslovaquie aux 'affaires religieuses', auraient été ensuite placés en divers lieux du pays pour mettre en oeuvre un programme de neutralisation des établissements religieux. Les temples bouddhistes, les églises, ainsi que les monastères auraient été soumis à une inspection permanente. C'est aussi à cette époque qu'une tentative par les autorités de créer une deuxième Eglise catholique indépendante du Vatican aurait échoué.

Suite à la désintégration des régimes en place dans les divers pays d'Europe de l'Est, après 1989, le Gouvernement vietnamien aurait pris des mesures plus sévères pour renforcer son contrôle sur les Eglises, au Viet Nam, et empêcher l'émergence d'un mouvement populaire s'appuyant sur des fondements religieux. C'est à cette fin qu'aurait été promulgué un nouveau décret par les autorités, le 23 mars 1991, établissant un contrôle encore plus strict sur les activités religieuses des Eglises et de leurs fidèles. Dans bien des cas, alors même que le Gouvernement vietnamien s'efforcerait d'instaurer des relations avec d'autres gouvernements occidentaux, il aurait durement pénalisé ceux des chrétiens évangéliques qui avaient entretenu des liens avec des Eglises et des groupes religieux en Occident, ou reçu une aide financière de leur part. L'attitude des autorités en la matière aurait contribué à l'essor du mouvement des églises de maison au Viet Nam.

Plus récemment, selon les renseignements reçus, la torture et d'autres formes de traitement inhumain seraient fréquemment utilisées contre des personnes emprisonnées pour leurs convictions religieuses, notamment dans les camps de rééducation par le travail. On assisterait à une prolongation arbitraire des peines prononcées à l'encontre de personnes, ayant pourtant mené à terme leur détention. De plus, bien que les droits des prisonniers soient protégés par le Code de procédure criminelle de 1989, les autorités continueraient d'avoir recours à des procédures anciennes, leur permettant de prolonger indéfiniment la détention de personnes, au secret, sans charges ni procès. Au moins une quinzaine de chrétiens appartenant à l'Eglise évangélique seraient concernés par ces mesures.

En ce qui concerne l'Eglise bouddhiste unifiée du Viet Nam, les autorités auraient ordonné la fermeture ou la confiscation des centres d'études, écoles, et monastères suivants :

- Les locaux du Conseil exécutif central;

- L'Université de Van Hanh;

- L'Ecole de la jeunesse pour les Services sociaux;

- L'Institut Hai Duc pour les hautes études du bouddhisme, à Nha Trang;

- L'Institut Hue Nghiem pour les hautes études du bouddhisme, à Hô Chi Minh-Ville;

- Les monastères de Nguyen Thieu, à Binh Dinh, et de Nguyen Huong, à Hô Chi Minh-Ville;

- La totalité des établissements dépendant de l'Institut des études bouddhistes dans le pays, à l'échelon primaire et secondaire, des orphelinats et des centres de soins pour enfants, de même que l'ensemble des écoles primaires et secondaires rattachées au système Bo De.

De nombreux lieux sacrés de culte et des statues de Bouddha sur les places publiques auraient subi des actes de vandalisme, sur ordre des autorités. Parmi les 10 000 pagodes témoignant des deux mille ans de présence bouddhiste au Viet Nam, seules quelques centaines d'entre elles seraient encore debout. De nombreux livres religieux et autres objets précieux auraient disparu. Les autorités auraient également gelé les avoirs financiers de l'Eglise bouddhiste unifiée et interdit la publication de l'ensemble de ses magazines et autres journaux.

Parmi les moines bouddhistes persécutés pour leurs convictions religieuses se trouveraient notamment :

- Vén. Thich Tri Tuu, supérieur de la pagode de Linh Mu, arrêté le 5 juin 1993 et condamné le 15 novembre 1993, lors d'un procès à huis clos à quatre ans de prison;

- Vén. Thich Hai Tinh, arrêté le 5 juin 1993 et condamné à trois ans de prison, lors d'un procès à huis clos;

- Vén. Thich Hai Tang, arrêté le 5 juin 1993 et condamné à quatre ans de prison, lors d'un procès à huis clos;

- Vén. Thich Nhat Lien, arrêté en décembre 1992 et interrogé par la police de sécurité durant neuf jours. Serait assigné à résidence à la pagode de Long Tho, Xuan Loc, province de Dong Nai;

- Vén. Thich Khong Tanh, arrêté le 2 octobre 1992, à Hô Chi Minh-Ville, pour 'avoir quitté sa pagode sans autorisation';

- Vén. Thich Tri Luc, arrêté le 2 octobre 1992, à Hô Chi Minh-Ville, pour avoir fait circuler un document protestant notamment contre les efforts du gouvernement cherchant à supprimer l'Eglise bouddhiste unifiée;

- Vén. Thich Nhat Thuong, arrêté le 15 septembre 1992;

- Vén. Thich Tue Sy, érudit bouddhiste travaillant à une encyclopédie sur le bouddhisme au moment de son arrestation, en mars ou avril 1984, avec une dizaine de membres du clergé bouddhiste des pagodes de Gia Lam et Vanh Hanh. Condamné en septembre 1988 à la peine de mort, peine qui aurait été commuée à 20 ans de prison. Serait présentement détenu au camp A 20, à Xuan Phuoc, district de Tuy Hao, province de Phu Khan;

- Vén. Thich Tri Sieu, érudit bouddhiste, également arrêté en mars ou avril 1984, alors qu'il travaillait avec Thich Tue Sy à l'encyclopédie précitée. Condamné à la peine de mort en 1988, puis à 20 ans de prison. Serait détenu au camp de rééducation Z 30 A ou K 4, district de Xuan Loc, province de Dong Nai;

- Vén. Thich Quang Do, dirigeant de l'Eglise bouddhiste unifiée. Depuis son arrestation, en février 1982, n'aurait jamais été jugé ou condamné. Serait depuis lors assigné à résidence dans son village de Vu Thu Vu Doai, province de Thai Binh;

- Vén. Thich Huyen Quang, dirigeant de l'Eglise bouddhiste unifiée. Après son arrestation en février 1982 pour avoir critiqué les tentatives des autorités visant à supprimer le bouddhisme, il aurait été assigné à résidence dans son village natal de Quang Nghia, province de Nghia Binh;

- Vén. Thich Phuc Vien, moine bouddhiste du temple de Chau Lam, à Hue. Aurait été arrêté en juin 1980, jugé trois mois plus tard et condamné à 20 ans d'emprisonnement. Serait détenu au camp de rééducation A 20, à Xuan Phuoc, province de Phu Khanh;

- Vén. Thich Thien Tan, moine bouddhiste arrêté en août 1978 et condamné en mars 1980 à l'emprisonnement à vie. Détenu au camp de rééducation A 20, à Xuan Phuoc, province de Phu Khanh;

- Vén. Thich Minh Su, condamné à 20 ans d'emprisonnement et détenu au camp Z 30 A, à Xuan Loc, province de Dong Nai;

- Vén. Thich Tri Giac, condamné à 20 ans d'emprisonnement et détenu au camp Z 30 A, à Xuan Loc, province de Dong Nai;

- Vén. Thich Tam Can, condamné à 20 ans d'emprisonnement et détenu au camp A 20, Xuan Phuoc, province de Phu Yen.

L'Eglise bouddhiste hoa hao aurait également souffert de nombreuses persécutions. Les autorités vietnamiennes auraient confisqué tous ses biens et propriétés, à savoir : son bureau central au village de Hoa Hao, dans la province de Chau Doc; son monastère et son temple bouddhiste; le centre pour la propagation de la foi; 4 168 auditoriums, 452 centres de réunion, 2 876 bureaux à l'échelon provincial, de district et de village. Tous ces locaux auraient été convertis en bureaux pour l'administration et n'auraient jamais été rendus à l'Eglise bouddhiste hoa hao.

Les autorités auraient également empêché 36 500 responsables à tous les niveaux, y compris 2 700 cadres chargés de la propagation de la foi et 6 000 enseignants religieux, de poursuivre leurs activités religieuses. Ces personnes seraient placées sous étroite surveillance après avoir purgé leur peine dans des camps de rééducation.

Les cérémonies religieuses auraient été interdites dans les temples et les centres de réunion. Les livres religieux auraient été soit confisqués soit détruits, de même que les autels dans les lieux de culte.

Plusieurs notables et fidèles auraient été condamnés à mort, en particulier : Nguyen Van Phung, Nguyen De, Huyn Van Lau, Nguyen Van Bao, Nguyen Van Khiet, Nguyen Van Oanh, Le Chon Tinh, Nguyen Van Coi, Nguyen Van Ba, Nguyen Van Ut, To Ba Ho, et Nguyen Thanh Long.

Certains notables seraient toujours emprisonnés et quatre d'entre eux purgeraient une peine de prison à vie. Il s'agirait de Nguyen Van Dau, Nguyen Van Hung, Nguyen Van Tren, et Nguyen Van Dung. Plus récemment, un autre notable âgé de 70 ans, Tran Huu Duyen, après avoir passé plusieurs années dans un camp de rééducation, aurait été à nouveau arrêté et condamné à dix ans de prison, après avoir déjà passé plusieurs années dans un camp de rééducation.

La répression de l'Eglise caodaiste aurait été particulièrement dure, puisqu'elle aurait abouti, entre 1975 et 1990, à la mainmise complète des autorités sur l'ensemble de ses biens et de ses institutions religieuses, qu'il s'agisse de ses centres religieux, culturels et sociaux ou de ses écoles.

En ce qui concerne l'Eglise catholique, certains progrès auraient été réalisés dans les relations entre le Gouvernement vietnamien et le Vatican. En 1991, les autorités auraient autorisé la première ordination d'un évêque catholique, depuis 1975. Plus récemment, en mars 1993, lors d'une réunion avec la Conférence des évêques vietnamiens, le Comité d'Etat des affaires religieuses se serait déclaré prêt à envisager un allègement des restrictions pesant sur le sacerdoce des prêtres libérés des camps de rééducation, la possibilité pour eux d'étudier à l'étranger ou de retrouver leurs droits civiques, une fois revenus au pays de l'étranger. Une Commission nationale catholique de migration aurait aussi été créée pour faciliter le retour des réfugiés vietnamiens dans leur patrie.

Malgré ces développements, 24 membres du clergé catholique seraient toujours emprisonnés pour leurs convictions religieuses. Il s'agirait de :

- Frère Tran Van Hien, membre de la Congrégation de la Mère Corédemptrice, arrêté en octobre 1992 à Bien Hoa et détenu depuis lors en cet endroit, sans charges;

- Soeur Tran Thi Tri, arrêtée avec deux prêtres catholiques à une date inconnue et condamnée en 1987 à cinq ans de prison;

- Frère Nguyen Van De, arrêté en octobre 1987, à My Tho, province de Tien Giang, après avoir traduit et distribué de la littérature spirituelle venant de l'étranger. Soeur Nguyen Thi Ni et neuf autres catholiques auraient été arrêtés avec lui. Jugé les 15 et 16 août 1990, il aurait été condamné à dix ans de prison, puis assigné à résidence peu après novembre 1992, au séminaire de My Tho, province de Tien Giang;

- Soeur Nguyen Thi Ni, arrêtée en octobre 1987 et jugée en août 1990;

- Frère Paul Nguyen Chau Dat et Révérend John B. Pham Ngoc Lien, tous deux membres de la Congrégation de la Mère Corédemptrice, arrêtés le 15 mai 1987 et condamnés le 30 octobre 1987 à 20 ans de prison. Seraient détenus à Long Khanh Camp, province de Dong Nai;

- Révérend John Doan Phu Xuan, membre de la Congrégation de la Mère Corédemptrice, arrêté le 15 mai 1987 et condamné le 30 octobre 1987 à dix ans d'emprisonnement;

- Frère Michel Nguyen Minh Quan, membre de la Congrégation de la Mère Corédemptrice, arrêté le 15 mai 1987, jugé le 30 octobre 1987 et détenu depuis au camp de Long Khanh, dans la province de Dong Nai;

- Frère Luc Vu Son Ha, Frère Marc Tran Khac Kinh, Révérend Hilry Do Tri Tam, Frère Pius Vu Than Hai, Frère Pham Ngoc Chi, et Frère Bernard Nguyen Thien Phung, tous membres de la Congrégation de la Mère Corédemptrice, arrêtés le 15 mai 1987 et condamnés le 30 octobre 1987 respectivement à 7 ans, 15 ans, 12 ans, 10 ans, 7 ans et 20 de prison. Seraient détenus au camp de Long Khanh, province de Dong Nai;

- Révérend Thadeus Dinh Tri Thuc et Frère Jean E. Mai Huu Nghi, tous deux membres de la Congrégation de la Mère Corédemptrice, arrêtés le 15 mai 1987 et condamnés le 30 octobre 1987 respectivement à 14 et 18 ans de prison. Seraient détenus au camp de Tuy Hoa, à Nha Tran;

- Frère Dominique Ngo Quang Tuyen, arrêté en octobre 1982 et condamné en juin 1986 à deux peines de prison totalisant 25 ans, commuées plus tard à 18 ans. Serait détenu à Xuan Loc, province de Dong Nai;

- Frère Joseph Nguyen Cong Doan, jésuite arrêté en décembre 198O avec neuf autres prêtres jésuites, au moment où les autorités auraient fermé le Centre jésuite Dac-Lo. Condamné les 29-30 juin 1983 à 12 ans d'emprisonnement, il aurait été détenu au camp Z 30 A, à Xuan Loc, province de Dong Nai, avant d'être probablement libéré en janvier 1990. Serait empêché de célébrer la messe;

- Frère Tran Huu Thanh, arrêté le 15 février 1976. Aurait été détenu sans charges ni procès et torturé durant deux mois au poste de police de Hô Chi Minh-Ville. Transféré à la prison de Chi Hoa, puis après une année, à Hanoi, pour subir de la rééducation. Serait actuellement assigné à résidence dans la paroisse nord de Hai Duong;

- Ly Van Dinh, Vang Seo Sang et Sung Khai Pha, tous prédicateurs de la communauté Hmong dans la province de Ha Giang, probablement arrêtés au cours de 1992;

- Ngo Van An et Doan Thanh Liem, deux laïcs catholiques qui auraient adressé une lettre à l'archevêque de Hô Chi Minh-Ville. Probablement détenus depuis 1990.

Au sein de l'Eglise protestante et de sa tendance évangélique, l'essor des églises de maison aurait éveillé les soupçons des autorités, qui auraient procédé à plusieurs arrestations de pasteurs et chefs religieux. Il s'agirait en particulier des personnes suivantes :

- Tai Ba Nguyen, chef d'église de maison. Aurait été arrêté en 1992 et serait détenu à Hô Chi Minh-Ville;

- Pasteur R'mah Loan, membre de la tribu des Hmong et chef de 14 congrégations. Aurait été arrêté en juin 1991 et détenu sans procès en prison à Buon Me Thuot, province de Dak Lak;

- Révérend Phan Quang Thieu, chef d'église de maison à Hô Chi Minh-Ville et arrêté entre février et juin 1991. Serait un des chefs religieux en détention administrative pour 'activités d'évangélisation illégales';

- Le Quang Trung, chef d'église de maison dans une zone rurale du Sud-Viet Nam. Aurait été arrêté entre février et juin 1991 et placé en détention administrative pour 'activités d'évangélisation illégales';

- Vu Minx Xuan, également arrêté entre février et juin 1991 et placé en détention administrative pour 'activités d'évangélisation illégales';

- Hoang Van Phung, chef d'église de maison dans une zone rurale du Sud-Viet Nam. Arrêté entre février et juin 1991 et placé en détention administrative pour les mêmes raisons que ci-dessus;

- Pasteur Bui Than Se, chef d'église de maison de Hô Chi Minh-Ville. Placé en détention administrative entre février et juillet 1991; depuis lors demeurerait sous surveillance de la police;

- Pasteur A Uot, membre de la tribu Jerai et responsable religieux; aurait été probablement arrêté en juin 1990 pour 'activités d'évangélisation illégales', avant d'être condamné à trois ans d'emprisonnement. Serait détenu au camp de rééducation de Pleibong (T5), province de Gia Lai-Kon;

- Révérend Nguyen Chu, pasteur évangélique travaillant avec la minorité Jeh, dans la province de Gia Lai-Kon Tum. Aurait été arrêté le 15 avril ou le 13 mai 1990, alors qu'il prêchait dans la ville de Kontum, par six policiers armés de fusils et de matraques électriques. Aurait déjà subi plusieurs périodes de prison. Après sa libération, aurait été placé sous surveillance policière durant trois ans;

- Pasteur Ya Tiem, membre de la tribu Koho. Aurait été arrêté en 1990 et condamné sans procès à trois ans de prison, peut-être avec les deux autres pasteurs Ha Wan et Ha Hak. Serait emprisonné à Dalat, province de Lam Dang;

- Pasteur Ha Wan, membre de la tribu Koho, arrêté en 1989 ou 1990. Aurait été condamné à trois ans de prison pour 'activités d'évangélisation illégales' et détenu soit à Dalat soit au camp de travail de Tong Le Chan Kl;

- Pasteur Ha Hak, membre de la tribu Koho, arrêté en 1989 ou 1990 et condamné, peut-être avec les pasteurs Ha Wan et Ya Tiem, à trois ans d'emprisonnement pour 'activités d'évangélisation illégales'. Serait détenu à la prison de Dalat, province de Lam Dang;

- Pasteur R'mah Boi, membre de la tribu Jerai. Aurait été arrêté en 1989 à Chu Pa, province de Gia Lai-Kon Tum, pour avoir tenté de venir en aide, avec d'autres membres de sa tribu, à deux de leurs congénères punis de travail forcé pour avoir tenu une réunion d'église de maison. Serait détenu sans procès au camp A 20, à Dong Xuan, province de Phu Yen;

- Pasteur Pham Tu, de Binh Tuy. Aurait été arrêté en janvier 1987 pour avoir organisé des cultes à son domicile."

82. Le 7 décembre 1993, la Mission permanente de la République socialiste du Viet Nam auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a accusé réception de la communication susmentionnée qui a été transmise aux organes compétents du Viet Nam.

83. Le 31 décembre 1993, la Mission permanente de la République socialiste du Viet Nam auprès de l'Office des Nations Unies à Genève a transmis les renseignements suivants concernant la communication que lui avait envoyée le Rapporteur spécial le 3 décembre 1993 :

"1. Le Viet Nam est un pays de pluralisme religieux où environ 20 millions de personnes (près d'un tiers de la population) pratiquent plus de dix religions différentes. Au cours des milliers d'années qui ont marqué son histoire, il n'a jamais connu ni intolérance religieuse, ni discrimination ou conflit fondé sur la religion. L'Etat et le Parti communiste vietnamiens ont réaffirmé que l'appartenance religieuse était une nécessité spirituelle des croyants (rapport politique présenté au septième Congrès national du Parti communiste vietnamien en 1991. Se fondant sur la tradition d'union nationale du pays, le Gouvernement vietnamien applique une ferme politique d'unité entre croyants et non-croyants, dans le but d'encourager les Vietnamiens de toutes origines et de toutes religions vivant sur le territoire et à l'étranger à contribuer à l'édification d'une société vietnamienne forte, prospère et civilisée. Pour faire disparaître les préjugés et les sentiments d'infériorité existant parmi la population et résultant de 30 années de guerre, l'Etat vietnamien s'est engagé à lutter contre tous les partis pris dus au manque de tolérance et toutes les attitudes discriminatoires à l'égard des citoyens croyants (document susmentionné).

Sur le plan de la législation, les droits et les libertés en matière de religion sont garantis dans la Constitution vietnamienne, dont l'article 70 stipule : 'Les citoyens ont droit à la liberté de conviction et de religion et sont libres de pratiquer une religion ou de n'en pratiquer aucune. Toutes les religions sont égales devant la loi'. Pour faire appliquer concrètement les dispositions de la Constitution, le Gouvernement vietnamien a promulgué des textes applicables en la matière : circulaire No 234 (signée par le Président de la République le 14 juin 1955), résolution 297 (adoptée par le Conseil du gouvernement le 11 novembre 1977), décret No 69 (pris par le Conseil du gouvernement le 21 mars 1991) et circulaire No 379 (publiée récemment par le Premier Ministre du gouvernement). Concrètement, les croyants et les pratiquants, au Viet Nam, sont entièrement libres de pratiquer leur culte et de se livrer à des activités religieuses, sous réserve des dispositions de la loi. Le décret No 69 pris par le Conseil du gouvernement le 21 mars 1991 et la circulaire No 02 du 24 février 1993 régissant l'application de ce décret stipulent précisément : les lieux de culte sont protégés par l'Etat (art. 11); les confessions religieuses ont droit à leurs lieux de culte, peuvent disposer de livres de prières et d'autres articles nécessaires à la célébration du culte, ont leurs propres ministres du culte et peuvent imprimer et publier des livres de prières (art. 14) (de fait, pour la première fois dans l'histoire du bouddhisme au Viet Nam, le Sutra a été traduit en vietnamien et 11 de ses volumes ont été imprimés à l'usage des croyants); les confessions religieuses peuvent ouvrir des séminaires et des établissements de formation (art. 77).

Comme un grand nombre de visiteurs étrangers ont pu le constater, des milliers de fidèles catholiques et bouddhistes assistent aux cérémonies de Noël et participent au pèlerinage annuel au temple du Parfum (Chua Huong).

Il existe actuellement au Viet Nam près de 20 000 lieux de culte, dont 12 500 temples bouddhistes, 5 400 églises catholiques, 450 temples protestants, 650 temples caodaïstes et 70 mosquées musulmanes. La plupart des lieux de culte ont été restaurés ou sont en cours de réfection et les édifices détruits par les bombardements ennemis sont ou seront reconstruits. A l'heure actuelle, le Viet Nam compte approximativement 10 millions de bouddhistes, 6 millions de catholiques, 1,5 million de caodaïstes, 1,5 million d'adeptes du Hoa Hao, 300 000 protestants et 50 000 musulmans.

Il existe au sein de l'Eglise bouddhiste 20 000 bonzes, un institut de recherche, deux écoles de niveau supérieur et 20 écoles de niveau moyen où des milliers de prêtres sont formés. Au cours de la seule période de deux ans allant de 1991 à 1993, le nombre de prêtres a augmenté de 3 000. L'Eglise organise tous les ans des cérémonies d'ordination de prêtres, le plus grand nombre de prêtres ordonnés au cours d'une seule cérémonie ayant été de 700. Des livres de prières bouddhistes sont publiés. Comme il est indiqué plus haut, pour la première fois dans l'histoire du bouddhisme au Viet Nam, le Sutra a été traduit en vietnamien.

L'Eglise catholique compte 33 évêques, dont 18 ont été nommés par le Vatican après la libération du Viet Nam du Sud en 1975. Les rapports entre le Viet Nam et le Vatican ne cessent de s'améliorer. Au cours de chacune des trois dernières années, des délégations du Viet Nam et du Vatican ont organisé des rencontres qui ont donné des résultats concrets, notamment la nomination de cinq autres évêques. Cinq séminaires forment des prêtres qui seront affectés dans l'ensemble du pays, le nombre total de séminaristes dans chacun des établissements étant de 100 à 300. Chaque année, une centaine de séminaristes en moyenne sont ordonnés prêtres. L'Eglise catholique compte 80 congrégations, dont 50 sont rattachées à la communauté internationale, et un nombre croissant de prêtres. A l'heure actuelle, le Conseil des évêques vietnamiens a entrepris la traduction en vietnamien du catéchisme universel du Vatican.

L'Eglise protestante compte 500 pasteurs. De nouveaux pasteurs reçoivent une formation à l'école protestante. Un grand nombre de pasteurs ont été ordonnés après 1975. L'Eglise protestante vietnamienne maintient des contacts avec l'Eglise protestante internationale et a importé au Viet Nam un grand nombre de bibles.

Les sectes religieuses Hoa Hao, Cao Dai et autres poursuivent leurs activités ordinaires.

Dans le cadre de la politique d'ouverture du Viet Nam, les relations internationales des organisations religieuses ne cessent de s'élargir. En 1993, 125 délégations composées de dignitaires religieux du pays ont été autorisées à se rendre à l'étranger pour assister à des conférences ou participer à d'autres rassemblements religieux internationaux. Un grand nombre de dignitaires et de représentants d'organisations religieuses étrangères se sont rendus au Viet Nam.

En 1993, des représentants de 12 organisations asiatiques bouddhistes se sont réunis à Hanoi. Le Vatican a envoyé quatre délégations au Viet Nam. Des délégations représentant les Conseils américain, français et australien des évêques, de nombreux évêques étrangers et le Supérieur général de la congrégation internationale se sont également rendus dans le pays. Des représentants du Conseil oecuménique des Eglises et du Conseil asiatique des Eglises, ainsi que des délégations des Eglises protestantes d'Allemagne, de Corée du Sud, des Etats-Unis, de France et de Suisse, notamment, se sont rendus dans le pays et ont rencontré des représentants de l'Eglise protestante vietnamienne. Un grand nombre d'autres dignitaires religieux se sont également rendus au Viet Nam. A l'heure actuelle, environ 80 ONG ayant des activités religieuses ou en rapport avec la religion sont actives au Viet Nam.

Des organisations religieuses vietnamiennes ont organisé à l'intention de leurs adhérents des stages d'études en Inde, à Taiwan, aux Philippines, en France et au Vatican.

S'agissant de l'Eglise bouddhiste, toutes les personnalités et tous les dirigeants de l'Eglise bouddhiste unie du Viet Nam (fondée en 1964), à l'exception de Thich Huyen Quang, qui s'est opposé à l'union des congrégations bouddhistes, ont occupé ou occupent des postes élevés de direction. En conséquence, il est impossible d'affirmer que l'Eglise bouddhiste actuelle du Viet Nam (fondée en 1981) ait été créée par l'Etat.

S'agissant de l'Eglise catholique, tous les évêques du Viet Nam appartiennent à l'Eglise catholique romaine et ont été nommés par elle. Chaque année, des évêques vietnamiens se rendent au Vatican. Depuis 1975, des représentants du Conseil vietnamien des évêques participent à tous les synodes convoqués au Vatican. L'affirmation selon laquelle le Gouvernement vietnamien aurait eu l'intention de créer une Eglise autonome indépendante du Vatican est entièrement dénuée de fondement.

Un certain nombre de dirigeants des organes centraux des Eglises Hoa Hao et Cao Dai, dont certains ministres du culte, tout en s'acquittant des travaux d'apostolat qui leur avaient été confiés par l'Eglise protestante auprès de groupes ethniques minoritaires, ont participé à des complots visant à renverser le gouvernement légitime. Ils avaient stocké des armes en vue d'opérations de rébellion et avaient même lancé des attaques armées contre le gouvernement. Au Viet Nam, nul n'est arrêté, détenu ou jugé pour activité religieuse ou prise de position concernant la religion. Tous les procès se sont déroulés conformément au Code civil et au Code pénal vietnamiens qui s'appliquent à tous les citoyens sans aucune discrimination fondée sur la conviction ou la religion.

Naturellement, tout n'est pas parfait au Viet Nam dans le domaine de la religion. Les politiques ne sont pas encore pleinement appliquées et des violations sont encore commises non seulement par les adeptes de diverses religions, mais également par des fonctionnaires du gouvernement. Il ressort néanmoins de ce qui précède que les allégations de prétendue 'répression' des croyants par le Gouvernement vietnamien sont dénuées de fondement.

2. A propos des cas particuliers mentionnés dans votre lettre, je vous fais parvenir les renseignements ci-après :

a) Les personnes dont les noms suivent ne sont pas en détention et ne font l'objet d'aucune surveillance :

- Thich Nhat Lien
- Thich Khong Tanh
- Thich Quang Do (ne fait l'objet d'aucune mesure de surveillance, mène actuellement des activités religieuses en toute liberté au même temple d'Hô Chi Minh-ville, où il a rédigé un dictionnaire du bouddhisme dont les premiers volumes ont été publiés et sont en vente dans divers temples)
- Thich Huyen Quang
- Nguyen Hhi Nhi
- Nguyen Cong Doan
- Tran Huu Thanh
- Bui Thanh Se
- Nguyen Chu

b) Les personnes dont les noms suivent ont été libérées dans les dernières années :

- Thich Minh Su
- Doan Phu Xuan
- Vu Son Ha
- Tran Khac Kinh
- Do Tri Tam
- Pham Ngoc Chi
- Nguyen Thien Phung
- R'mak Loan
- Vu Minh Xuan
- Hoang Van Phung
- A Uot
- Ya Tiem
- Ha Wan
- Ha Hak
- R'mak Boi

c) Les personnes dont les noms suivent ont violé la loi, ont été jugées publiquement en pleine conformité avec les procédures pénales applicables au Viet Nam et purgent actuellement leurs peines

- Thich Tri Tuu
- Thich Hai Thinh
- Thich Hai Tang
- Thich Tue Sy
- Thich Tri Sieu
- Thich Phuc Vien
- Thich Thien Tan
- Thich Tri Giac
- Nguyen Chau Dat
- Pham Ngoc Lien
- Nguyen Minh Quan
- Dinh Tri Thuc
- Mai Huu Nghi Chuong
- Ngo Van An
- Doan Thanh Liem

Nous n'avons pas reçu de confirmation quant aux autres cas mentionnés, notamment ceux des personnes dont vous dites dans votre lettre qu'elles ont été condamnées à mort.

La loi vietnamienne prévoit que toutes les religions sont égales devant la loi et que nul n'a le droit de violer les libertés de conviction et de religion ou d'invoquer abusivement ces libertés pour enfreindre les règlements et les politiques de l'Etat (art. 70 de la Constitution vietnamienne de 1992). Parmi les personnes mentionnées ci-dessus ayant violé la loi et purgeant actuellement leurs peines, se trouvent Thich Tri Tuu, Thich Hai Thinh et Thich Hai Tang. Vous affirmez dans votre lettre que ces personnes ont été arrêtées en raison de leurs activités religieuses et jugées à huis clos, mais les faits sont entièrement différents. Ces personnes ont invoqué abusivement la liberté de religion pour violer la loi en provoquant délibérément des perturbations de l'ordre public et en détruisant des biens publics. Les témoins des événements ont rendu compte objectivement de ces perturbations survenues à Hue en mai 1993; les enregistrements sur vidéocassette qui ont été faits et qui ont été projetés à la télévision donnent une image réelle des événements survenus. Toute la population a pu constater les perturbations ainsi causées et s'est élevée contre les actes commis par ces adhérents du bouddhisme, religion qui traditionnellement ne préconise que la non-violence et le respect du bien.

Le 15 novembre 1993, le tribunal populaire de Hue a jugé publiquement ces personnes, dans le plein respect des procédures pénales applicables au Viet Nam et a imposé les peines correspondant à leur culpabilité dans les perturbations de l'ordre public. Les médias vietnamiens ont rendu pleinement compte du procès, auquel ont assisté de nombreux membres du public, parmi lesquels des bouddhistes."

Ex-Yougoslavie

84. Le Rapporteur spécial a examiné une nouvelle fois la situation très préoccupante qui prévaut sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, où plusieurs communautés religieuses et lieux de culte ont subi des actes de violence graves, notamment en Bosnie-Herzégovine. Cette année encore, aucune allégation concrète n'a été envoyée aux autorités concernées, étant donné la complexité de la situation et le fait que le Rapporteur spécial, expressément désigné par la Commission pour examiner la situation des droits de l'homme dans le territoire de l'ex-Yougoslavie, s'est rendu sur place à plusieurs reprises et en a informé la Commission, en lui adressant cinq rapports, depuis février 1993. Dans la conclusion de son dernier rapport, le Rapporteur spécial "rappelle au monde que la communauté musulmane de Bosnie-Herzégovine est menacée d'extermination" (E/CN.4/1994/47, par. 228).

85. Selon les informations qui sont parvenues au Rapporteur spécial, celui-ci constate que la pratique de la "purification ethnique" continue d'être appliquée sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Cette pratique a, la plupart du temps, une connotation de discrimination religieuse avérée. Les renseignements que le Rapporteur spécial a reçus sont certes incomplets à ce stade. Pour le moment, il dispose surtout de listes de bâtiments religieux ou de lieux de culte contre lesquels des actes de destruction auraient été perpétrés. Un grand nombre de membres du clergé de divers groupes religieux auraient été molestés, menacés de mort ou même exécutés. A titre d'exemple, le mufti de Tuzla, en Bosnie-Herzégovine, aurait été emprisonné à Konjic au début de l'année 1993, par des forces croates et aurait été cruellement battu. Selon son témoignage, une cinquantaine d'imams auraient également été détenus dans la même prison. Des tentatives de conversion à la religion orthodoxe auraient été opérées sur quelque 2 600 musulmans de Banja Luka et de Doboj. D'autres tentatives de conversion à l'islam, cette fois, se seraient produites à l'est de Mostar et dans la ville de Bugojno. En Bosnie centrale, à Foinica, deux prêtres catholiques auraient été tués par les troupes gouvernementales le 15 novembre 1993.

86. Par ailleurs, le Rapporteur spécial a été informé que de nombreux sites religieux de Sarajevo, d'origine musulmane, catholique ou orthodoxe, auraient subi des destructions considérables, suite aux bombardements dont la ville a été victime.

87. Parmi les sites religieux musulmans, il convient de citer :

- La mosquée du Bey (Gazi Husreva-Begova dzamija), érigée en 1530 et la plus vaste en Europe après celles de la Turquie; aurait été gravement endommagée au dôme et au minaret. Les tombeaux du Bey Gazi Husreva et du Bey Murat auraient été atteints par de nombreux projectiles;

- La mosquée du Sultan (Careva dzamija), érigée en 1565; aurait été restaurée, après avoir subi de sérieux dommages. Les monuments du cimetière attenant auraient été gravement endommagés, suite à des bombardements;

- La bibliothèque avoisinante du Bey Gazi Husreva, créée en 1537 et contenant une très riche collection de 4 500 manuscrits; aurait été sérieusement endommagée. Un témoin oculaire de bonne foi aurait même affirmé qu'elle aurait brûlé;

- La mosquée d'Ali Pasha (Ali-Pasina dzamija), construite en 1560, aurait subi d'importants dégâts, notamment au dôme;

- La mosquée de Bascarisija (Havadze Duraka dzamija), érigée en 1550, aurait été atteinte par de nombreux projectiles;

- L'école coranique (Kursumlija medresa), construite en 1537, aurait été attaquée à maintes reprises et serait partiellement brûlée;

- La mosquée de Cekrcina (Cekrcina dzamija), datant de 1526, aurait subi de grands dommages, de même que les maisons environnantes;

- La mosquée du Bey Ferhat (Ferhat-Begova dzamija), datant de 1561, serait sérieusement endommagée;

- Le mesjid Tabacki (Hadzi Osmanov mesdzid), datant de 1591, aurait brûlé;

- La mosquée de Cobanija (Cobanija dzamija), datant de 1562, serait endommagée;

- La mosquée de Dzanica (Dzindo-Zade dzamija), datant du XVIIe siècle, aurait été atteinte par de nombreux projectiles;

- La mosquée de Hadzi Ibrahim (Dajanli Hadzi Ibrahima dzamija na Gorici), datant du XVIIe siècle, serait gravement endommagée;

- Le mesjid Gazgani Hadzi Ali (Gazgani Hadzi Alije mesdzid na Sirokaci), datant de 1561, aurait été sérieusement atteint;

- La mosquée de Magribija (Sejha Magribije dzamija), datant du XVe siècle, serait réduite à l'état de ruine, à la suite de bombardements en mai 1992;

- La mosquée de Sinanova (Ijdidzik Dinanova dzamija na Sirokaci), datant de 1562, aurait subi de très graves dommages, suite à des attaques à la roquette les 19 et 20 mai 1992;

- Le mesjid de Hadzi Mehmed (Ivlakovli Haezi Mehmedov mesdzid), datant de 1528-1540, aurait grandement souffert du bombardement du 12 juin 1992;

- La mosquée de Sarac Ali (Sarac Alijina dzamija na Vrbanjusi), datant de 1892-1893, aurait subi de sérieux dommages;

- La mosquée de Seik Faruh (Sejh Feruhova dzamija), datant de 1541, aurait été gravement endommagée;

- La mosquée de Hadzi Ihnan-age Topalovica (Hadzi Ihnan-age Topalovica dzamija), datant de 1525, aurait subi de très grands dommages;

- La mosquée de Sinan Hatun (Sinan Vojvode Hatun dzamija na Vratnik-Mejdanu), datant de 1552, serait périodiquement atteinte par des projectiles;

- La nouvelle mosquée de Kobiloj Glavi aurait été totalement détruite par des tirs de blindés et d'artillerie lourde, ce qu'aurait confirmé un témoin oculaire.

88. En ce qui concerne les sites religieux catholiques, l'Archevêché catholique de Bosnie a fourni une liste d'églises, de bâtiments religieux ou de séminaires qui auraient été atteints ou endommagés durant les bombardements de Sarajevo. Seraient concernés les bâtiments ci-après :

- La cathédrale, datant de 1899, aurait subi des dommages au toit, aux façades et aux vitraux; la dernière atteinte par un tir de char remonterait au 15 février 1993;

- L'église de Saint-Cyril et de Metoda, datant de 1896, aurait subi des tirs sur le dôme et les murs en mars 1993; les fenêtres seraient cassées et l'église serait depuis lors fermée;

- La résidence de l'archevêque, datant de 1893, aurait eu ses fenêtres cassées et sa façade abîmée par des tirs directs; le toit de la bibliothèque aurait également été troué par des tirs;

- L'église de la Reine de la Sainte-Couronne, datant de 1910, en style néobaroque, aurait été atteinte par des projectiles sur le toit;

- L'église de Saint-Vinka, datant de 1910, aurait subi de grands dommages, notamment au toit; trois peintures de Gabriel Jurkic auraient été détruites, ainsi que l'orgue et la presque totalité de l'intérieur de l'église;

- L'église et le séminaire de Saint-Anthony, datant de 1912-1914, auraient subi des tirs, endommageant particulièrement le second;

- L'église du Christ Enfant, datant de 1890-1892, aurait été complètement détruite par le feu, à la suite de bombardements;

- Le bâtiment de l'Ordination de l'évêque, datant de 1895, aurait subi des dégâts au toit, aux façades et aux fenêtres, suite à des tirs.

89. Enfin, selon des indications fournies par les autorités religieuses orthodoxes, en date du 29 mars 1993, les églises et bâtiments suivants auraient été atteints :

- L'église des Archanges, vieille église orthodoxe datant du XVIe siècle, avec une tour néobyzantine de 1908, aurait subi des dégâts au toit et aux vitraux, principalement durant le bombardement du ler mars 1993, qui auraient été réparés entre temps. Le musée attenant à l'église aurait subi quelques dommages moins importants;

- L'église de Saborna aurait eu le toit sérieusement endommagé, de même que les fenêtres et les vitraux détruits;

- L'église du Nouveau Sarajevo aurait complètement brûlé;

- Le bâtiment du Métropolitanat aurait eu son toit partiellement brûlé durant des bombardements; la bibliothèque de 5 000 volumes, ainsi que les archives, auraient été complètement détruites par le feu.

90. Des destructions ont été également signalées au Rapporteur spécial en d'autres lieux de Bosnie-Herzégovine. En dehors de Sarajevo, de nombreuses mosquées auraient subi des dommages considérables dans les localités suivantes : Banja Luka, Bijeljina, Bileca, Bosanska Krupa, Bosanski Brod, Bosanki Novi, Bosanki Samac, Bratunac, Brcko, Derventa, Doboj, Foca et sa région, Gorazde, Gracanica, Jajce, Kalesija, Konjic, Kotezi, Nevesinje, Prijavor, Trebinje, Tuzla et Zvornik. Plusieurs édifices musulmans auraient aussi été détruits par les forces croates à Mostar et à Sfolac, en Herzégovine occidentale. Toujours dans cette région, l'épuration ethnique dont a été victime la ville de Pocitelj aurait entraîné la démolition d'une mosquée du XVIe siècle et de sa madrasa.

91. En outre, selon des informations toutes récentes, les forces croates ou musulmanes auraient infligé des destructions considérables à de nombreux bâtiments religieux appartenant à plusieurs éparchies de l'Eglise orthodoxe serbe en Bosnie-Herzégovine :

- Dans l'éparchie de Banja Luka, une église orthodoxe aurait été détruite;

- Dans l'éparchie de Bihac et Petrovac, cinq églises auraient été détruites et deux autres endommagées;

- Dans l'éparchie de Dabar et Bosnie, le siège de celle-ci aurait été détruit; 10 églises auraient été démolies et 12 autres endommagées, de même qu'une chapelle; 2 autres chapelles et 7 maisons de paroisse auraient été démolies;

- Dans l'éparchie de Zahumlje et Herzégovine, 24 églises auraient été démolies, y compris le monastère de Zitomislic; 16 autres églises auraient subi des dommages. Deux résidences épiscopales auraient été dynamitées; cinq cimetières auraient été ravagés et cinq autres endommagés. Trois chapelles auraient également été touchées et l'une d'entre elles démolie. Deux maisons de paroisse auraient été détruites;

- Dans l'éparchie de Zvornik et Tuzla, 32 églises auraient été détruites et 26 autres endommagées. Le siège de l'éparchie, y compris la résidence de l'évêque et huit maisons de paroisse, auraient été endommagés. Vingt autres maisons de paroisse, une chapelle et deux cimetières auraient été démolis;

- Enfin, à Mostar, une ancienne église orthodoxe du XVIe siècle, aurait été détruite. La cathédrale aurait été dynamitée et rasée en juin 1992, après avoir subi des dommages considérables au beffroi et à l'intérieur de l'église.

92. D'autres bâtiments religieux recensés par l'archevêque catholique de Bosnie auraient également subi des dommages à Bugojno (11), à Travnik (3), à Dervent (15), à Usors (8), à Brcan (8), à Dobor (16), à Samac (7), à Zepac (3), et à Sutjes (3).

93. En Croatie, sept églises catholiques romaines auraient été détruites par des forces serbes dans le secteur est de la région. Dans le même secteur, à Ilok, l'église aurait été attaquée à trois reprises. En outre, le siège de l'éparchie de l'Eglise orthodoxe serbe dans la ville de Karlovac aurait été détruit. A Zagreb, enfin, la résidence du Métropolite orthodoxe aurait été dynamitée. Toujours en Croatie, les forces croates auraient profané et endommagé l'église orthodoxe serbe de Dubrovnik, en y installant leurs quartiers en octobre 1992; ils auraient également bivouaqué dans le monastère serbe de Zavata, érigé au XVe siècle.

III. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

94. L'application de la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction n'est pas dissociable de la question générale du respect de l'ensemble des droits de l'homme, lesquels ne peuvent connaître de promotion réelle en l'absence de démocratie et de développement. L'action pour la promotion des droits de l'homme devrait être, en conséquence, et de manière simultanée, d'une part une action pour l'instauration, la consolidation ou la protection de la démocratie en tant qu'expression des droits de l'homme sur le plan politique, et d'autre part une action tendant à contenir et à résorber l'extrême pauvreté et à favoriser le droit des individus et des peuples au développement en tant qu'expression des droits de l'homme et de solidarité entre les hommes sur le plan économique, social et culturel. C'est dire, comme l'avait relevé la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, que "la démocratie, le développement et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont interdépendants et se renforcent mutuellement" et que "tous les droits de l'homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés".

95. Le Rapporteur spécial est d'avis que toute dissociation des éléments de la trilogie - tout autant que toute sélectivité dans ce domaine - est de nature à favoriser la réduction des droits de l'homme à un discours à consistance variable et à portée variable, ce qui pourrait se répercuter de manière défavorable sur les mécanismes et les procédures de protection des droits de l'homme.

96. Si la protection des droits de l'homme constitue une préoccupation légitime de la communauté internationale, c'est parce que, par principe même, elle se situe au-dessus des contingences et des considérations particulières et que ses mobiles, tout autant que ses finalités, sont par définition supposés être et demeurer justifiables par la nécessité d'assurer le respect et la prévalence des droits de l'homme hors de toute sélectivité et de tous autres buts ou objectifs. Le Rapporteur spécial est d'avis qu'il serait souhaitable de rassurer encore l'ensemble des parties concernées à propos de l'importance du respect des droits de l'homme et d'affirmer davantage la nécessité d'assurer la protection des droits de l'homme à l'abri de tout ce qui lui est étranger, en évitant tout autant l'immixtion, le rejet ou l'esquive.

97. "La haine, l'intolérance et les actes de violence, y compris ceux qui sont motivés par l'extrémisme religieux", pourraient être de nature à favoriser l'émergence de situations susceptibles de menacer ou de compromettre, d'une manière ou d'une autre, la paix et la sécurité internationales et de porter atteinte au droit de l'homme et des peuples à la paix. Le Rapporteur spécial est d'avis que la préservation du droit à la paix devrait inciter à développer davantage la solidarité internationale en vue de juguler l'extrémisme religieux, de quelque bord qu'il relève, en agissant tant sur ses causes que sur ses effets, sans sélectivité ni ambivalence et en définissant, dans un premier temps, un minimum de règles et de principes communs de conduite et de comportement à l'égard de l'extrémisme religieux.

98. C'est dans l'esprit des hommes que naissent toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction et c'est à ce niveau, beaucoup plus qu'à d'autres, que l'action devrait se situer prioritairement. L'éducation pourrait être le moyen essentiel de lutter contre les discriminations et l'intolérance. Elle pourrait contribuer, d'une manière décisive, à l'intériorisation des valeurs axées autour des droits de l'homme et à l'émergence, tant au niveau des individus que des groupes, d'attitudes et de comportements de tolérance et de non-discrimination, participant ainsi à la propagation de la culture des droits de l'homme. La place de l'école dans le système éducatif est essentielle. Aussi faudrait-il prêter une attention particulière, partout dans le monde, à ce que véhiculent les programmes scolaires (enseignement primaire et enseignement secondaire notamment) relatifs à la liberté religieuse ou à la tolérance. Le Rapporteur spécial est profondément convaincu que les progrès durables en matière de tolérance et de non-discrimination en rapport avec la religion ou la conviction pourraient être assurés, à titre principal, par l'école. Il estime qu'il serait approprié de réaliser une enquête sur les questions relevant de son mandat telles qu'elles pourraient se manifester à travers les programmes scolaires. Une telle enquête permettrait d'envisager d'établir de concert, notamment avec les organisations internationales spécialisées, une statégie internationale scolaire de lutte contre toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion et la conviction, stratégie qui pourrait être axée autour de la détermination et de la réalisation d'un programme minimum commun de tolérance et de non-discrimination.

99. Année après année, depuis huit ans, selon le mandat qui lui a été confié par la Commission des droits de l'homme, le Rapporteur spécial examine les incidents et les mesures gouvernementales qui s'avéreraient incompatibles avec les dispositions de la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction. Il tient, plus encore que par le passé, à exprimer cette année, à la Commission et aux Etats membres, sa vive gratitude pour la confiance qu'ils lui ont témoignée jusqu'ici et pour les fructueuses opportunités de dialogue dont il a déjà bénéficié avec certains d'entre eux.

100. Durant la période écoulée, le Rapporteur spécial a donc reçu de nombreuses plaintes faisant état de violations des droits et des libertés consacrés dans la Déclaration et a pu ainsi se faire une idée plus précise des facteurs qui entravent son application. Le dialogue positif qui s'est instauré au fil des ans entre les gouvernements et le Rapporteur spécial lui a permis de poser à ceux-ci des questions concrètes sur des incidents ou des cas particuliers propres à leur pays. Il salue ici l'esprit d'ouverture, l'écoute, l'intérêt soutenu, de même que la volonté d'aboutir à des solutions concrètes, qu'il a rencontrés auprès des gouvernements approchés au cours de cette phase initiale de son mandat. Il apprécie également les remarquables progrès réalisés dans certains pays comme l'Albanie et la Bulgarie en rapport avec diverses questions relevant de son mandat. Enfin, il prend note des efforts fournis par d'autres pays, telles la République de Moldova et la Roumanie, en vue de contenir et résoudre les difficultés que posent certains aspects particuliers des problèmes religieux auxquels ils sont confrontés.

101. Le Rapporteur spécial tient à remercier tout particulièrement les organisations non gouvernementales pour l'excellente collaboration qu'il a reçue de leur part et souligne le rôle dynamique qu'elles ont joué pour renouveler constamment sa connaissance des faits et des problèmes relevant de son mandat. Les informations communiquées au Rapporteur spécial attestent la complexité des préoccupations que porte la communauté internationale aux problèmes de l'intolérance et de la discrimination fondés sur la religion et les réels efforts qu'accomplissent de nombreux gouvernements pour en limiter les conséquences. Une fois encore, le rôle du Rapporteur spécial ne consiste pas à formuler des jugements de valeur ou des accusations, mais vise bien davantage à cerner les facteurs ou même certaines des causes qui engendrent l'apparition de phénomènes d'intolérance ou de discrimination fondés sur la religion. Il souhaite ainsi mobiliser les forces vives de l'opinion publique internationale et instaurer un dialogue alerte avec les gouvernements et toute autre partie concernée. Dans cette perspective, le Rapporteur spécial entend s'appuyer sur les normes internationalement reconnues en matière de liberté religieuse, tel l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de même que sur l'ensemble des dispositions de la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction.

102. Durant la période écoulée, les plaintes recueillies par le Rapporteur spécial provenaient de presque toutes les régions du monde. Diverses manifestations d'intolérance religieuse se sont déroulées avec persistance dans des pays soumis pourtant à des stades de développement différents et appliquant des systèmes politiques et sociaux variés. Ces manifestations n'ont pas été limitées à une seule confession religieuse. La majorité des plaintes ont porté sur des violations de la liberté d'avoir une religion ou une conviction de son choix, le droit de changer de religion ou de croyance, le droit de manifester et de pratiquer sa religion en public et en privé, le droit d'observer les jours de repos et de célébrer les fêtes et cérémonies conformément aux préceptes de sa religion ou de sa conviction, et celui de ne pas faire l'objet d'une discrimination de la part d'un Etat, d'une institution, d'un groupe de personnes en raison de sa religion ou de sa conviction.

103. Ainsi que le Rapporteur spécial l'a déjà souligné dans ses rapports antérieurs, la violation des droits précités menace de près ou de loin la jouissance d'autres droits de l'homme et libertés fondamentales, consacrés à la fois par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que par d'autres instruments relatifs aux droits de l'homme. Durant la période écoulée, le non-respect de certaines dispositions de la Déclaration a entraîné des répercussions négatives sur le droit à la vie, le droit à l'intégrité physique et à la liberté et à la sécurité de la personne, le droit à la liberté d'expression, le droit de ne pas être soumis à la torture et à d'autres traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants et celui de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement. Le Rapporteur spécial constate, une fois de plus, que les droits des personnes appartenant à des minorités religieuses ont souffert de nombreuses atteintes, souvent graves, dans les pays professant une religion officielle ou une religion nettement majoritaire.

104. Les actes d'intolérance et de discrimination fondés sur la religion ont été caractérisés, en de maintes occasions, par le recours à la violence ou la menace de recourir à la violence. Dans la plupart des cas, ils englobent l'interdiction et la répression des manifestations en public d'une religion particulière. Des affrontements entre adeptes de différentes confessions ont persisté de même que des persécutions physiques et mentales. De nombreuses mesures d'intimidation, voire de répression, pour cause d'appartenance à certaines confessions ou à certains groupes religieux ont été appliquées : qu'il s'agisse de détentions arbitraires, de condamnations à de lourdes peines de prison ou à l'emprisonnement à vie, de mauvais traitements ou de tortures, d'enlèvements ou encore d'exécutions sommaires ou extrajudiciaires. Les personnes se convertissant à une autre religion, notamment à une religion minoritaire, sont toujours sévèrement punies dans plusieurs pays. Le Rapporteur spécial note que, parfois, en filigrane de ces mesures, apparaissent des mobiles économiques. Dans d'autres pays, des personnes n'appartenant pas à la religion officielle ont été obligées de suivre des cours d'instruction religieuse obligatoires.

105. En outre, les membres de certaines confessions religieuses sont toujours l'objet de sanctions administratives telles que la confiscation de leurs biens, le refus de l'accès à l'éducation et à l'emploi, l'exclusion du service public, voire le refus du versement de salaires et de pensions. Certaines garanties judiciaires, comme le droit à un procès équitable et le droit de faire recours, ne sont toujours pas respectées ni appliquées par plusieurs pays. Des membres du clergé provenant de diverses confessions ont encore fait l'objet de mesures d'intimidation ou même de menaces de mort à cause des activités qu'ils mènent au sein de leurs communautés respectives en parallèle à leurs fonctions religieuses.

106. Cette année encore, le Rapporteur spécial a reçu des informations alarmantes concernant des actes d'intolérance et de discrimination fondés sur la religion qui ont été perpétrés par des groupes d'individus sans que les forces de sécurité ne soient intervenues ou presque. Il est également vivement préoccupé par des informations selon lesquelles les forces armées ou des membres des services de sécurité auraient en fait participé à ce genre d'activités dans plusieurs cas. Il a relevé, une fois de plus, à quel point il était difficile de limiter ou d'empêcher la diffusion d'opinions extrémistes ou fanatiques, comme de lutter contre la méfiance qu'inspirent des membres et des groupes de certaines confessions religieuses ou des adhérents à des sectes. Bien que les manifestations de discrimination et d'intolérance fondées sur la religion soient souvent imputables à un large spectre de facteurs historiques, économiques, sociaux, politiques ou culturels, elles résultent bien souvent aussi de comportements sectaires et dogmatiques. En raison des effets pernicieux que de telles manifestations peuvent induire pour la stabilité des relations internationales, le Rapporteur spécial estime que les Etats devraient demeurer particulièrement vigilants dans ces domaines, et consentir à prendre des mesures énergiques pour lutter contre la discrimination et l'intolérance fondées sur la religion, quel que soit le niveau auquel celles-ci sévissent.

107. Le Rapporteur spécial est vivement préoccupé par les développements de la situation dans certains pays, et particulièrement en Algérie, où de nombreuses pertes en vies humaines sont à déplorer. Des universitaires, des médecins, des journalistes et des hommes de culte ont été victimes aussi de violence traduisant des attitudes et des comportements d'intolérance et de discrimination fondés sur la religion ou la conviction. Le Rapporteur spécial nourrit également des inquiétudes devant la progression de tensions antagonistes entre groupes religieux ou se réclamant de certaines religions dans plusieurs régions du monde. Dans le rapport qu'il a présenté à la Commission des droits de l'homme à sa quarante-huitième session (E/CN.4/1992/52, par. 47 et 48), le Rapporteur spécial a évoqué l'attaque de la mosquée Babri à Ayodya (Inde), qui date du XVIe siècle et qui a été détruite par des militants hindous au début du mois de décembre 1992, lors d'affrontements qui ont fait plus de 1 000 morts, selon le bilan à la date de la rédaction du présent rapport. Ce déplorable incident a été suivi par la démolition de plusieurs temples hindous à titre de représailles ainsi que par de violentes manifestations d'intolérance religieuse, aussi bien en Inde que dans plusieurs pays voisins ou autres. Le Rapporteur spécial nourrit également de vives inquiétudes devant les allégations de violations systématiques de nombreux droits de l'homme à l'encontre des membres de la communauté musulmane au Myanmar. Le Rapporteur spécial estime, en outre, qu'une attention accrue devrait être prêtée dans le futur immédiat aux problèmes de plus en plus nombreux posés par l'extrémisme religieux, les minorités religieuses, ainsi que les sectes et autres communautés similaires ou assimilables.

108. Le Rapporteur spécial constate aussi que les revendications formulées par plusieurs Eglises dans divers pays d'Europe de l'Est, comme la Roumanie, pour recouvrer leurs biens immobiliers n'ont pas encore été totalement satisfaites, bien que des législations appropriées aient été édictées à cet effet. Il estime que les efforts consentis par les autorités concernées méritent d'être soutenus et encouragés, d'autant plus que les changements requis sont parfois difficiles à opérer et que la gestion de toute transition peut se heurter à de réels obstacles dont l'élimination requiert du temps.

109. Le Rapporteur spécial est vivement préoccupé par l'évolution critique de la situation sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. La politique d'anéantissement des fondements religieux et culturels qui y est pratiquée, les destructions de monuments et sites religieux et culturels, ainsi que les menaces d'extermination de la communauté musulmane interpellent, à chaque instant, l'ensemble de la communauté internationale. Il est approprié d'indiquer encore une fois que, dans son dernier rapport à la Commission des droits de l'homme, le Rapporteur spécial chargé d'examiner la situation des droits de l'homme dans le territoire de l'ex-Yougoslavie (E/CN.4/1994/47) "rappelle au monde que la communauté musulmane de Bosnie-Herzégovine est menacée d'extermination (par. 228)".

110. Le Rapporteur spécial considère de la plus haute importance qu'un dialogue interconfessionnel s'instaure entre les principales religions pour lutter contre les effets néfastes des idées sectaires et de l'intransigeance manifestée par certains groupes extrémistes, afin de renforcer la tolérance religieuse au niveau international. L'instauration d'un climat propice au dialogue et à la compréhension dépend du respect de la légalité et du bon fonctionnement des institutions démocratiques. Les droits et libertés inscrits dans la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion et la conviction de 1981 ne trouveront leur épanouissement que si une attention particulière est accordée à la complexité des facteurs sous-jacents qui entravent l'exercice de ces droits : violence auxquelles elles peuvent aboutir, sont souvent liées à des inégalités socio-économiques ou autres. L'affermissement de la démocratie dans de nombreux pays, de même que des modifications appropriées au cadre juridique et constitutionnel, contribueront de manière décisive à l'instauration d'un réel climat de tolérance religieuse.

111. Le Rapporteur spécial réitère les recommandations qu'il a déjà soumises dans ses précédents rapports sur l'impérative nécessité pour les Etats qui ne l'auraient pas encore fait de ratifier les instruments juridiques internationaux pertinents relatifs aux droits de l'homme et de recourir aux mécanismes existants pour veiller à la mise en oeuvre de ces instruments. De même, il incombe aux Etats d'examiner la possibilité d'élaborer un instrument international contraignant visant à éliminer l'intolérance et la discrimination fondées sur la religion ou la conviction, suite aux recommandations de M. Theo van Boven, expert de la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, dans son étude de 1989 (E/CN.4/Sub.2/1989/32). L'élaboration d'un tel instrument ne devrait toutefois pas être précipitée. Du temps est encore nécessaire pour accomplir des progrès significatifs en matière de liberté religieuse et lutter contre l'intolérance et la discrimination fondées sur la religion ou la conviction.

112. Le Rapporteur spécial souhaite que les Etats demeurent attentifs aux situations susceptibles d'entraîner des violations de l'un ou l'autre droit consacré par la Déclaration, et qu'ils prennent les mesures nécessaires pour repérer les lacunes de leur propre législation et y apporter les modifications appropriées, tout en mettant en place les garanties constitutionnelles et juridiques propres à assurer la protection de ces droits. Les Etats devront adopter les amendements constitutionnels et législatifs requis, en cas d'incompatibilité avec les dispositions de la Déclaration.

113. Il incombe également aux Etats de mettre à la disposition des personnes qui sont victimes d'actes d'intolérance ou de discrimination fondés sur la religion les recours administratifs et judiciaires pertinents pour sanctionner ces incidents. Les Etats devraient aussi réfléchir aux mécanismes de conciliation à mettre sur pied pour résoudre les différends résultant d'actes d'intolérance religieuse. Etant donné que l'impunité favorise la persistance des violations des droits de l'homme, les Etats devraient également créer des institutions nationales chargées de promouvoir la tolérance en matière de religion et de conviction. Par exemple, le Gouvernement de l'Inde a adopté, le 28 septembre 1993, une ordonnance prévoyant la création d'une Commission nationale des droits de l'homme, de Commissions similaires au niveau des divers Etats de l'Inde, ainsi que de Cours de droits de l'homme correspondantes.

114. Le Rapporteur spécial souligne enfin l'importance cruciale de faire connaître les principes énoncés dans la Déclaration aux membres des organes législatifs, de la magistrature, du barreau et de la fonction publique, pour les encourager à travailler de façon dynamique à l'élimination de certaines causes profondes de l'intolérance religieuse. Il entend insister encore sur la nécessité de promouvoir les idéaux de tolérance et de compréhension en matière de religion et de conviction par le biais de l'éducation, en faisant inscrire les normes nationales et internationales des droits de l'homme aux programmes scolaires et universitaires et en formant de façon adéquate le personnel enseignant. En outre, le Rapporteur spécial tient à relever le rôle important joué par les conférences de presse et les séminaires d'information pour diffuser le plus largement possible les principes consacrés dans la Déclaration de 1981 et favoriser la compréhension et la tolérance en matière de religion et de conviction.


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